Le Marxiste-Léniniste

Supplément

Numéro 1918 mai 2019

50e anniversaire de la conférence de Regina

L'oeuvre des Internationalistes et
la conférence de Regina


Hardial Bains à Regina en 1989 à l'occasion du 20e anniversaire de la Conférence de Regina

Le rôle décisif de la conscience dans le changement social

- Hardial Bains -



50e anniversaire de la conférence de Regina

L'oeuvre des Internationalistes et
la conférence de Regina

L'oeuvre des Internationalistes, organisation fondée en 1963 sous la direction de son fondateur, Hardial Bains, et la Conférence de Regina en 1969 ont une importance historique. À cette conférence a été réglée la question cruciale de savoir qui décide en ce qui concerne l'organisation politique de la classe ouvrière et son rôle dirigeant dans la société et en ce qui concerne le rôle indispensable de la conscience et de l'organisation dans la mobilisation du peuple dans la recherche active de solutions aux problèmes clés de la société.

Dans un article intitulé « Une attention de premier ordre au besoin de conscience et d'organisation du peuple », Hardial Bains présente l'héritage vivant des Internationalistes. Il a écrit :

« En s'attaquant aux problèmes de la conscience et de l'organisation, les Internationalistes ont entre autres adopté le principe de travail collectif et responsabilité individuelle, le principe selon lequel chaque membre a le devoir non seulement d'appliquer les décisions prises collectivement, mais aussi de participer aux prises de décisions. La participation aux prises de décisions est ainsi considérée non seulement comme un droit mais aussi comme un devoir. Cela place l'individu au centre de tous les développements et fait de l'organisation le moyen de les réaliser, établissant de ce fait un rapport dialectique entre l'individu et le collectif, entre la forme et le contenu. »

Parlant de la réorganisation des Internationalistes en mai 1968, Hardial Bains a souligné : « C'était une rupture avec l'établissement d'organisations sur la base des vieilles définitions, partant cette fois de définitions actuelles et modernes. Il devenait évident que les Internationalistes ne pouvaient progresser en tant qu'organisation politique que sur la base de l'unité politique et de l'initiative politique, comme cela s'est manifesté concrètement avec leur ligne d'action avec analyse et la défense des objectifs immédiats et stratégiques. Ces objectifs étaient fixés en fonction des exigences des conditions d'alors, en fonction de l'harmonisation de l'intérêt général de la société avec les intérêts du collectif et de l'individu, attribuant le rôle déterminant aux masses. [...]

« [Les internationalistes] ont établi un cadre de travail qui permettait de faire ressortir clairement les paroles et les actes de chacun dans la réalisation des tâches établies en fonction des conditions données. Cela voulait dire qu'il fallait constamment mobiliser dans les prises de décisions tous celles et ceux qui poursuivaient les mêmes objectifs. Ils ont ainsi établi une façon moderne de faire les choses qui liait l'organisation au contenu, les paroles aux actes, l'individu à la responsabilité de s'assurer que rien ne passe sans être scruté au peigne par lui. Une organisation marxiste-léniniste véritablement révolutionnaire était créée par celles et ceux qui ne voulaient rien d'autre que la victoire de la classe ouvrière dans sa marche historique vers l'émancipation. Il s'est produit un changement qualitatif sur les plans de la conscience et de l'organisation, un changement répondant aux conditions concrètes et digne de membres d'une organisation d'avant-garde de la classe ouvrière.

« Ils ont également créé une autre forme concourant à l'objectif d'apporter conscience et organisation à la classe ouvrière, la méthode de la démocratie de masse, que nous appelons aujourd'hui mobilisation politique maximum. C'est la méthode consistant à rechercher les opinions des masses dans le cours du travail comme responsabilité obligatoire envers le militantisme des masses. C'était la seule base solide pour réaliser toute tâche. Le formalisme bourgeois, la méthode consistant à dépenser des millions de dollars en utilisant les moyens techniques les plus modernes pour semer la confusion, les rumeurs, les attaques personnelles, etc., était remplacé par un travail pour entraîner le peuple dans la discussion. Il fallait constamment, sans relâche et sans exception, poursuivre la discussion parmi le peuple sur ce qu'il fallait faire, quand et comment.

« Pour les Internationalistes, le travail et la mobilisation étaient deux catégories d'un seul tout dépendant l'une de l'autre et de tout le reste. C'était le même rapport que celui entre l'action et l'analyse. Le point de départ pour les Internationalistes était toujours le travail tel qu'exigé par les conditions concrètes données.

« En plus de la méthode de la démocratie de masse, les Internationalistes menaient un travail de mobilisation à plusieurs niveaux pour s'assurer que tous les problèmes à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation soient résolus sur la base de positions avancées, par la critique et l'autocritique et en accordant toujours la première place à l'unité. La lutte n'était jamais séparée de la tâche constante de renforcer l'unité ni de la réalisation des objectifs immédiats fixés en fonction des conditions données ou de l'objectif stratégique. La lutte occupait la première place. Cela voulait dire mettre toute la conscience et l'organisation au service de la lutte de classe comme seul véritable moteur du développement dans la société. Comment mener la lutte de classe, contre qui et quand était pour les Internationalistes les questions les plus importantes. Ils s'y attaquaient avec tout le sérieux et toute l'ardeur exigés. C'est pour cette raison que tout le monde était appelé à participer aux prises de décision non seulement en tant que droit leur appartenant mais aussi en tant que devoir envers l'organisation. [...]

« Enfin, les Internationalistes ont créé des forums internes et externes, privés et publics, pour la mobilisation du peuple. Pour asseoir l'organisation sur les principes du centralisme démocratique, ils devaient en tout temps offrir une ligne dirigeante aux masses pour s'assurer que leur niveau de conscience et d'organisation ne soit pas ravalé à celui de la bourgeoisie. [...]

« Après moins de deux ans d'activité politique vigoureuse sur tous les fronts, de mai 1968 à mars 1970, les Internationalistes en vinrent à la conclusion que toutes les conditions matérielles et techniques étaient prêtes pour la fondation du Parti communiste. Le travail théorique et politique et l'organisation correspondante avaient préparé les conditions nécessaires à la fondation du PCC(M-L), laquelle fut proclamée lors d'une réunion publique à Montréal le 31 mars 1970.

« Cette méthode consistant à engager tout le monde dans les prises de décisions, qu'on a plus tard appelée méthode de mobilisation politique maximum, signifiait que tout le travail devait toujours être basé sur l'initiative des masses suivant les conditions données. Pour que la classe ouvrière puisse diriger tout le peuple dans la réalisation de sa mission historique de créer une société nouvelle, il faut reconnaître le droit mais aussi le devoir du peuple de prendre les décisions. »

Et c'est là l'importance de la conférence de Regina. Elle a réglé des comptes avec la question du contenu de la révolution canadienne, des relations entre le mouvement démocratique, le mouvement anti-impérialiste et le socialisme. La conférence a commencé avec les questions de forme et s'est terminée avec les questions de contenu. C'était son grand exploit et il le reste à ce jour.

Abordant ce sujet lors du 20e anniversaire de la Conférence de Regina en 1989, Hardial Bains a expliqué : « En regardant en arrière avec le recul, nous constatons que pendant les journées grisantes de la fin des années soixante, nous nous sommes opposés aux idées révisionnistes et les Internationalistes ont donc dû développer des formes susceptibles de faciliter le contenu révolutionnaire marxiste-léniniste. La Conférence de Regina a été une victoire importante dans cette direction. »

Il a parlé du rapport entre la forme et le contenu en soulignant que c'est en séparant les deux que la bourgeoisie et les opportunistes et les révisionnistes dans les rangs du mouvement ouvrier, qui font grand cas de la forme avec leurs discours sur la démocratie, l'ouverture, la transparence, la restructuration et la réforme, poussent leur contenu contre-révolutionnaire. Les formes qu'ils veulent imposer sont conçues pour éblouir et faire pression sur la classe ouvrière pour qu'elle n'adopte pas le marxisme-léninisme, a dit Hardial Bains, ajoutant : « C'est par ce mécanisme qu'ils attaquent la ligne et le contenu révolutionnaires marxistes-léninistes et poussent leur ligne contre-révolutionnaire. »

« La question de la forme et du contenu, du rapport entre les deux, a été et reste la principale ligne de démarcation entre la vision du monde prolétarienne et la vision du monde bourgeoise, et entre la ligne marxiste-léniniste et celle des révisionnistes et des opportunistes. Selon la vision bourgeoise du monde, la relation entre forme et contenu est éclectique : les deux sont séparées arbitrairement, puis présentées comme deux entités isolées, et il est difficile de comprendre comment deux éléments constitutifs d'une chose peuvent être présentés comme des entités en soi, totalement détachés l'un de l'autre. La forme ne peut pas être séparée du contenu, c'est ce que nous enseigne la dialectique. Mais dans la vision bourgeoise, cela se fait tout le temps. Selon la vision prolétarienne du monde, la relation entre la forme et le contenu reste dialectique : non seulement la forme ne peut pas être détachée du contenu, et le contenu ne peut pas être détaché de la forme, mais le développement est le produit de la contradiction inhérente entre les deux. Un changement quantitatif ne fait que répéter la même forme et le même contenu, ce que la vision bourgeoise considère comme le destin éternel de tout ce qui est vivant ou inorganique. Selon nous, selon la science, selon la dialectique matérialiste, cette contradiction donne lieu à des changements qualitatifs. Ce changement n'est pas l'effacement de la forme ou l'élimination du contenu, mais l'apparition d'une nouvelle forme et d'un nouveau contenu - c'est-à-dire l'apparition du nouveau issu de la destruction de l'ancien. Par exemple, le renversement du capitalisme crée les conditions pour la construction du socialisme, qui constitue la nouvelle condition pour la création de la classe ouvrière en tant que nouvelle classe. Ce qui est nouveau par rapport à l'ancien, c'est que la nouvelle classe ouvrière n'est plus une classe d'esclaves salariés. La révolution et le socialisme ont mis fin à cette vieille qualité et la nouvelle qualité du travail émancipé s'installe, créant à la fois une nouvelle forme et un nouveau contenu dans les rapports de production. Sur cette base, toutes les autres relations sont alors transformées. »

Aujourd'hui, le trait le plus marquant de la crise dans laquelle la démocratie bourgeoise s'embourbe est qu'on nie la possibilité d'un changement qualitatif. Pris dans d'anciennes formes qui ne correspondent plus à ce qui est requis aujourd'hui, la classe dirigeante et tous ceux qui défendent les anciennes formes sont pris dans leurs machinations et prétentions d'être démocrates et les défenseurs de grands idéaux. Mais au milieu des années quatre-vingt l'offensive antisociale néolibérale a été lancée et l'ex-Union soviétique et les démocraties populaires ont sombré dans l'agonie parce qu'elles avaient abandonné l'objectif d'investir le peuple du pouvoir, où la classe ouvrière se constitue en la nation et investit le peuple du pouvoir. Et depuis aucune force ne peut continuer d'agir comme avant. La persistance à défendre les anciennes formes a créé un bourbier pour les élites dirigeantes, comme on le voit clairement qu'il s'agisse du Canada ou des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de l'un de leurs alliés et compagnons de route qui épousent ce qu'on appelle les institutions démocratiques libérales par lesquelles ils gouvernent sur la base de la force, du privilège et de la corruption et prétendent néanmoins avoir le consentement des gouvernés.

Aujourd'hui, pour empêcher les gens de tirer les conclusions qui s'imposent et parler en leur propre nom, la conscience collective est détruite, chacun doit se débrouiller seul et donner une compréhension personnelle de la réalité, ce qui ne pourra jamais leur donner un guide pour l'action. Parlant de la conférence de Regina, le camarade Bains a expliqué comment les marxistes-léninistes avaient surmonté ce problème à l'époque.

« La principale pression exercée lors de la conférence de Regina était de restreindre et de limiter le niveau de discussion aux problèmes de compréhension d'un individu. Seule comptait la préoccupation de l'individu. Il s'agissait d'une attaque totale visant à liquider le travail pour bâtir le Parti et en faire une association fortuite d'individus, de bienfaiteurs, de personnes ayant une conscience, etc. La première partie de la conférence a été assombrie par cette pression, et une fois que la conférence a refusé de se soumettre à la pression, elle pouvait avancer et élaborer le plan pour la création des conditions nécessaires à la fondation du Parti. Il y avait une résistance à la nouvelle forme et aux nouvelles méthodes de travail. Mais ce qui est le plus significatif est la résistance au contenu qui apparaissait au début comme s'il s'agissait d'une résistance seulement à la forme. Pendant cette période, personne n'a entendu quelqu'un dire : 'Je ne suis pas d'accord avec la ligne.' La même chose est vraie aujourd'hui : le désaccord apparaît comme en opposition à la forme, à la méthode et au style, en dernière analyse en opposition à la pratique. C'est de cela qu'a délibéré la conférence de Regina. Il n'était pas fortuit que les résultats de la conférence aient été inclus dans le rapport politique de mars 1970. Il est bien connu que la nature de la forme doit correspondre au contenu. Sinon, c'est le chaos, l'anarchie et la perturbation du travail. »

Le problème de la forme et du contenu qui s'est posé en 1969 reste un enjeu fondamental aujourd'hui : la défense de la forme est la défense du contenu et vice versa. La bourgeoisie défend les institutions démocratiques libérales en détachant le contenu de la forme et elle essaie de tromper le peuple à ce sujet, pour que la classe ouvrière et le peuple ne s'organisent pas sur la base de leur propre politique indépendante et laissent au contraire la voie libre aux impérialistes anglo-américains et à la réaction mondiale. Toutes les contradictions dans le monde se sont aggravées et les dirigeants impérialistes anglo-américains sont incapables de proposer une perspective d'avenir qui soit viable.

Dans son discours à Regina en 1989 au sujet de la conférence historique, Hardial Bains a dit : « La conclusion la plus importante pour nous, les marxistes-léninistes canadiens, a été tirée ici en 1969, c'est-à-dire que cette forme sans contenu n'est qu'une enveloppe vide, du bavardage, qui ne produira rien.

« La Conférence de Regina peut se résumer à la défense militante du contenu marxiste-léniniste afin de défendre, élargir et renforcer l'organisation marxiste-léniniste. C'est pourquoi elle était si cruciale. C'est pourquoi nous avons pu nous rendre à Winnipeg en août 1969 pour fonder le Mouvement communiste canadien (marxiste-léniniste), et pourquoi plus de 175 délégués se sont rendus à Vancouver à la fin de décembre 1969, où les résolutions fondatrices du Parti ont été adoptées et, de là, à Montréal où des centaines de personnes ont déclaré la fondation du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) le 31 mars 1970.

« À mon avis, sans la conférence de Regina, le Parti n'aurait pas été possible. La pression qui s'exerçait sur nous lors de cette conférence et par d'autres était que le Parti naisse de discussions et de débats et que différents groupes débattent de l'idéologie et parviennent à des accords sur la base de documents. Mais les internationalistes, et le Parti plus tard, n'étaient pas d'accord. Le Parti n'est pas une société de débats, et les partis ne naissent pas de discussions et de débats. Seuls ceux qui voient la nécessité du Parti, qui voient la nécessité que la classe dirige la révolution, s'avancent et bâtissent de tels partis. Ce n'est pas en convainquant certains individus et en déclarant ensuite qu'il y aura un parti.

« Dans cette grande lutte qui a eu lieu à la Conférence de Regina, l'opposition à la forme, c'est-à-dire au Parti, signifiait nécessairement opposition au contenu. Les événements et les individus de cette époque peuvent sembler anodins ou insignifiants, mais en réalité, si vous suivez tout le développement, vous constaterez que ceux qui avaient des objections à la forme ont par la suite dévoilé leur contenu opportuniste et révisionniste, qu'ils étaient nos compagnons de route pendant une courte période et qu'ils se sont avérés des opposants par la suite. Nous avons découvert par nous-mêmes que ceux qui veulent banaliser la forme, ceux qui veulent la séparer du contenu, le font pour des raisons très délibérées. Il faut rester sur ses gardes, il faut toujours être vigilant vis-à-vis de toute force qui tente de réduire le Parti ou son organisation ou tout niveau de son activité à néant, à un bavardage.

« L'expérience historique de la construction du Parti communiste marxiste-léniniste révolutionnaire de la classe ouvrière depuis l'époque de Lénine et d'un parti communiste au Canada, et toute l'expérience historique du mouvement communiste international, prouve que la défense de la forme n'est possible que par la défense du contenu révolutionnaire marxiste-léniniste, et que cette défense est absolument nécessaire.

« Au temps de Lénine, il y avait des ennemis de Lénine qui ont commencé à s'opposer à lui en s'opposant à la forme. Ils étaient d'accord avec la ligne générale, avec le versement de cotisations et autres, mais pas avec l'obligation de travailler au sein d'une organisation comme condition pour être membre. En apparence, vu de l'extérieur, il peut sembler qu'il n'y a qu'un désaccord de forme, mais en regardant le développement de toute cette période, nous constatons que ce n'est pas simplement un désaccord de forme, que c'est en réalité un désaccord avec le contenu. Ce que nous avions à l'époque de la Conférence de Regina n'était pas seulement une opposition au travail dans une organisation de base, mais des individus qui, faisant partie du monde impérialiste anglo-américain, étaient très arrogants. Leur chauvinisme et leur arrogance étaient sans pareil. Ils ont même déclaré qu'ils ne comprenaient pas la ligne générale et que nous avions la responsabilité de la leur apprendre d'abord et ensuite ils verraient s'ils pouvaient se joindre à nous. De tels farceurs existent encore dans ce monde. Le Parti n'est pas d'accord avec eux. Le Parti a condamné de telles positions ... »

Parlant des événements qui se sont déroulés en 1989, avant l'effondrement de l'ex-Union soviétique en 1990-1991, Hardial Bains a repris le thème de la forme qui n'est pas isolée du contenu. « Notre Parti et tous les gens qui ont une conscience de classe révolutionnaire n'ont jamais cessé d'organiser. Ils ne sont pas devenus complaisants ou détachés des problèmes des masses. C'est pourquoi le Parti fait appel à tous ceux qui se battent de différentes manières et mènent des luttes de divers genres. Le Parti a une position d'honneur parmi eux. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, prêchent que le communisme a échoué et que les idéaux du communisme sont ou bien mauvais pour l'humanité, ou bien inatteignables. Notre Parti ne le pense pas et nous ne croyons pas que les États-Unis et l'Union soviétique disent de telles choses sans arrière-motif. [...] C'est ce contenu qui revigore la classe et tous les exploités. Il se présente sous une forme, pas sous de nombreuses formes. Lénine a souligné que notre théorie est faite d'un seul bloc d'acier. Si c'est le cas, il en découle que le mouvement dirigé par cette théorie est un seul mouvement, pas plusieurs [...] »

L'offensive antisociale néolibérale et l'effondrement de l'ancienne Union soviétique et des anciennes démocraties populaires ont créé une période de repli de la révolution caractérisée par le fait que l'initiative est passée aux mains des représentants les plus réactionnaires du capital financier international qui agissent en toute impunité. Les pays qui ont capitulé devant l'offensive réactionnaire sont en proie à des guerres civiles entre les factions de la classe dirigeante et les intérêts privés supranationaux étroits. Ayant pris le chemin de la destruction nationale, ils refusent de s'engager dans la politique au nom de grands idéaux, de sorte que les négociations leur soient anathèmes et qu'il ne reste plus que leur diktat et guerres criminelles d'agression, d'occupation et de destruction. Une des caractéristiques de la contre-révolution est qu'aucune des anciennes formes qui constituaient les soi-disant institutions démocratiques libérales n'est utile à quoi que ce soit aujourd'hui. La classe capitaliste montante au moment de la guerre civile en Angleterre au milieu des années 1600 a créé l'État-nation fondé sur des institutions nationales capables d'empêcher la guerre civile. Elle y est parvenue en créant une personne d'État artificielle et en investissant cette personne d'État de la souveraineté, du pouvoir de décider. Cette personne d'État représenterait l'intérêt national exercé sur la base de la préservation du privilège et du maintien de prérogatives permettant de réglementer et de maîtriser les luttes de factions opposant des couches de la classe dirigeante qui s'efforcent de prendre le pouvoir en faveur de leurs intérêts étroits, et dans le but de nier l'existence même d'un peuple qui forme un corps politique et de la classe ouvrière en tant que classe ayant son propre objectif et programme politique, sa conscience et son organisation.

Dans ces conditions, on ne saurait trop insister sur l'importance des principes qui guident la construction et la consolidation de l'organisation élaborés par Hardial Bains et incorporés à l'oeuvre du PCC(M-L). Sans eux, il n'est pas possible de définir et d'atteindre les objectifs prosociaux de la classe ouvrière et du peuple. En élaborant et en s'appuyant ensuite sur ces principes dans les conditions de leur temps, les Internationalistes se sont donné la capacité de répondre aux besoins du moment. De même qu'aujourd'hui, les militants du Parti et la classe ouvrière doivent également être à la hauteur de la situation.

Haut de page


Le rôle décisif de la conscience
dans le changement social

L'origine de la conscience et le changement social

Le Marxiste-Léniniste publie dans ce supplément un important discours prononcé par Hardial Bains à la Première Conférence interdisciplinaire sur le thème de l'origine de la conscience et le changement social qui a eu lieu à l'Université de Windsor du 9 au 11 février 1996.

La conférence était coparrainée par le Groupe d'étude marxiste-léniniste de l'Université de Windsor, l'Alliance des étudiants de l'Université de Windsor, l'Association des étudiants diplômés, l'Organisation des étudiants universitaires à temps partiel et la section locale 195 des Travailleurs canadiens de l'automobile. Elle a réuni des gens de tous les âges et représentant un large échantillon de la société : étudiants de niveau collégial et universitaire, professeurs, travailleurs de l'industrie et autres travailleurs et professionnels.

Hardial Bains a donné un traitement théorique du problème de l'origine de la conscience et du changement social, en particulier de la complexité entre la dépendance de la conscience à l'être humain et en même temps son indépendance nécessaire. La thèse sur l'origine de la conscience aborde le dilemme de la détermination du contenu de la conscience. En affirmant clairement qu'il existe une conscience indépendante de nous, Hardial Bains apporte une contribution importante à la compréhension du rapport entre la conscience et l'être.

Dans une lettre au Groupe d'étude marxiste-léniniste (MLSG) de l'Université de Windsor le 28 septembre de l'année précédente, Hardial Bains écrivait : « À mon avis, la question la plus importante qui ressorte de cette discussion [du MLSG] est le rapport entre la conscience et l'être humain, ou le rapport entre l'aspect objectif et l'aspect subjectif, ou comment la réalité objective existe indépendamment de la volonté de quiconque et cela est-il vérifiable ? La réponse qu'on donne à cette question sera la base à partir de laquelle résoudre tous les autres problèmes de la théorie et de l'idéologie, c'est-à-dire de l'action humaine, de la compréhension et de la conscience. En l'absence d'un énoncé clair sur le sujet, rien d'autre ne peut être affirmé. »[1]

Nous vivons aujourd'hui un moment de redéfinition où les anciennes formes qui constituaient les institutions démocratiques libérales ont fait leur temps et où de nouvelles formes restent à créer. Hardial Bains a expliqué que ce moment de redéfinition ne nous arrive pas parce que quelqu'un l'a proclamé, il est imposé par les développements objectifs. C'est de ce moment décisif que la conscience va émerger et toutes les formes de fondamentalisme qui revendiquent telle ou telle vérité absolue, qu'importe le nom qu'on leur donne, lui feront obstacle. Dans une situation où les conditions objectives exigent un changement, mais où les conditions subjectives sont à la traîne, la tâche qui nous incombe est de regarder le présent et de faire une synthèse pour guider l'action. Cela est crucial dans un moment de redéfinition, a-t-il déclaré.

Qu'est-ce que la conscience ?

« Il faut une conscience qui émerge de la vie réelle présente, libre de toutes notions préconçues et synonyme de changement social. » - Hardial Bains

La question la plus importante à laquelle nous sommes confrontés avant de pouvoir parler du rôle décisif de la conscience est : qu'est-ce que la conscience ? Ou, y a-t-il une chose telle que la conscience ? Nous avons entendu diverses choses comme « la conscience humaine » et « la conscience animale ». Nous savons aussi qu'en anglais les mots « consciousness » et « conscience » ont un développement parallèle très proche. Alors, qu'est-ce qu'on appelle vraiment conscience ? Si nous disons que la conscience est apparue en même temps que la société, cela ne définit toujours pas ce qu'est la conscience. Faut-il proposer qu'avant la création de la société, les êtres humains n'avaient pas de conscience ? Je présupposerai diverses choses, mais surtout des choses qui peuvent nous aider à sortir de la difficulté de définir ce qu'est la conscience.

Si au Canada on se posait la question « Est-ce qu'il y avait une conscience quand il n'y avait aucun être humain sur la terre ? » ou « Quand il n'y avait pas de monde biologique, y avait-il une conscience ? », je suis tout à fait sûr que la réponse serait invariablement négative. La conscience dans ce monde qui est dégradée et contrefaite est généralement liée à un troisième facteur, un médiateur. Ce médiateur se situe entre une chose et une autre, dans ce cas entre la nature et la société et les êtres humains, ou une création de l'être humain. En d'autres termes, la conscience n'existerait pas indépendamment de ce médiateur ou de qui que ce soit d'autre. Mais si la conscience n'existe pas indépendamment de nous, comment peut-on l'appeler conscience ?

Les êtres humains ou homo sapiens existent depuis plus de 40 000 ans. Imaginez ce que cela signifierait d'avoir une conscience qui n'est rattachée qu'au cerveau d'un être humain en particulier. Il lui faudrait renaître et mourir avec la naissance et la mort de chaque personne. Une nouvelle conscience ou une conscience qui appartient à ce cerveau en particulier doit naître à chaque fois. Quelle sera cette conscience ?

Nous savons par l'étude de divers éléments de la croissance d'un enfant, de la naissance à l'âge de trois ou quatre ans environ, qu'il traverse toute une période d'évolution avant de pouvoir assumer les qualités de la société dans laquelle il naît, pour pouvoir manipuler diverses choses et manoeuvrer dans diverses situations. Et l'une des qualités que l'enfant acquiert est la faculté d'abstraction. Des tests sont effectués pour voir si un enfant se développe normalement. L'enfant traverse toute une évolution, littéralement d'un organisme unicellulaire jusqu'à sa naissance et en passant par plusieurs étapes entre les deux. Une fois né, il continue de traverser des étapes de cette évolution. Peut-on dire que le père et la mère savent précisément comment éduquer cet enfant pour qu'il assimile les 30 000 à 40 000 ans d'histoire qui le précèdent et qui lui ont donné la faculté d'abstraire ? Non, évidemment.

Mais oublions cet aspect et permettez-moi de vous présenter cette fois ce que je pense être la réponse. Nous pouvons surmonter la difficulté de définir la conscience en supposant qu'il existe une conscience en soi. Dans notre approche de l'étude de toute question, nous commençons par l'étude de la chose en soi. Et nous savons que toute matière est en mouvement. La matière n'existe que sous différentes formes. Il n'y a pas de matière en tant qu'abstraction. Si quelqu'un vient vous dire : « J'ai rencontré la matière », ce serait pas mal absurde. Vous pourriez lui répondre : « Bien, alors c'est quoi cette matière ? » La personne vous montrerait quelque chose et vous diriez : « Ce n'est pas la matière, c'est une forme de matière. » Or, si la matière n'existe que sous ses différentes formes et si son étude nécessite l'étude de ses différentes formes, elle est alors plus que ce que l'oeil peut percevoir. Mais laissons cette question pour le moment.

Cette conscience, c'est-à-dire la conscience en soi, est par définition indépendante de nous. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec moi mais poursuivons le raisonnement ensemble. La conscience existe-t-elle en soi ? Par exemple, il pourrait s'ensuivre que quand les êtres humains sont apparus, ils n'avaient pas encore transcendé la conscience animale. Ils ont dû s'humaniser. Il est assez bien connu, avec tout ce que nous savons aujourd'hui, que les êtres humains ne sont pas apparus spontanément sur la scène avec tous leurs attributs. La bourgeoisie laisse entendre même aujourd'hui que l'élément essentiel de l'être humain est le gorille ou le singe, que cela n'a pas changé. Mais revenons au sujet. Si les êtres humains ont dû s'humaniser, le point de départ de cette humanisation devait être l'humanisation de l'environnement, l'acte de survie permettant de rendre l'environnement naturel vivable pour l'être humain. Si nous devions présupposer la conscience en elle-même, la conscience avec sa propre logique, avec ses propres lois de développement, avec une indépendance complète par rapport à nous, alors nous verrions à travers ses yeux que l'humanisation de l'environnement présuppose l'existence du trait humain, que le trait humain est ce qui humanise. Or, ce n'est pas le cas. Le fait même que chaque être humain soit un produit de la nature et qu'il a agi sur la nature pour la changer est considéré comme un acte humain. De l'humanisation de la nature, nous en sommes arrivés au stade où l'humanisation de la société est à l'ordre du jour. L'humanisation de la nature commence lorsque les êtres humains, qui étaient un produit de la nature, se sont engagés à combattre les forces de la nature pour les mettre à leur service. L'humanisation de la société commence lorsque ces êtres humains naissent en société. Ils ne sont plus nés dans la nature. Un changement qualitatif doit avoir lieu d'un état à l'autre ou d'un stade à l'autre. Dans la première période, c'est-à-dire la période d'humanisation de la nature, il y a la présupposition que l'acte d'humanisation de la nature a dû rendre les êtres humains conscients.

La conscience en soi

Dans la deuxième période, la présupposition est que l'acte d'humanisation de la société apportera aux êtres humains une conscience en soi. Laissons de côté toutes les protestations, toutes les objections des différentes écoles de pensée qui ont vu le jour dans le passé, y compris les postmodernistes, ceux qui affirment, d'une manière ou d'une autre, que chaque époque de la société et de la nature n'a pas sa conscience de soi et que la conscience se limite à ceux qui la perçoivent. Je vais tout de même insister sur le fait que l'étude du sujet « origine de la conscience » doit procéder en présupposant l'existence de la conscience en soi. Face à la question : « Y avait-il une conscience avant que les êtres humains n'arrivent sur la terre ou même avant que le monde biologique n'apparaisse ? », on trouve souvent un regard béat. On fronce les sourcils si quelqu'un répond par l'affirmative. Oui, il y avait une conscience avant que les êtres humains ne fassent leur apparition sur cette terre et même avant l'apparition du monde biologique. C'est la conscience en soi, la conscience qui ne dépend que d'une époque de société et de nature.

Quelle était cette conscience n'est pas la question. On pourrait facilement y répondre. Tout, tous les phénomènes de la nature et de la société, et la nature et la société elles-mêmes ont leurs propres lois de développement. Ce sont ces lois qui leur communiquent leur conscience, leur contenu. Mais où ce contenu les amène-t-il ? Où réside-t-il ? Il réside dans la chose même, qui est à son tour la preuve de l'existence de la conscience en soi. La question de l'existence de la conscience en soi est donc résolue dans son intégralité. La prétention post-postmoderniste est que, sans présupposer l'existence de cette conscience, il n'est pas possible de prouver l'existence ou la non-existence d'aucune autre forme de conscience. Mais, de par sa définition même, cette conscience est indépendante du monde humain ou biologique, elle ne dépend que de la chose elle-même.

Quelle est cette présupposition, cette conscience en soi ? En présupposant l'existence de cette conscience, il est présupposé que chaque époque de la société et de la nature a sa propre conscience. Si chaque époque a sa propre conscience, on peut en déduire qu'il y avait une conscience avant que ces époques ne commencent également, c'est-à-dire même avant le monde prébiologique. Pour être précis, il faut comprendre que la conscience en soi, par définition, est cette conscience qui existe indépendamment de nous-mêmes ou de toute autre chose que la chose elle-même. L'étude de cette conscience ne peut avoir comme point de départ que la chose elle-même. C'est ainsi qu'est entreprise l'étude de toute chose : il faut commencer par la chose en soi. La chose qui est la nature, la société dans son changement, développement et mouvement.

Si vous me permettez de m'éloigner du sujet un peu, je veux vous montrer que la conscience d'une personne qui a vécu il y a 600 ans avant notre ère et la conscience de la personne qui vit en 1996, c'est-à-dire à notre époque, une différence d'environ 2 500 ans, sont entièrement différentes. Les deux sont des êtres humains et appartiennent à la société, mais elles sont de deux époques différentes. Si, au cours de ces 2500 années, la conscience s'est développée, qu'est-ce qui fait penser que cela n'ira pas plus loin et ne prouvera ce que je dis, qu'il y a une conscience en soi ? Il n'y a pas d'argument logique pour me contredire. En même temps, si quelqu'un affirme que la conscience doit exister par définition en fonction de telle ou telle chose, il ne s'agit pas de conscience par définition. Nous savons que la société a changé, s'est développée et a évolué et, avec elle, la conscience humaine a évolué, s'est développée et s'est mue. Cette conscience apparaît donc par définition sous différentes formes. Elle apparaît dans la forme du produit de la société préclassique ou dans la forme de la conscience des différentes époques de la société de classes. Si l'on suppose que la conscience est indépendante de nous et si, ne serait-ce qu'aux fins de la discussion, les participants à cette discussion l'acceptaient généralement, la question qui se pose est alors est de savoir quelles sont ces formes de conscience. S'agit-il de choses qui ne sont pas la conscience à un stade quelconque du changement, du développement et du mouvement ? Quelles sont les formes de conscience, quelles sont ces choses, quel est leur contenu ? Le contenu de ces formes de conscience ne serait-il que les lois de développement sont des choses qu'elles reflètent en elles-mêmes ? En présupposant l'existence de la conscience en soi, ce que sera cette conscience post-postmoderniste deviendra également clair. Je pose la question de rechercher le contenu de la conscience post-postmoderniste, de la conscience, du facteur humain, car ce n'est qu'en retrouvant son contenu que nous recommençons à approfondir et à étendre la présupposition que nous avions au départ, la présupposition de la conscience en soi. C'est à partir de là, de l'établissement du contenu de la conscience post-postmoderniste, que la discussion et le débat peuvent réellement commencer.

Ayant accepté cette école, ne serait-ce que pour les fins de la discussion, le défi pourrait légitimement se présenter comme suit : si c'est nous qui devons établir le contenu, comment ce contenu peut-il être présumé, comment peut-on présupposer que la conscience existe indépendamment de nous ? Il semblerait que je me contredise. Ne vous inquiétez pas pour le moment. Supposez avec moi que la conscience et la conscience en soi soient deux choses qualitativement différentes. La conscience qui dépend des développements autour de nous à un moment donné n'est pas la même chose que la conscience en soi. Si cela est accepté, une autre question pourrait être soulevée. On pourrait dire : bon, vous avez déjà présupposé la conscience en soi, mais vous déclarez maintenant que la conscience et la conscience en soi sont deux choses différentes. Supposons alors que nous voulions établir le contenu de la conscience et non de la conscience en soi. Comment faire ? Je répondrais avec assurance : essayez autant que vous le voulez, vous n'y parviendrez pas. Vous ne pouvez pas établir le contenu de la conscience en le séparant de la conscience en soi. Ce qu'il faut présupposer, c'est que la conscience en soi n'est pas la même chose que la conscience. Les lois du changement, du développement et du mouvement d'une chose ne sont pas des choses en soi. Si le contenu de la conscience en soi, ce sont les lois présupposées, la difficulté à établir le contenu de la conscience est insurmontable. La question sera soulevée immédiatement : mais la conscience est la seule chose dont l'existence présuppose une dépendance de nous. Pourquoi ne pouvons-nous pas établir le contenu de quelque chose qui dépend de nous ? La réponse est simple : si nous ne savons rien de notre propre conscience, l'origine de cette conscience, son changement, son développement et son mouvement, comment pouvons-nous établir le contenu de la conscience qui dépend de nous ? On peut expliquer que, précisément parce que nous ne savons rien d'elle, nous pouvons lui fournir du contenu. On peut dire cependant que nous ne pouvons jamais établir ce que ce contenu est dans sa forme finale. C'est le seul absolu dans cette affaire. C'est la source des difficultés insurmontables. Imaginez que c'est comme une lumière venant à la Terre et réfléchie par la Terre. La conscience que nous avons est comme cette réflexion. Nous réfléchissons ce que nous recevons de la même manière que la lumière. Mais toutes les écoles disent que la source de cette lumière est la personne qui la reflète. La dispute n'est pas que la lumière soit reflétée, que la conscience est là. Le différend porte sur la source de cette lumière, sur la source de cette conscience ?

Nous avons commencé avec la proposition que la conscience en soi existe. Appelons cela la supposition numéro un. La conscience en soi, par définition, est indépendante de nous. Il y a aussi une conscience qui ne doit pas être présupposée. Tous, spontanément, nous émettons et réfléchissons cette conscience et prétendons qu'elle nous appartient sans jamais penser qu'elle dépend de nous. Sommes-nous la source de cette conscience ou est-elle simplement reflétée par nous ? Juste parce que nous réfléchissons la lumière, pouvons-nous affirmer que nous sommes la source de lumière ? Ou juste parce que nous avons cinq sens qui sont le produit de l'évolution de la société et de la nature, pouvons-nous affirmer que nous sommes la source des cinq sens ? Pouvons-nous de là conclure que, comme différentes personnes ont des origines différentes, telles qu'elles s'expriment dans la langue parlée, dans l'origine nationale, l'appartenance ethnique, la couleur de la peau ou le sexe, elles refléteront ou montreront leur conscience différemment. Oui, cela pourrait être dit si l'origine nationale, l'origine ethnique, la couleur de la peau ou le sexe étaient réellement la source de cette conscience. Mais comment se peut-il que quelque chose que nous possédons déjà soit aussi la source de quelque chose que nous réfléchissons ? En explorant l'indépendance et la dépendance de la conscience par rapport à nous-mêmes, tôt ou tard quelqu'un demandera comment se définit ce « nous ». Est-ce que le « nous » fait référence à vous et à moi ou à ceux qui sont venus il y a 40 000 ans, il y a 500 ans, ou 50 ou 5 ans ou tout juste hier, ou vous qui êtes venus aujourd'hui ? Comment définir le « nous » ? Nous passons de l'exploration du contenu de la conscience à l'établissement de qui est « nous » ? Comment pouvons-nous vraiment débattre lorsque nous passons d'une chose à l'autre ? N'y a-t-il pas moyen de revenir en arrière et de ne pas faire ce saut pour que nous puissions rester sur le sujet ?

La question multiplie en fait nos difficultés parce que nous nous éloignons de la discussion sur la conscience et entrons dans un tout autre sujet, le sujet de savoir si nous pouvons faire quelque chose pour annuler ce saut obligatoire dans la discussion. Nous pouvons examiner ce que nous pouvons faire pour assurer notre propre indépendance et ainsi de suite. Allons-y. Essayons de surmonter cette difficulté.

En 1967, un programme d'études a été organisé au Collège Trinity de Dublin, en Irlande, intitulé « La nécessité de changement ». J'ai eu l'honneur d'être l'orateur principal sur ce sujet précis de ce que nous pouvons faire pour surmonter cette difficulté. Je pensais alors que cette difficulté pouvait être surmontée. Et pour surmonter cette difficulté, j'ai fait cette proposition que nous décidions ensemble que la conscience en soi existe, que nous fassions cette présupposition ensemble. Nous devrions le faire sans aucune crainte et ensuite faire la deuxième supposition, la supposition numéro deux, à savoir que c'est cette conscience qui se métamorphose et passe d'une forme à une autre, le changement de contenu s'effectuant suivant les époques de la société et de la nature. Pour l'illustrer, nous avons fait la présupposition numéro trois, l'existence du « je » entre guillemets. Ce « je », cette proposition du « je » entre guillemets, nous amène à la définition suivante : le « je » est un rapport ou une relation ; il est quelque chose qui voit les phénomènes ; qui non seulement voit les phénomènes mais les reconnaît ; qui non seulement les reconnaît mais les analyse ; qui non seulement les analyse mais les reflète à son tour. À mon avis, ces propositions sont une solution à notre problème. Si nous acceptons de faire ces trois présupposés, la solution consiste alors à comprendre ce qu'est le « je » qui voit, reconnaît, analyse et réfléchit. Et ce « je » est par définition un rapport ou une relation. Ce n'est ni la chose en soi ni les lois du développement, c'est-à-dire la conscience en soi. C'est le reflet de la relation entre une chose elle-même et tout le reste.

Le « je » en tant que rapport ou relation

« La compréhension requiert un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir. » - Nécessité de changement

Allons plus loin avec cette présupposition. Le « je » en tant que rapport ou relation n'est ni la conscience en soi, ni la conscience. Il est conditionné par des périodes et des circonstances précises. Parce que par définition une relation dépend du temps et des circonstances. Si une relation devait être la même dans toutes les conditions et circonstances, cela signifierait que la conscience en soi ne se métamorphose pas. Elle n'assume aucune forme. Cela voudrait dire que la conscience en soi n'est qu'une abstraction et que la chose en elle-même ne change pas, ne se développe pas et ne se meut pas. Bref, c'est aussi une abstraction, c'est un univers stationnaire. En d'autres termes, nous ne parlons de rien. Pour parler de quelque chose, nous devons présupposer l'existence du « je », cette relation qui donne à la forme vivante cette qualité concrète et définie, vérifiable par la vie elle-même. Je dois encore supposer qu'il y a quelque chose qui est préconditionné. Ce quelque chose est la chose elle-même, c'est la nature et la société, la condition de la nature et de la société à un moment et dans un espace donnés. Prenons, par exemple, le monde actuel, que nous connaissons tous plus ou moins bien, car non seulement sommes-nous son produit mais nous y vivons. En utilisant la présupposition du « je », que trouvons-nous ?

« Je » en tant que relation pourrait être entre l'enseignant et l'enseigné, entre l'ouvrier et le capitaliste, entre les atomes et les molécules ou entre les parties subatomiques et ainsi de suite. En d'autres termes, nous pouvons voir une relation qui existe indépendamment de nous et pourtant la présupposition du « je » donne l'impression de quelque chose qui est dépendant de nous. On peut parler d'un miracle, si vous voulez. Lors du programme d'étude « La nécessité de changement », j'ai expliqué que le « je » qui reconnaît, analyse, reflète et reçoit la réflexion n'est pas le « je » égocentrique, le « je suis », point final. Le "je" égocentrique reconnaît mais avec un préjugé. C'est le préjugé de ce « je ». Le « je » ainsi défini est seul, c'est le « je » qui reconnaît mais oublie que moi aussi je peux reconnaître et ainsi de suite. Et l'on conclura que ce « je » n'est rien d'autre que la définition de quelqu'un, une définition de quelque chose. Au-delà, ce n'est rien.

C'est ce que toutes les écoles de pensée veulent que nous acceptions, une définition qui nous limite au maximum, quelque chose qui n'est pas vérifiable au sens large de la science. Le « je » dont nous parlons, par contre, est l'être incarné, une relation existant en soi. Une fois que nous établissons que ce « je » dépend de la chose elle-même, nous pouvons expliquer que la chose elle-même est soumise aux lois du changement, du développement et du mouvement, telles que reflétées par « je », par cette relation.

Appliquons cette restriction du « je » qui est dépendant de la chose elle-même plus largement. Premièrement, lorsque nous parlons de conscience en soi, nous devons poser la question : existe-t-elle ? Par définition, la conscience en soi est indépendante de nous. Elle nous dépasse. Nous en discutons et posons la question de son existence. La réponse à cette question est assez évidente. Oui, elle existe dans la mesure où il est reconnu qu'il existe des conditions à une époque où il n'existait aucun monde biologique dans l'univers. Dès que le monde biologique naît, et plus encore quand les êtres humains, vous et moi, en somme la société dans laquelle nous naissons, entrent en scène, cette conscience en soi se métamorphose.

Cela signifie-t-il que la conscience en soi disparaît quand le monde biologique et la société sont apparus ? Non, elle commence à se métamorphoser en conscience et apparaît comme étant dépendante de nous. C'est pourquoi Friedrich Engels dit que toute conscience est « fausse conscience ». Cette dépendance est illusoire, elle est fausse. C'est pourquoi la réalité doit être étudiée et constamment réexaminée et redécouverte. Toutes ces consciences ne sont que relatives. L'existence de la conscience présuppose l'existence du « je » entre guillemets, ce qui présuppose l'existence de la chose-même, ce qui présuppose l'existence de la société ou de la nature, quel que soit le sujet dont on veuille parler. Peut-on dire que cette conscience métamorphosée signifie qu'elle n'est plus une conscience en soi ? Non, ça ne veut pas dire ça. On doit dire que parce que la conscience est conscience en soi, elle est métamorphosée par les conditions, revêt telle et telle forme, dépendante du contenu imposé par ces conditions. Autrement dit, de son point de vue elle continue de transcender sa dépendance et continue d'apparaître comme conscience en soi.

Le problème de la définition de la personnalité moderne

« Notre fidélité est envers l'ensemble des rapports humains et ce que
révèlent ces rapports indispensables, surtout la nécessité du pouvoir politique. »
- Nécessité de changement

Une fois que l'on accepte que c'est cela la conscience, il ne reste plus qu'une très petite question : est-elle essentielle au changement social ? Cela dépendra bien sûr des individus. S'ils veulent un changement social, ils devront définir ce qu'est ce changement social. Nous revenons au problème de la définition de la personnalité moderne. Nous devrons commencer par la destruction, par l'analyse. Nous devrons ensuite définir précisément quelles sont les conditions sociales, quelles conditions sociales on veut changer. En d'autres termes, nous devons passer de développements spontanés à des développements planifiés conscients. En d'autres termes, nous devons en arriver à cette condition, à cette étape, à ce stade où nous devons déterminer s'il existe dans cette société une force sociale indépendante de nous, dans c'est dans l'intérêt de réaliser le changement social dont nous parlons. Si vous pouvez l'identifier, vous avec la réponse à la question.

Par exemple, nous, communistes, disons que la classe ouvrière est cette force sociale qui a intérêt à renverser toutes les conditions de l'exploitation capitaliste. Sur cette base, nous sommes allés plus loin et avons analysé que les conditions matérielles sont mûres pour le renversement du capitalisme. Les conditions subjectives doivent être préparées. C'est que la classe ouvrière existe comme force sociale, mais pas comme force révolutionnaire consciente et organisée. Cette force doit être créée. Cela n'est possible qu'avec, disons, une conscience pure, c'est-à-dire une conscience totalement dépourvue de préjugés, c'est-à-dire la conscience en soi. En d'autres termes, nous devons redécouvrir, nous devons repenser toute la réalité et ainsi de suite, comme l'a proposé Sandra Smith dans sa présentation intitulée « Un moment décisif ». Si nous nous contentons de dire que la conscience des années 1960 et la conscience telle qu'elle existe aujourd'hui suffit, que ce que Marx et Engels, Lénine et Staline et d'autres ont découvert suffit, nous commettrons une grave erreur. Dans la mesure où, si une organisation telle qu'un parti communiste ne réévaluait pas constamment sa position, si elle ne remettait pas en question toutes ses propositions fondamentales, cette organisation deviendrait théoriquement sénile. Et une fois que vous êtes théoriquement sénile, vous êtes pratiquement inexistant.

C'est la raison pour laquelle les partis communistes dynamiques mettent longtemps à parvenir à une étape où ils prennent le pouvoir : la validité théorique dissuade de toute aventure, de toute idée fausse, de toute illusion que des choses peuvent être organisées quand les conditions ne sont pas réunies.

Note

1. Le Marxiste-Léniniste, 30 septembre 1995

(Conférence interdisciplinaire, Université de Windsor, 9-11 février 1996. Archives du Centre de ressources Hardial Bains.)

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

Lisez Le Marxiste-Léniniste
Site web:  www.pccml.ca   Courriel: redaction@cpcml.ca