Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le budget fédéral 2019 : bourré d'artifices

Le gouvernement Trudeau a déposé son budget intitulé Investir dans la classe moyenne pour faire croître l'économie canadienne le 19 mars. C'est un budget bourré d'artifices. Il n'identifie pas les problèmes de l'économie qu'il se propose de résoudre ni comment ces problèmes se posent. Il commence plutôt par cette affirmation : « Une économie forte commence par une classe moyenne forte. » Lequel vient en premier, l'économie forte ou la classe moyenne forte ? Ou cela n'a-t-il aucune importance puisque les affirmations qu'il contient ne sauraient être prises au sérieux ? La rhétorique budgétaire ne sert qu'à cacher la politique de payer les riches. Elle sert à désinformer et à détourner l'attention de l'économie telle qu'elle existe pour qu'on ne voit pas le changement de direction qui s'impose.

À 500 pages, il est improbable que de nombreux députés lisent les informations du budget avant de voter et c'est sans doute voulu. Le gouvernement a entre autres inséré dans le mégaprojet de loi budgétaire précédent un accord de réparation (également appelé accord de poursuite suspendue), mécanisme à la base du scandale de SNC-Lavalin qui permettrait à l'entreprise d'échapper aux accusations criminelles pour corruption et de continuer à miser sur des projets gouvernementaux. Ce budget est perçu par beaucoup comme une assiette au beurre pour favoriser la réélection des libéraux en 2019.

L'obsession du gouvernement Trudeau avec la classe moyenne était au coeur de la campagne libérale à l'élection générale de 2015. La question qui se posait alors était de savoir ce que Trudeau entend par classe moyenne et pourquoi il en fait une hantise. Si c'est de la classe moyenne qu'il s'agit, quelles sont selon lui la classe supérieure et la classe inférieure à cette classe moyenne ?

Le concept néolibéral d'une classe moyenne au XXIe siècle occulte la composition actuelle des classes sociales et la façon dont se présente la situation des deux principales classes sociales. Une classe sociale est définie par la façon dont elle gagne sa vie. La classe ouvrière vend sa capacité de travail à ceux qui possèdent et contrôlent les moyens de production privés et publics, connus collectivement sous le nom d'oligarchie financière. Ces deux principales classes sociales voient l'économie et ses problèmes différemment parce qu'elles gagnent leur vie différemment et que leur position sociale n'est pas la même. Les deux classes sociales défendent chacune leurs réclamations à l'économie, ce qui crée une lutte de classe.

Il existe en effet une « classe moyenne » dans la société capitaliste, mais elle n'est pas définie de la façon dont le gouvernement Trudeau le prétend, que c'est une classe composée de personnes dont le revenu imposable se situe à l'intérieur d'une échelle donnée. La classe moyenne dépend du système capitaliste pour vivre mais sa survie est menacée par la domination sans partage de l'économie et du pouvoir politique par la petite minorité riche. Il y a inévitablement un mécontentement dans ses rangs au fur et à mesure qu'elle bascule dans la classe ouvrière, l'intervention du gouvernement dans l'économie renforçant toujours plus le contrôle de l'oligarchie financière. Toutes les mesures budgétaires susceptibles de favoriser cette « classe moyenne » servent surtout à acheter son allégeance au statu quo afin que l'oligarchie financière puisse maintenir son dictat sur l'économie et la société. Les réponses au budget de ceux qui prétendent représenter cette partie de la population montrent une allégeance au système tout en rouspétant que les miettes ne suffisent pas.

La classe ouvrière veut un gouvernement qui la soutient dans la réclamation de ce qui lui appartient de droit, en tant que classe des producteurs réels de toute valeur, et qui engage l'économie dans une nouvelle direction pour réaliser la stabilité et la sécurité pour tous.

Ceux qui achètent la capacité de travail de la classe ouvrière, l'oligarchie financière, veulent un gouvernement qui les soutient dans leur revendication privilégiée de ce que produit la classe ouvrière et qui maintient la direction actuelle de l'économie, qui favorise leurs intérêts de classe.

Le concept de classe moyenne du gouvernement Trudeau dissimule cette lutte de classe sociale sur les réclamations à la richesse produite et sur la direction de l'économie. Selon le budget : « Investir dans la classe moyenne signifie investir dans les gens en aidant davantage ceux qui en ont besoin que ceux qui n'en ont pas besoin. »

S'il faut comprendre que c'est « la classe moyenne » qu'il faut aider davantage que « ceux qui n'en ont pas besoin », cela veut dire que la classe inférieure n'a pas besoin d'aide ou ne mérite pas d'être aidée. Un nombre croissant de Canadiens sont sortis de la classe ouvrière et sont tombés dans l'extrême pauvreté pour une raison ou une autre, de laquelle il est extrêmement difficile de sortir sans un soutien important de la société et des programmes sociaux. Malgré les prétentions qu'on lui attribue, le budget ne fait rien pour résoudre le problème de Canadiens vivant dans la pauvreté ou pour donner un élan à l'humanisation de l'environnement social et naturel. En fait, les crédits d'impôt qui sont censés aider la « classe moyenne » ne sont pas conçus pour atténuer les problèmes auxquels les gens sont confrontés, ils n'ont qu'une valeur de propagande.

Les mesures proposées dans le budget finissent toutes d'une façon ou d'une autre par engraisser les riches, ceux qui achètent la capacité de travail de la classe ouvrière et la valeur que les travailleurs apportent au travail qu'ils accomplissent. Si l'on dissèque les propositions budgétaires, on verra qu'elles bénéficient d'une façon ou d'une autre à ceux qui possèdent et contrôlent l'économie.

Le gouvernement prétend s'attaquer à quatre priorités avec ce budget, soit « les bons emplois », le logement, les aînés et l'assurance-médicaments. Pour « les bons emplois », il propose l'« allocation canadienne pour la formation ». Il dit que « le caractère changeant du monde du travail aujourd'hui signifie que les gens peuvent changer plusieurs fois d'emploi au cours de leur vie professionnelle ou avoir besoin de nouvelles compétences pour conserver leur emploi dans une économie en évolution. Pour les travailleurs canadiens, cette réalité pose de nouveaux défis : comment obtenir la formation dont ils ont besoin pour conserver leur emploi actuel ou se préparer pour un nouvel emploi ? » L'effet de cette mesure sera d'accroître la capacité de travail de la classe ouvrière sans que les éventuels acheteurs de cette capacité ne paient pour réaliser la valeur associée à cet accroissement.

Dans la rubrique « logement », le gouvernement prétend que ses mesures augmentent le pouvoir d'achat de la classe ouvrière, comme par exemple avec son nouvel « incitatif à l'achat d'une première propriété », mais en essence chaque mesure perpétue et renforce le contrôle et le privilège de classe de l'oligarchie financière au pouvoir et achemine la valeur collective de l'économie dans les poches des riches.

Aujourd'hui, l'économie, c'est les travailleurs utilisant collectivement les moyens de production pour produire des biens et des services utiles pour que les gens puissent vivre une vie moderne et que la société puisse progresser. Les conditions objectives de l'économie se trouvent dans le niveau de développement des forces productives et dans les rapports entre ceux qui participent à l'économie, qu'on appelle rapports de production.

Les forces productives du Canada ont énormément progressé depuis le XIXe siècle, mais les rapports de production n'ont pas changé. Cette contradiction se voit dans la non-résolution des problèmes de l'économie, dans les crises économiques récurrentes et surtout dans le dysfonctionnement des rapports de production. La vie elle-même confirme la nécessité de renouveler les rapports de production pour les faire correspondre aux forces productives socialisées.

Le budget a pour objectif à la fois de masquer le but réel des mesures proposées, qui est de payer les riches, et de détourner l'attention des travailleurs pour qu'ils n'examinent pas l'économie avec leur propre conscience sociale et sous l'angle de la science économique pour ouvrir une voie vers l'avant.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 11 - 23 mars 2019

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