Supplément
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6
novembre 2018
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Numéro
1
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Centenaire de la fin de la
Première Guerre mondiale

À
l'occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre
mondiale,
Le Marxiste-Léniniste présente une série de
suppléments
sur la guerre et les questions connexes.
Commémoration
du
centenaire
de
la
Première Guerre mondiale
• Suppléments sur le centenaire de la
fin de la Première Guerre mondiale
• La guerre et la social-démocratie russe
- Lénine, septembre 2014
Commémoration du centenaire de la
Première Guerre mondiale
Suppléments sur le centenaire de la fin de la
Première Guerre mondiale
Cette année marque le centenaire de la fin de la
Première Guerre mondiale, le 11 novembre 1918. La
Première Guerre était censée être « la
guerre pour mettre fin à toutes les guerres ». Ce fut
un abattoir, un massacre aux proportions inégalées. Elle
a également marqué un tournant dans l'histoire. Au
lendemain de la
guerre, de profonds changements politiques, culturels,
économiques et sociaux se produisirent en Europe, en Asie et en
Afrique, et même dans des régions extérieures
à celles qui étaient directement impliquées.
L'effondrement de quatre empires à cause de la guerre — l'empire
tsariste russe, l'empire ottoman, l'empire allemand et l'empire
austro-hongrois — a mené à la disparition de plusieurs
anciens pays, à la formation de pays nouveaux et au
redécoupage de la planète. Des organisations
internationales comme la Ligue des nations ont été
établies.
Une vision profondément anticommuniste a
commencé à prendre pied en Europe et en Amérique
du Nord en opposition à la construction d'un monde nouveau par
la classe ouvrière en Russie soviétique. Celle-ci avait
vaincu le tsarisme par la Grande Révolution socialiste
d'Octobre de 1917 sous la direction du Parti bolchevique et de
Lénine et s'engageait dans un projet d'édification
nationale entièrement nouveau, où le pouvoir était
placé dans les mains des soviets des travailleurs, paysans et
soldats. Selon l'historiographie bourgeoise, la Première Guerre
mondiale a également marqué «
l'avènement » du Canada en tant que nation en vertu
du rôle qu'il
a joué aux côtés des belligérants, où
il
aurait prouvé qu'il méritait le statut de grande
puissance. Le sacrifice des jeunes Canadiens comme chair à canon
dans les tranchées de l'Europe aurait montré que le
Canada était en mesure d'assumer lui-même sa politique
étrangère et de finalement rompre les liens à cet
égard avec le Parlement impérial britannique. Cette
désinformation sert à
imprégner les Canadiens d'une vision chauvine selon laquelle le
Canada est une force majeure de l'Entente, digne d'être à
la table pour le partage du butin de la guerre. En fait, cette
participation a fait du Canada un instrument consentant, au service de
la
connivence entre la Grande-Bretagne et la France pour exclure
l'Allemagne et du soutien à toutes les
organisations nouvelles hostiles à la Russie.
Aujourd'hui, cette vision présente le bellicisme
comme une valeur canadienne fondatrice. En fait, le sacrifice des
Canadiens a été fait au nom de l'empire. L'envoi des
jeunes Canadiens pour participer à la boucherie
impérialiste qu'a été la Première Guerre
mondiale n'a pas établi l'indépendance du Canada. Ce
massacre a été une guerre pour le
repartage du monde entre les empires de l'époque pour accaparer
les
sources de matières premières, la main-d'oeuvre à
bon marché et les zones pour l'exportation de capital et
acquérir une influence stratégique. Les élites
dirigeantes du Canada se sont taillé une place comme serviteurs
d'abord des impérialistes britanniques puis des
impérialistes
américains, tandis que persiste parmi le peuple un mouvement
pour un véritable projet d'édification nationale dans
lequel les ressources naturelles et humaines et le pouvoir
décisionnel sont au service du peuple et non des riches.
À cet égard, les
célébrations du 100e anniversaire de la fin de la
Première Guerre mondiale arrivent à un moment où
le Canada est intégré toujours plus rapidement à
la machine de guerre impérialiste américaine alors que
les États-Unis, l'OTAN et leurs alliés étendent
leur ingérence et leur agression et menacent de guerre les pays
qui ne
vont pas se soumettre à leur diktat. Pendant ce temps, le
gouvernement canadien, pour servir cet ordre du jour,
prépare les conditions pour l'utilisation de ses pouvoirs de
police pour dire que l'opposition à la guerre et aux alliances
agressives comme l'OTAN est une menace à la
sécurité nationale.
À l'occasion du centenaire de la fin de la
Première Guerre mondiale, Le Marxiste-Léniniste
publie une série de suppléments sur la guerre et des
questions connexes. Ce premier supplément porte sur les
événements qui ont conduit au déclenchement de la
guerre. Lénine, le dirigeant de la Grande Révolution
d'Octobre, explique les origines de la guerre et le devoir de la classe
ouvrière
internationale de s'y opposer. Sous la direction de Lénine, les
sociaux-démocrates russes, puis les Soviétiques, ont
été en mesure de se donner une perspective claire
à partir de laquelle analyser le cours des
événements et ces observations montrent que la
Première Guerre mondiale était une
guerre inter-impérialiste pour le repartage du monde. À
l'époque, comme aujourd'hui, les événements qui
ont conduit à la Première Guerre mondiale montrent aux
travailleurs de tous les pays que sans établir des gouvernements
antiguerre, c'est le massacre qui les attend.

La guerre et la social-démocratie russe
- Lénine, septembre 2014 -

Lénine, 1914
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La guerre européenne, préparée
durant des dizaines d'années par les gouvernements et les partis
bourgeois de tous les pays, a éclaté. La croissance des
armements, l'exacerbation de la lutte pour les débouchés
au stade actuel, impérialiste, du développement du
capitalisme dans les pays avancés, les intérêts
dynastiques des monarchies les plus
arriérées, celles d'Europe orientale, devaient
inévitablement aboutir et ont abouti à cette guerre.
S'emparer de territoires et asservir des nations
étrangères, ruiner la nation concurrente, piller ses
richesses, détourner l'attention des masses laborieuses des
crises politiques intérieures de la Russie, de l'Allemagne, de
l'Angleterre et des autres pays,
diviser les ouvriers et les duper par le mensonge nationaliste, et
décimer leur avant-garde pour affaiblir le mouvement
révolutionnaire du prolétariat : tel est le seul
contenu réel, telle est la véritable signification de la
guerre actuelle.
La social-démocratie est tenue, en premier lieu,
de dévoiler cette véritable signification de la guerre et
de dénoncer implacablement le mensonge, les sophismes et les
phrases « patriotiques » que répandent en
faveur de la guerre les classes dominantes : les grands
propriétaires fonciers et la bourgeoisie.
La bourgeoisie allemande se trouve à la
tête de l'un des groupes de nations belligérantes. Elle
trompe la classe ouvrière et les masses laborieuses en les
assurant qu'elle fait la guerre pour défendre la patrie, la
liberté et la culture, pour libérer les peuples
opprimés par le tsarisme, pour détruire le tsarisme
réactionnaire. En réalité, c'est
précisément cette bourgeoisie qui, servilement
prosternée devant les hobereaux prussiens avec à leur
tête Guillaume II, a toujours été le plus
fidèle allié du tsarisme et l'ennemi du mouvement
révolutionnaire des ouvriers et des paysans de Russie. En
réalité, cette bourgeoisie alliée aux hobereaux
fera tous ses efforts, quelle que soit l'issue de la
guerre, pour soutenir la monarchie tsariste contre la révolution
en Russie.
En réalité, la bourgeoisie allemande a
entrepris une guerre de rapine contre la Serbie pour la soumettre et
étouffer la révolution nationale des Slaves du Sud, tout
en portant le gros de ses forces militaires contre des pays plus
libres, la Belgique et la France, afin de piller un concurrent plus
riche. La bourgeoisie allemande répand la fable d'une
guerre qui serait défensive de son côté ; en
fait, elle a choisi le moment le plus propice, de son point de vue,
pour déclencher la guerre, en utilisant les derniers
perfectionnements de son matériel de guerre et en
devançant l'emploi des nouveaux armements déjà
envisagés et décidés par la Russie et la France.
A la tête de l'autre groupe de nations
belligérantes se trouve la bourgeoisie anglaise et
française, qui dupe la classe ouvrière et les masses
laborieuses en les assurant qu'elle fait la guerre pour la patrie, la
liberté et la culture, contre le militarisme et le despotisme de
l'Allemagne. En réalité, cette bourgeoisie a, depuis
longtemps, acheté de ses
milliards et préparé, pour attaquer l'Allemagne, les
troupes du tsarisme russe, la monarchie la plus réactionnaire et
la plus barbare de l'Europe.
En vérité, la lutte de la bourgeoisie
anglaise et française a pour but de mettre la main sur les
colonies allemandes et de ruiner une nation concurrente, qui se
distingue par un développement économique plus rapide. Et
c'est pour ce noble but que des nations «
avancées », «
démocratiques », aident le tsarisme barbare à
opprimer
plus encore la Pologne, l'Ukraine, etc., à écraser encore
plus la révolution en Russie.
Les deux groupes de pays belligérants ne le
cèdent en rien l'un à l'autre, dans cette guerre, qu'il
s'agisse des pillages, des actes de sauvagerie, ou des innombrables
atrocités. Mais pour duper le prolétariat et
détourner son attention de la seule guerre véritablement
libératrice, - c'est-à-dire de la guerre civile contre la
bourgeoisie, celle de « son
propre » pays comme celle des pays «
étrangers », - pour atteindre ce noble objectif, la
bourgeoisie de chaque pays cherche, par des phrases mensongères
sur le patriotisme, à exalter la portée de «
sa » guerre nationale et assure qu'elle veut triompher de
l'ennemi, non pour piller et conquérir des territoires, mais
pour «
libérer » tous les peuples, sauf le sien.
Mais plus les gouvernements et la bourgeoisie de tous
les pays s'évertuent à diviser les ouvriers et à
les dresser, les uns contre les autres, plus on applique
férocement, dans ce noble but, le régime de la loi
martiale et de la censure militaire (qui, même aujourd'hui, en
temps de guerre, vise bien plus l'ennemi «
intérieur » que celui du
dehors), - et plus le prolétariat conscient est
impérieusement tenu de sauvegarder sa cohésion de classe,
son internationalisme, ses convictions socialistes, contre le
déchaînement du chauvinisme de la clique bourgeoise
« patriotique » de tous les pays. Renoncer à
cette tâche, ce serait, pour les ouvriers conscients, renoncer
à leur idéal de liberté
et de démocratie, sans parler de leurs aspirations au socialisme.
Force est de constater, avec une profonde amertume, que
les partis socialistes des principaux pays européens n'ont pas
accompli cette tâche qui leur incombait, et que l'attitude des
chefs de ces partis - du parti allemand surtout - confine à la
trahison pure et simple de la cause du socialisme. En cette heure d'une
portée historique capitale, la
plupart des chefs de l'actuelle, de la II• Internationale socialiste
(1889-1914), cherchent à substituer le nationalisme au
socialisme. En raison de leur comportement, les partis ouvriers de ces
pays ne se sont pas opposés à l'attitude criminelle des
gouvernements, mais ont appelé la classe ouvrière
à aligner sa position sur celle des gouvernements
impérialistes. Les leaders de l'Internationale ont trahi le
socialisme en votant les crédits de guerre, en reprenant les
mots d'ordre chauvins (« patriotiques ») de la
bourgeoisie de « leurs » pays, en justifiant et en
défendant la guerre, en entrant dans les ministères
bourgeois des pays belligérants, etc., etc. Les plus influents
des chefs
socialistes et des organes de la presse socialiste de l'Europe
contemporaine professent un point de vue bourgeois chauvin et
libéral, et nullement socialiste. Si le socialisme se trouve
ainsi déshonoré, la responsabilité en incombe
avant tout aux social-démocrates allemands, qui étaient
le parti le plus fort et le plus influent de la II• Internationale.
Mais
on ne saurait justifier pour autant les socialistes français
acceptant des postes ministériels dans le gouvernement de cette
même bourgeoisie qui avait trahi sa patrie et s'était
alliée à Bismarck pour écraser la Commune.
Les social-démocrates allemands et autrichiens
essaient de justifier leur soutien de la guerre en prétendant
lutter ainsi contre le tsarisme russe. Nous déclarons, nous
social-démocrates russes, que cette justification est un simple
sophisme. Ces dernières années, le mouvement
révolutionnaire contre le tsarisme a de nouveau pris de vastes
proportions dans notre pays. La classe ouvrière de Russie a
toujours été à la tête de ce mouvement. Les
grèves politiques qui se sont déroulées ces
dernières années, et auxquelles ont participé des
millions de travailleurs, avaient pour mot d'ordre le renversement du
tsarisme et l'instauration de la république démocratique.
A la veille même de la
guerre, le président de la République française,
Poincaré, a pu voir de ses propres yeux dans les rues de
Pétersbourg, au cours de la visite qu'il fit à Nicolas
II, des barricades dressées par les mains des ouvriers russes.
Le prolétariat de Russie n'a reculé devant aucun
sacrifice pour délivrer l'humanité de cette honte qu'est
la monarchie tsariste. Mais
nous devons dire que si quelque chose peut, dans certaines conditions,
retarder la chute du tsarisme, si quelque chose peut aider le tsarisme
dans sa lutte contre tout le mouvement démocratique do Russie,
c'est précisément la guerre d'aujourd'hui, qui met les
coffres-forts de la bourgeoisie anglaise, française et russe au
service des buts réactionnaires
du tsarisme. Et si quelque chose peut entraver la lutte
révolutionnaire de la classe ouvrière russe contre le
tsarisme, c'est précisément l'attitude des chefs de la
social-démocratie allemande et autrichienne, attitude que la
presse chauvine de Russie ne cesse de nous donner en exemple.
Si même l'on admet que les forces de la
social-démocratie allemande étaient insuffisantes au
point de lui faire abandonner toute action révolutionnaire, il
ne fallait pas, même dans ce cas, rejoindre le camp
chauvin ; il ne fallait pas commettre des actes qui ont fait dire
avec raison aux socialistes italiens que les chefs des
social-démocrates
allemands déshonorent le drapeau de l'Internationale
prolétarienne.
La guerre a déjà causé et causera
encore des préjudices immenses à notre Parti, le Parti
ouvrier social-démocrate de Russie. Toute notre presse
ouvrière légale est détruite. La plupart des
syndicats sont interdits ; nombreux sont nos camarades qui ont
été arrêtés et déportés. Mais
notre représentation parlementaire - la Fraction ouvrière
social-démocrate de Russie à la Douma d'Etat - a
jugé que son devoir socialiste lui interdisait absolument de
voter les crédits de guerre, et l'obligeait même à
quitter la salle des séances de la Douma pour marquer encore
plus énergiquement sa protestation ; elle a jugé de
son devoir de stigmatiser la politique des gouvernements d'Europe
comme une politique impérialiste. Et, malgré la
répression décuplée du gouvernement tsariste, les
ouvriers social-démocrates de Russie publient déjà
des premières proclamations illégales contre la guerre,
s'acquittant ainsi de leur devoir envers la démocratie et
l'Internationale.
Si les représentants de la
social-démocratie révolutionnaire, en la personne de la
minorité des social-démocrates allemands et des meilleurs
social-démocrates des pays neutres, éprouvent une honte
cuisante devant cette faillite de la II• Internationale ; si, en
Angleterre et en France, des voix socialistes s'élèvent
contre le chauvinisme de la
majorité des partis social-démocrates ; si les
opportunistes, comme ceux, par exemple, des Sozialistische Monatshefte
[Cahiers mensuels socialistes] allemands, qui ont adopté depuis
longtemps une position nationale-libérale, se félicitent
avec juste raison de leur victoire sur le socialisme européen,
le pire service que l'on puisse rendre au
prolétariat est de balancer entre l'opportunisme et la
social-démocratie révolutionnaire (comme le fait le
« centre » du parti social-démocrate allemand),
et de s'appliquer à passer sous silence ou à masquer sous
des phrases diplomatiques la faillite de la II• Internationale.
Au contraire, il faut reconnaître ouvertement
cette faillite et en comprendre les causes, afin de pouvoir travailler
à un rassemblement socialiste nouveau, plus solide, des ouvriers
de tous les pays.
Congrès
de
Stuttgart
en 1907
Les opportunistes ont saboté les
décisions des congrès de Stuttgart, de Copenhague et de
Bâle [1], qui faisaient un
devoir aux socialistes de tous les pays de lutter contre le chauvinisme
quelles que lussent les conditions, qui les obligeaient à
répondre par une propagande renforcée en faveur de la
guerre
civile et de la révolution sociale à toute guerre
déclenchée par la bourgeoisie et les gouvernements. La
faillite de la II• Internationale est celle de l'opportunisme, qui a
grandi sur le terrain spécifique d'une époque historique
révolue (dite « pacifique ») et qui, en ces
dernières années, domina pratiquement dans
l'Internationale. Les
opportunistes ont préparé de longue date cette faillite,
en répudiant la révolution socialiste pour lui substituer
le réformisme bourgeois ; en répudiant la lutte des
classes et la nécessité de la transformer, le cas
échéant, en guerre civile, et en se faisant les
apôtres de la collaboration des classes ; en prêchant
le chauvinisme bourgeois sous
le nom de patriotisme et de défense de la patrie, -et en
méconnaissant ou en niant cette vérité
fondamentale du socialisme, déjà exposée dans le Manifeste
du
Parti
communiste , que les ouvriers n'ont pas de patrie ;
en se bornant, dans la lutte contre le militarisme, à un point
de vue sentimental petit-bourgeois, au lieu d'admettre la
nécessité de la guerre révolutionnaire des
prolétaires de tous les pays contre la bourgeoisie de tous les
pays ; en faisant un fétiche de la légalité
et du parlementarisme bourgeois qui doivent nécessairement
être mis à profit, et en oubliant qu'aux époques de
crise, les formes illégales d'organisation et d'agitation
deviennent indispensables. Le
courant anarcho-syndicaliste - « complément »
naturel de l'opportunisme, non moins bourgeois et non moins hostile au
point de vue prolétarien, c'est-à-dire marxiste - s'est
manifesté, non moins honteusement, par une paraphrase
béate des mots d'ordre chauvins au cours de la crise actuelle.
On ne saurait accomplir actuellement les tâches
du socialisme, on ne saurait réaliser le véritable
rassemblement international des ouvriers, sans rompre résolument
avec l'opportunisme et sans faire comprendre aux masses que son fiasco
est inévitable.
La social-démocratie de chaque pays doit, en
premier lieu, lutter contre le chauvinisme de son pays. En Russie, ce
chauvinisme s'est entièrement emparé du
libéralisme bourgeois (des « cadets [2] »), et partiellement des
populistes [3] jusques et y
compris
les socialistes-révolutionnaires [4]
et les social-démocrates « de droite ». (En
particulier, il faut absolument flétrir les interventions
chauvines, par exemple, de E. Smirnov, P. Maslov et G.
Plékhanov, reprises et largement utilisées par la presse
« patriotique » bourgeoise.)
Dans la situation actuelle, on ne saurait dire, du
point de vue du prolétariat international, quel est le groupe de
nations belligérantes dont la défaite serait le moindre
mal pour le socialisme. Mais pour nous, social-démocrates
russes, il est hors de doute que, du point de vue de la classe
ouvrière et des masses laborieuses de tous les peuples de
Russie, le moindre mal serait la défaite de la monarchie
tsariste, le plus réactionnaire et le plus barbare des
gouvernements, qui opprime le plus grand nombre de nations et les
masses les plus larges de l'Europe et de l'Asie.
Le mot d'ordre politique immédiat de la
social-démocratie d'Europe doit être la formation
d'Etats-Unis républicains d'Europe. Mais à la
différence de la bourgeoisie, prête à «
promettre » tout ce qu'on voudra pourvu qu'elle puisse
entraîner le prolétariat dans le flot
général du chauvinisme, les social-démocrates
montreront tout ce qu'il
y a de mensonger et d'absurde dans ce mot d'ordre si les monarchies
allemande, autrichienne et russe ne sont pas renversées par la
révolution.
Pour la Russie, les tâches des
social-démocrates, vu l'immense retard de ce pays qui n'a pas
encore achevé sa révolution bourgeoise, doivent
être, comme par le passé, les trois conditions
fondamentales d'une transformation démocratique
conséquente : république démocratique (avec
l'égalité complète des nations et leur droit
à disposer
d'elles-mêmes), confiscation des terres des grands
propriétaires fonciers et journée de travail de 8
heures. Mais, dans tous les pays avancés, la guerre met à
l'ordre du jour la révolution socialiste, mot d'ordre qui
s'impose d'autant plus impérieusement que les charges de la
guerre pèsent plus lourdement sur les épaules du
prolétariat et que le
rôle de ce dernier devra être plus actif dans la
reconstruction de l'Europe, après les horreurs de la barbarie
« patriotique » actuelle, multipliées par les
gigantesques progrès techniques du grand capitalisme.
L'utilisation par la bourgeoisie des lois du temps de guerre pour
bâillonner complètement le prolétariat, oblige ce
dernier à créer des
formes illégales d'agitation et d'organisation. Laissons les
opportunistes « sauvegarder » les organisations
légales en trahissant leurs convictions ; les
social-démocrates révolutionnaires, eux, utiliseront leur
expérience en matière d'organisation et les liaisons de
la classe ouvrière afin d'élaborer des formes
clandestines de lutte répondant à
cette époque de crise, lutte pour le socialisme et l'union des
ouvriers, non pas avec la bourgeoisie chauvine de leur pays, mais avec
les ouvriers de tous les pays. L'Internationale prolétarienne
n'est pas morte et ne mourra pas. En dépit des obstacles, les
masses ouvrières créeront une nouvelle Internationale. Le
triomphe actuel de l'opportunisme est
éphémère. Plus la guerre fera de victimes, et plus
seront évidentes, pour les masses ouvrières, la trahison
de la cause ouvrière par les opportunistes, ainsi que la
nécessité de tourner les armes contre le gouvernement et
la bourgeoisie de leur propre pays.
La transformation de la guerre impérialiste
actuelle en guerre civile est le seul mot d'ordre prolétarien
juste, enseigné par l'expérience de la Commune,
indiqué par la résolution de Bâle (1912) et
découlant des conditions de la guerre impérialiste entre
pays bourgeois hautement évolués. Si grandes que
paraissent à tel ou tel moment les
difficultés de cette transformation, les socialistes ne
renonceront jamais, dès l'instant que la guerre est devenue un
fait, à accomplir dans ce sens un travail de préparation
méthodique, persévérant et sans défaillance.
C'est seulement en s'engageant dans cette voie que le
prolétariat pourra s'arracher à l'influence de la
bourgeoisie chauvine et avancer résolument, d'une manière
ou d'une autre, avec plus ou moins de rapidité, sur le chemin de
la liberté réelle des peuples et du socialisme.
Vive la
fraternité internationale des
ouvriers contre le chauvinisme et le patriotisme de la bourgeoisie de
tous les pays !
Vive l'Internationale
prolétarienne,
affranchie de l'opportunisme !
Le Comité
central du Parti ouvrier social-démocrate de Russie
Notes
1. Le Congrès de Stuttgart de la IIe
Internationale se tint du 18 au 24
août 1907. Le POSDR y fut représenté
par 37 délégués comprenant, parmi les
bolcheviks, Lénine, Lounatcharski, Litvinov, etc. Le travail du
congrès se fit essentiellement dans les commissions,
chargées
d'élaborer les projets de résolutions pour les
séances plénières. Lénine participa
à la commission qui rédigea la résolution sur
« Le militarisme et les conflits internationaux ».
Avec Rosa Luxembourg, il apporta au projet de résolution de
Bebel l'amendement historique sur le devoir pour les socialistes
d'utiliser la crise ouverte par la guerre
pour soulever les masses et renverser le capitalisme ; cet
amendement fut adopté par le congrès.
Le Congrès de Copenhague de la IIe
Internationale se tint du 28 aida au 3
septembre 1910. Le POSDR y était représenté
notamment par Lénine, Plekhanov, Lounatcharski, Kollontaï,
I. Pokrovski. Plusieurs commissions furent constituées en vue de
la discussion préalable et de l'élaboration de
résolutions sur les
différentes questions. Lénine participa aux travaux de la
commission des coopératives.
La résolution sur La lutte contre le
militarism et la guerre adoptée par le congrès,
confirma celle du congrès de Stuttgart sur Le militarisme et
les conflits internationaux et formula un certain nombre de
revendications que les députés socialistes devaient
défendre au sein des Parlements dans la lutte contre la
guerre ; 1) arbitrage international obligatoire pour tous les
conflits entre Etats ; 2) désarmement
général ; 3) abolition de la diplomatie
secrète ; 4) autonomie de tous les peuples et
protection des peuples contre les agressions militaires et les
persécutions.
Le Congrès de Bâle de la IIe
Internationale se tint les 24
et 25 novembre 1912. Ce fut un congrès extraordinaire,
convoqué en raison de la guerre balkanique et de la guerre
européenne menaçante. Il adopta un manifeste où il
soulignait le caractère impérialiste de la guerre
mondiale
imminente et appelait les socialistes de tous les pays à lutter
activement contre la guerre.
2. Nom familier du Parti
constitutionnel-démocrate, le parti de la bourgeoisie
avancée d'alors en Russie.
3. Populistes : courant apparu en Russie
vers 1860-1870 dont l'objectif essentiel était la lutte
contre l'autocratie et la redistribution des terres. Ils
n'hésitaient pas à utiliser l'arme du terrorisme contre
le tsarisme.
4. Socialistes-révolutionnaires :
Parti fondé en 1902 sur la base de divers groupements
populistes et dirigé par V. Tchernov. Leur principal objectif
était la « socialisation de la terre ».
(Lénine, Oeuvre , tome 21,
Éditions du progrès, Moscou, 1973)

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