Numéro 111 - 30
octobre 2012
Ouverture de l'Assemblée
nationale du Québec
Calme plat à l'approche du
discours inaugural
Ouverture
de
l'Assemblée
nationale
du
Québec
• Calme plat à l'approche du discours
inaugural
À titre
d'information
• Mesures adoptées ou annoncées
du gouvernement Marois
• Préparation du Sommet sur
l'éducation
Disons Non! sans
équivoque à l'accord commercial entre le Canada et
l'Union européenne!
• Pour une discussion sérieuse et
informée sur la direction que l'économie doit prendre!
- Pierre Soublière
• L'accord entre le Canada et l'Europe :
Transparence ou propagande ? - Claude Vaillancourt,
président d'ATTAC-Québec
Ouverture de l'Assemblée nationale
du Québec
Calme plat à l'approche du discours inaugural
Il est remarquable à quel point silencieux sont
les partis politiques à l'approche de l'ouverture de la
première session de l'Assemblée nationale. Après
tout, ne s'agit-il pas d'un nouveau gouvernement après neuf ans
de règne libéral? Tout semble se faire en coulisses et on
dirait que les événements suivent un trajet fixé
d'avance.
Le système de partis de cartel qui est en train
de s'installer à l'Assemblée nationale du Québec,
comme partout ailleurs au Canada, creuse l'écart entre le
gouvernement, les élus et le peuple. Gouvernement minoritaire
oblige, nous dit-on, la politique doit se confiner à des
tractations et des clins d'oeil entre les partis du pouvoir, chacun
invoquant un intérêt supérieur: le
développement économique pour les libéraux, la
responsabilité fiscale pour la Coalition Avenir Québec et
l'indépendance nationale un jour pour le Parti
Québécois. Pourquoi les élus n'engagent-ils pas
les travailleurs, les jeunes, les femmes et tous ceux qui
réclament leurs droits dans une discussion qui met au premier
plan la nécessité de satisfaire les besoins criants en
santé, en éducation et autres services publics? Pourquoi
n'engagent-ils pas la discussion sur la nécessité
de protéger l'environnement naturel contre le «droit de
monopole» dans le secteur des ressources et laisser parler le
peuple? Ou sur la nécessité de nous assurer que nos
ressources servent nos besoins et de protéger le droit des
travailleurs de défendre leurs droits et de maintenir les
niveaux de vie acquis, tout cela qui est sous les feux d'une offensive
brutale en ce moment?
La défaite des libéraux a
créé un espace pour le changement, mais cet espace doit
être occupé à l'avantage du peuple, pas par les
dogmes officiels du néolibéralisme à propos de la
« lutte au déficit »,. Si l'élection du
4 septembre a montré quelque chose, après une si
grande démonstration de la force du mouvement social, c'est que
l'aspect politique continue de nous échapper. Dans un climat de
dépolitisation, ce sont les intérêts en place qui
continuent de prévaloir.
Les députés qui veulent vraiment donner
suite aux demandes exprimées par le mouvement de protestation
doivent prendre au sérieux leur responsabilité envers le
peuple et se méfier de la cartellisation des partis politiques
liés par le financement public. Les travailleurs, les jeunes et
l'ensemble du peuple doivent exiger des députés qu'ils
soient responsables envers le l'intérêt
public, pas envers les dogmes néolibéraux de la
« lutte au déficit » qui sont une ruse
pour servir des intérêts privés aux dépens
de l'intérêt public.
La prorogation de l'assemblée législative
en Ontario pour que les partis libéral et conservateur puissent
préparer une attaque en règle contre les travailleurs du
secteur public, le dépôt d'un autre projet de loi omnibus
par le gouvernement Harper au Canada pour éliminer toute
discussion sur les mesures antisociales et la trahison des
intérêts nationaux des Canadiens, l'annulation de la
session d'automne de l'assemblée législative de la
Colombie-Britannique parce que le gouvernement libéral de
Christy Clark a besoin de « plus de temps pour
préparer son budget », et le lourd silence politique
à l'approche du discours inaugural de la première session
de l'Assemblée nationale du Québec après neuf ans
de régime libéral -- tout cela dessine une tendance bien
précise à la dépolitisation de
l'intérêt public en faveur d'intérêts
privés. Il est clair que les réformes électorales
engagées depuis les années 1970 au niveau
fédéral, au niveau provincial et au Québec n'ont
pas ralenti la concentration du pouvoir politique entre les mains des
intérêts privés qui contrôlent
différents secteurs de l'économie. Ces réformes
électorales ont montré que les partis au pouvoir votent
pour des réformes qui servent leurs intérêts, qui
répondent à leur désir de ne plus devoir
répondre de leurs gestes envers les électeurs et de
plutôt compter sur les campagnes médiatiques
financées grâce au financement public
« neutre ».
Tout cela montre la
nécessité de redoubler d'effort pour développer la
politique indépendante de la classe ouvrière et
créer un mouvement politique qui donne suite aux demandes des
travailleurs, des jeunes, des femmes et de tous ceux qui
réclament leurs droits. Refusons de mettre les demandes du
peuple en « attente » pendant que s'installe un
cartel politique qui étouffe petit à petit toute
possibilité d'expression de la volonté populaire et qui
permet aux représentants politiques des monopoles mondiaux de
s'accaparer du pouvoir politique de décider à leurs fins.
À titre d'information
Mesures adoptées ou annoncées
du gouvernement Marois
Voici certaines des mesures adoptées ou
annoncées du gouvernement du Parti Québécois
depuis l'élection du 4 septembre 2012.
Frais de scolarité
Annulation de la hausse des droits de scolarité
le 20 septembre
Loi 12 (loi spéciale du gouvernement
Charest)
Décret 924-2012 abrogeant les dispositions
de la loi 12 concernant l'interdiction de manifester adopté
le 20 septembre (voir le texte du décret ci-dessous)
Taxe santé et hausse d'impôt
Annonce le 10 octobre de l'intention de rendre la
« taxe santé » progressive plutôt
que de l'abolir. Au lieu de s'appliquer à tous ceux qui gagnent
plus de 14 000 $ par année, la nouvelle taxe
s'appliquera selon le niveau de revenu. Une personne avec un revenu de
18 000 $ ou moins, c'est-à-dire le salaire minimum
à temps plein, ne paiera plus la taxe. Une personne avec un
revenu entre 20 000 $ et 40 000 $ paiera 100 $ par
année au lieu de 200 $ tandis que ceux qui gagnent entre 40
000 $ et 130 000 $ continueront de payer 200 $ et ceux
qui font plus que 130 000 $ devront verser une contribution
graduelle pouvant atteindre 1 000 $.
Pour compenser la perte de revenus, il y aura une hausse
d'impôt de 1,75 % pour les personnes avec un revenu
imposable de 100 000 $ et plus. Le gouvernement renonce aussi
à hausser l'impôt sur les gains de capital et les
dividendes parce que, après révision des faits, cela
pourrait toucher les individus « de la classe
moyenne » qui détiennent des actifs financiers et
immobiliers.
Maintien des objectifs budgétaires du
gouvernement précédent
Le 5 octobre le ministre des Finances Nicolas
Marceau a annoncé que malgré l'existence d'un
« trou de 1,6 milliard $ laissé par le
gouvernement libéral » le gouvernement du Parti
Québécois s'engage à maintenir les objectifs
budgétaires du gouvernement précédent. Le
déficit sera donc maintenu à 1,5 milliard $
pour 2012-2013 et il y aura équilibre budgétaire
l'année suivante. Le « trou » de
1,6 milliard $ est 1,1 milliard $ de
dépenses non prévues et un déficit additionnel de
revenus de 500 millions $ parce que la croissance
économique du Québec pour l'année 2012-
2013 sera de 0,8 % et non de 1,5 % comme l'avait
prédit le gouvernement libéral.
Pour maintenir les objectifs budgétaires, le
nouveau gouvernement compte sur les éléments
suivants :
1. les ministères et agences gouvernementales
s'en tiennent strictement pour le reste de l'exercice financier
à des augmentations de dépenses de 2 % ;
2. le gouvernement pourrait utiliser le montant de 300
millions $ mis de côté dans le budget de mars
2012 pour pallier aux imprévus ;
3. le gouvernement escompte que les bas taux
d'intérêts vont lui permettre de réduire ses
paiements sur la dette ;
4. le gouvernement songe à entreprendre la lutte
à l'évasion fiscale qui, espère-t-il, va rapporter
des centaines de millions $ chaque année.
Banque de développement économique
Annonce de l'intention de déposer un projet de
loi créant la Banque de développement économique
du Québec pour fusionner Investissement Québec aux
services gouvernementaux actuellement assurés par le
ministère des Finances. « Avec cette
banque, chaque entreprise aura son conseiller qui le guidera à
travers les dédales administratifs. Un genre de porteur de
ballon, mais aussi un courtier pour l'aider avec son
financement », dit la ministre. Les Centres locaux
de développement continueront d'assurer le financement des
entreprises à hauteur de 100 000 $ (250 000 $ dans
certains cas) et la Banque de développement économique
viendra dès lors prendre la relève pour tout financement
supérieur.
Fermeture de la centrale nucléaire Gentilly 2
Annonce le 21 septembre de la fermeture de Gentilly
2 et d'un fonds de diversification économique de 200
M $ pour le Centre du Québec et la Mauricie. La ministre
accepte la recommandation d'Hydro-Québec au sujet de la
fermeture de la centrale. La Coop fédérée et IFFCO
Canada, en collaboration avec Investissement Québec, annonce une
entente d'intention pour l'établissement d'une usine de
production d'urée à Bécancour (9 octobre).
Mine Jeffrey (amiante)
Le gouvernement retire la garantie de prêt de
58 millions $ consentie par le gouvernement libéral
aux propriétaires de la Mine Jeffrey.
Uranium
Le ministre de l'Environnement du Québec, Daniel
Breton, entend demander au Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement (BAPE) d'évaluer les impacts liés
à l'exploration et l'exploitation des gisements d'uranium dans
la province.
Loi 33 dans la construction
En vertu de la Loi 33 qui met fin au placement
syndical, le gouvernement doit adopter d'ici le 2 décembre
un règlement, qu'une commission parlementaire doit
étudier préalablement, pour définir les
modalités de fonctionnement du nouveau service de
« référence » de la main-d'oeuvre
administré par la Commission de la construction du Québec
(CCQ). « J'ai l'intention de présenter et de faire
adopter un projet de règlement. Il faut qu'il soit
adopté : je n'ai pas le choix, c'est dans la
loi », a dit la ministre. Ce projet de loi imposé
contre la volonté de la majorité des travailleurs
visés avait été adopté à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre
2011.
Modification de la Loi 35 sur certaines pratiques
frauduleuses dans la construction
Le gouvernement amendera la Loi 35 adoptée
à l'unanimité en décembre dernier pour
« prévenir, combattre et sanctionner certaines
pratiques frauduleuses dans l'industrie de la
construction ». La Loi 35 avait elle-même
été adoptée pour renforcer la Loi sur le bâtiment de
manière à ce qu'un entrepreneur de la construction
reconnu coupable de fraudes fiscales ne puisse plus soumissionner sur
un contrat du gouvernement. Durant la campagne électorale, tous
les partis se sont engagés à « colmater les
brèches » de la Loi 35 que font ressortir les
révélations sur la corruption et la collusion dans
l'industrie de la construction. Les détails du projet de
modification du nouveau gouvernement ne seront rendus publics qu'au
moment du dépôt, selon la ministre du Travail Agnès
Maltais.
Financement partis politiques
Le ministre des Institutions démocratiques et de
la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a annoncé qu'il
déposera un projet de loi modifiant la loi sur le financement
électoral. Il abaissera le plafond des dons individuels aux
partis politiques de 1000 $ à 100 $ et
éliminera le crédit d'impôt pour contribution
politique. Mais pour compenser les pertes de revenus que cela
entraîne pour les partis, le gouvernement augmentera le
financement public des partis politiques. (Voir
« Projet de loi sur le financement des
partis
politiques », LML, 28 octobre 2012)
Loi 101
La Loi 101 sur la Charte de la langue
française sera étendue aux garderies et aux entreprises
de moins de 50 employés et aux cégeps anglophones. Diane
de Courcy, ministre responsable de la Charte de la langue
française, a précisé qu' « il n'est pas
question d'appliquer la loi 101 dans les CPE telle qu'elle est
appliquée dans les écoles primaires et dans les
écoles secondaires [...] Actuellement, je suis à
constater un certain nombre de faits et à consulter un grand
nombre de personnes. »
Culture
Loi sur le patrimoine
culturel — Une loi pour connaître, protéger,
valoriser et transmettre notre héritage collectif : Le
ministre de la Culture et des Communications, M. Maka Kotto, a
annoncé la mise en place du cinquième volet du Fonds du
patrimoine culturel québécois, destiné à
soutenir la mise en oeuvre de la Loi. De plus, il annonce la
création d'outils d'information afin de soutenir les diverses
clientèles du ministère dans l'application de la Loi.
Décret 924-2012: Loi permettant aux
étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les
établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent
Gouvernement du Qc
21 septembre 2012
(2012, c. 12) Cessation d'effet de la Loi
CONCERNANT la cessation d'effet de la Loi permettant aux
étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les
établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent
ATTENDU QUE, l'article 36 de la Loi permettant aux
étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les
établissements de niveau postsecondaire qu'ils
fréquentent que les dispositions de cette loi cesseront d'avoir
effet le 1er juillet 2013 ou à la date ou aux dates
antérieures fixées par le gouvernement ;
ATTENDU QU'il y a lieu de fixer au 21 septembre
2012 la cessation d'effet, à l'article 1, des
définitions « association
d'étudiants », « fédération
d'associations » et
« salarié », des articles 2, 3, 5, 10
à 34 et, à l'article 35, des mots « ,
à l'exception de la section III qui relève du ministre de
la Sécurité publique » ;
IL EST ORDONNÉ, en conséquence, sur la
recommandation du ministre de l'Enseignement supérieur, de la
Recherche, de la Science et de la Technologie et du ministre de la
Sécurité publique :
QUE soit fixée au 21 septembre 2012 la
cessation d'effet, à l'article 1, des définitions
« association d'étudiants »,
« fédération d'associations » et
« salarié », des articles 2, 3, 5, 10
à 34 et, à l'article 35, des mots « ,
à l'exception de la section III qui relève du ministre de
la Sécurité publique ».
Le greffier du Conseil
exécutif
Préparation du Sommet sur l'éducation
Le 20 septembre, lors de la
première séance du Conseil des ministres, Pauline Marois
a annoncé l'annulation de la hausse des droits de
scolarité et l'abrogation, par décret, des dispositions
de la loi 12 (projet de loi spéciale 78) concernant
l'interdiction de manifester.
Lors des élections, le Parti
Québécois s'est engagé à tenir un sommet
sur l'éducation et le 3 octobre, Pierre Duchesne, nouveau
ministre de l'Éducation supérieure, a annoncé
qu'il a débuté une série de rencontres
préparatoires avec des organisations du milieu universitaire.
En préparation à la rencontre, la
Fédération étudiante universitaire du
Québec (FEUQ) dit dans un communiqué qu'elle souhaite
défendre lors du sommet le gel des droits de scolarité,
et voudrait aussi que l'ensemble du financement universitaire, et pas
uniquement la contribution étudiante, soit examiné, tout
comme la gestion des universités. La FEUQ réclame
notamment que le vérificateur général du
Québec ait accès aux livres comptables des
universités pour évaluer la qualité de
leur gestion.
Éliane Laberge,
présidente de la Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ), demande que le Sommet dure
au moins une semaine car, « c'est important de prendre le temps
d'étudier chaque mémoire, de bien faire le travail de
réflexion et de discussion pour trouver des consensus ».
L'Association pour une solidarité syndicale
étudiante (ASSÉ) a réitéré son
souhait de voir les deux tiers des participants du forum
composés de personnes issues du milieu universitaire et s'oppose
en outre à la participation de représentants
d'entreprises privées au sommet. Dans les prochaines
semaines, les associations membres seront appelées à se
prononcer en assemblée générale quant à une
possible participation de l'ASSÉ au sommet, annonce-t-elle dans
un communiqué.
La CSN a dit: « Le ministre a fait preuve
d'ouverture et semble déterminé à favoriser une
large discussion, dont la forme reste à définir, sur les
enjeux de l'enseignement universitaire. Sans présumer des
résultats à venir, nous sommes confiants que le Sommet
projeté par le ministre Duchesne se déroule de
manière respectueuse des intervenants et dans le but de
régler des problèmes récurrents. »
La CSQ suggère qu'un « document de
consultation soit rapidement produit présentant notamment une
synthèse des commissions précédentes. Une large
consultation devrait suivre permettant le dépôt de
mémoires pour finalement aboutir aux environs du mois de
février 2013 avec la tenue d'un Sommet réunissant tous
les acteurs des communautés universitaire et collégiale.
La CSQ suggère que les orientations retenues par le gouvernement
soient ensuite débattues en commission parlementaire au
printemps. »
Le 12 octobre, une plateforme web dédié au
Sommet était mise sur pied « permettant l'échange
et le partage d'idées en ce qui a trait à la forme que
prendra ce grand rassemblement sur l'éducation au Québec
» (voir www.mesrst.gouv.qc.ca)
La date de la tenue du sommet n'a pas encore
été fixée. Selon le ministre Duchesne, « a
première ministre avait parlé des premiers 100 jours,
c'est une base, on peut jouer à l'intérieur ou à
l'extérieur de tout ça. »
Disons Non! sans équivoque
à l'accord commercial
entre le Canada et l'Union européenne!
Pour une discussion sérieuse et informée
sur
la direction que l'économie doit prendre!
- Pierre Soublière -
Au début d'octobre, le ministre des
Relations internationales et du Commerce extérieur du
Québec, Jean-François Lisée, et le ministre des
Finances et de l'Économie, Nicolas Marceau, ont organisé
une rencontre entre, d'une part, une quarantaine de
représentants d'organisations patronales, syndicales et de la
société civile, et le négociateur en chef du
Québec dans le dossier des négociations avec l'Union
européenne, Pierre Marc Johnson. Malgré les commentaires
des médias à l'effet que les précisions
données par l'ancien premier ministre péquiste sur les
négociations entre le Canada et la Commission européenne
étaient généralement connues des
spécialistes et des journalistes qui ont suivi le dossier au
cours des dernières années, M. Marceau est sorti de la
réunion en déclarant : « Nous avons la conviction
qu'il y a moyen d'arriver à un accord qui va être à
l'avantage du Québec ». M. Lisée a rajouté :
« Je ne manquerai aucune occasion de dire du mal du Parti
libéral, mais cette fois-ci, je dois dire que le rapport de
négociation qui nous a été donné respectait
ce que nous considérons comme étant
l'intérêt québécois. »
Pour en rajouter, M. Johnson et M. Lisée ont mis
de l'avant le raisonnement qu'un accroissement de la concurrence dans
l'octroi des marchés publics pourrait réduire les risques
de collusion et de corruption, faisant référence,
évidemment, aux révélations de la commission
Charbonneau.
À noter que vingt ans après le premier
accord de libre-échange conclu entre Brian Mulroney et Ronald
Reagan, il est plus que possible de dresser un bilan très
précis de l'état de l'économie et du niveau de vie
du peuple depuis. Tant qu'on continuera de prétendre que le
« libre-échange » et l'offensive
néolibérale qui a cours actuellement sont deux choses
distinctes, il sera facile de simplement invoquer, comme le fait le
gouvernement Harper, les soi-disant bienfaits de ces accords -
l'injection de milliards de dollars dans l'économie, la
création de 80 000 emplois et même une hausse de 1 000 $
du revenu de la famille canadienne moyenne, qu'on fait miroiter comme
un Eldorado.
Dès qu'on prend le temps de faire le point sur la
situation économique telle qu'elle se présente, il n'est
pas difficile de constater que le tout premier accord de
libre-échange a été le signal de départ, si
on veut, de toutes les mesures antisociales et antiouvrières qui
ont suivi et qui ont porté, entre autres, le nom du
thatchérisme, du reaganisme, etc. Devant nos yeux, ici au
Québec, une multinationale comme Rio Tinto a tenu les
travailleurs en lockout pendant des mois en profitant d'une entente
secrète avec le gouvernement libéral pour vendre ses
surplus d'électricité à Hydro-Québec.
De telles situations de chantage imposées aux
travailleurs et à des communautés entières, et de
contrôle de nos ressources humaines et naturelles sont chose
courante à travers le Québec et le Canada.
On a juste à prendre un exemple d'un aspect du
nouveau projet de loi omnibus du gouvernement Harper. Sa nouvelle loi
pour la construction d'un pont entre Windsor et Détroit
déclare clairement qu'elle ne tiendra pas compte d'autres lois
destinées à protéger l'environnement.
En ce moment, il existe 14 accords de
libre-échange entre le Canada et d'autres pays. Il existe aussi
ce qu'on appelle des accords « sur la promotion et la protection
des investissements étrangers », 45 au total, si on compte
ceux qui sont à la fois en vigueur et ceux qui sont en voie
d'être conclus ou qui sont en cours de négociation.
À ce rythme-là, nous serons sans doute tous et toutes
millionnaires avant longtemps! En d'autres mots, la tendance est de
donner libre cours aux monopoles pour précisément passer
outre à la nécessité de mesures souveraines nous
permettant d'assurer un minimum de protection et de
sécurité à notre environnement humain et naturel.
L'offensive néolibérale en cours est la
négation même de toute notion de souveraineté, de
toute notion de mesures de contrôle et de prises de
décision émanant des travailleurs et du peuple
eux-mêmes. Les tergiversations face à cette offensive, peu
importe qu'elle prenne la forme de libre-échange ou autre, ne
sont pas permises. Il en va de la protection et de l'avancement de nos
droits collectifs et sociaux devant cet assaut des
intérêts privés, dont la concurrence accrue pour
les « marchés publics », soit dit en passant, ne
sauront apporter qu'encore plus de collusion et de corruption, pour ne
pas dire, d'anarchie. Comment pourrait-il en être autrement ?
L'accord entre le Canada et l'Europe :
Transparence ou propagande ?
- Claude Vaillancourt, président
d'ATTAC-Québec -
Le nouveau ministre du Commerce extérieur,
Jean-François Lisée, a voulu se démarquer du
précédent gouvernement quant à l'Accord
économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et
l'Union européenne. Le vendredi 5 octobre, il a organisé
une rencontre qui lui a permis d'assembler une quarantaine
d'organisations de la société civile. Il a aussi
réuni autour de lui le négociateur en chef du
Québec, Pierre-Marc Johnson, et le ministre des Finances,
Nicolas Marceau.
Les représentants des organisations
présentes ont salué à diverses reprises un pareil
événement. Après le secret
impénétrable qui avait entouré les
négociations sous l'égide du Parti libéral, on
appréciait la franchise de son successeur, sa volonté
d'entamer un dialogue au sujet d'un accord qui aura d'importantes
conséquences sur la façon de gérer notre
économie.
Plusieurs sont cependant sortis de la rencontre avec un
goût amer. Plutôt que de se montrer à
l'écoute des gens dans la salle, le ministre n'a-t-il pas
monté de toute pièce une opération de relations
publiques pour annoncer l'appui sans réserve de son parti au
libre-échange avec l'Europe, alors que celui-ci s'était
montré sceptique dans l'opposition ? Il suffit de lire les
titres des médias pour constater que l'opération a
été réussie. Dans Le Devoir du
lendemain, par exemple, on apprenait que « Le PQ se range dans le
camp des défenseurs du libre-échange ».
Les journalistes présents dans la salle pouvaient
seulement écouter les discours officiels et complaisants de
Pierre-Marc Johnson (et ceux moins élaborés du ministre).
Ils devaient sortir lorsque de nombreux représentants de la
société civile faisaient part de leurs objections et de
leurs inquiétudes. D'où, chez certains groupes,
l'impression d'avoir été manipulés : leur
présence devenait en sorte une caution à un point de vue
qu'ils ne partageaient pas.
La protection des investissements
Le négociateur a répété une
fois de plus l'importance de conclure rapidement l'AÉCG (qu'il
nomme toujours de son nom anglais « le CETA », comme le
fait aussi Jean-François Lisée). Puisque nos exportations
aux États-Unis diminuent, il faut chercher de nouveaux
marchés. Pourtant, nous sommes bel et bien liés par un
accord de libre-échange avec ce pays, mais celui-ci ne donne
plus les résultats attendus.
Pourquoi dans ce cas un accord avec l'Europe serait-il
tellement avantageux ? Le négociateur n'a donné aucune
explication convaincante, sinon qu'il a cherché à faire
saliver avec un éventuel marché de 500 000 millions de
personnes ouvert à toutes nos exportations. À ceux qui
avaient des réserves devant l'effet miraculeux de l'AÉCG,
tant Johnson que Lisée ont répété qu'il ne
fallait pas revenir à l'autarcie. Argument fallacieux par
excellence : personne ne parle de se replier sur soi-même. Il
s'agit seulement d'envisager le commerce international sous un autre
principe que celui de la concurrence à tout prix.
Et cela d'autant plus que les relations commerciales
entre le Canada et l'Europe sont déjà excellentes et en
progression. Ce qui a d'ailleurs été confirmé dans
une étude conjointe, commandée par le Canada et l'Europe
avant les négociations, intitulée Évaluation
des coûts et avantages d'un partenariat économique plus
étroit entre l'Union européenne et le Canada.
Johnson a aussi soutenu que cet accord permettrait
d'attirer les investisseurs européens. Mais il ne nous a pas
expliqué comment. La disposition investisseurs/États, qui
favoriserait ces investissements, a cependant soulevé un vif
débat dans la salle. Rappelons que cette disposition est un
calque du chapitre 11 de l'ALÉNA et qu'elle permet à des
compagnies de poursuivre des gouvernements par l'intermédiaire
de tribunaux d'experts au fonctionnement non transparent. Tant Johnson
que Lisée ont voulu démontrer que les
Québécois n'avaient rien à craindre de ces
tribunaux : le premier parce que le Québec avait
été victime de seulement deux poursuites dans le cadre de
l'ALÉNA ; le second parce que selon lui, une modification, dans
un « ALÉNA plus », aurait considérablement
réduit la portée de cette disposition.
L'« ALÉNA plus » n'a cependant pas
empêché la compagnie AbitibiBowater d'obtenir 130 millions
$ de dédommagement payé à même nos taxes,
après que la compagnie ait poursuivi le gouvernement canadien
à partir du paradis fiscal du Delaware. Pierre-Marc Johnson a
dit qu'il fallait introduire cette disposition dans l'AÉCG parce
qu'elle était la norme. Pourtant, devant des poursuites qui sont
en croissance dans le monde, plusieurs pays ont décidé de
réagir : l'Australie, la Corée du Sud et l'Afrique du Sud
émettent de fortes réserves devant une telle atteinte
à l'autonomie des États. Venant d'un parti souverainiste,
le soutien à une pareille disposition est plutôt
contradictoire.
Marchés publics, services publics, culture
L'ouverture des marchés publics aux
multinationales européennes a soulevé une vive
inquiétude. Cette mesure aura entre autres comme effet
d'empêcher les gouvernements de se servir des marchés
publics comme levier économique et outil de développement
local. Elle pourrait mettre les coopératives en concurrence avec
de grandes multinationales et empêcher certaines mesures de
protection de l'environnement. Le seuil de 300 000 $ pour ouvrir les
appels d'offre à la concurrence internationale semble
très bas, d'autant plus qu'il ne sera pas indexé.
Pierre-Marc Johnson a voulu se montrer rassurant en
affirmant que des secteurs vitaux comme la santé,
l'éducation, la sécurité sociale, les transports
publics, la garde d'enfants et les affaires autochtones, allaient
être exclus de l'accord. Il était grandement temps que
l'on fasse la lumière à ce sujet. Mais on aurait
aimé avoir une liste plus précise et plus
complète. Il a aussi ajouté que les municipalités
« ne seraient pas forcées » de privatiser la
distribution d'eau.
On peut cependant se demander ce que valent ces
protections si on ouvre les marchés publics à la
concurrence européenne. Une municipalité qui se trouve en
situation financière difficile, pourrait donc, à la suite
d'un appel d'offre, faire affaire à une multinationale
européenne et se trouver liée par un contrat à
long terme. L'exemption à l'éducation concerne-t-elle
aussi le secteur privé, ce qui permettrait à des
entreprises européennes d'offrir leurs services ? Dans quelle
mesure les Européens auront-ils accès au secteur de la
santé privatisé ? Il en faudra beaucoup plus que la
brève rencontre de vendredi dernier pour faire la lumière
sur tant d'ambiguïtés.
Des intervenants se sont inquiétés de
l'inclusion de la culture dans les négociations, alors que l'UE
et le Canada ont approuvé le principe de l'exemption culturelle
en ratifiant la Convention pour la protection et la promotion de la
diversité des expressions culturelles. Johnson a justifié
cet écart par la pression des Européens contre laquelle
les négociateurs canadiens seraient incapables de se
défendre. De plus, parce que certains secteurs échappent
à une définition unanimement reconnue de la culture,
comme le design et les agences de presse, il devient difficile de
mettre sous réserve la culture. Étrange raisonnement : ne
faudrait-il pas tout d'abord se conformer à la convention,
accorder l'exemption culturelle, puis traiter par la suite les cas
litigieux ?
Jean-François Lisée a promis que cette
rencontre aura des suites : il y aura pour les organisations
intéressées des séances d'information
téléphoniques avec le négociateur et un bulletin
des négociations. Mais une question reste brûlante : le
ministre cherche-t-il simplement à renseigner la population sur
les avancées imperturbables de l'accord ? Ou sera-t-il vraiment
à l'écoute des inquiétudes légitimes et des
revendications de la société civile
québécoise ? Le libre-échange s'est le plus
souvent imposé dans un mépris profond de la
démocratie. Le Parti québécois aura-t-il le
courage de renverser la tendance ? La rencontre du 5 octobre dernier le
laisse difficilement croire.
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Marxiste-Léniniste
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