Le Marxiste-Léniniste

Numéro 89 - 8 juillet 2014

La Cour suprême reconnaît le titre territorial des Tsilhqot'in

Une conférence de presse célèbre
cette victoire légale historique


Monument des chefs chilcotins - 1864: «Ce monument marque la tombe de cinq chefs tsilhqot'in exécutés sous l'autorité
de la couronne à Quesnellmouth le 26 octobre 1864, accusés d'avoir massacré une équipe de chemin de fer. Ces chefs
furent traduits en justice, condamnés, pendus et enterrés côte à côte près de ce site par la colonie de la Colombie-
Britannique. «Les Tsilhqot'n s'objectent au traitement des chefs comme des criminels et continuent de maintenir qu'il
s'agissait d'un conflit territorial entre deux nations en guerre. Comme le disait le chef Lhatsas'n, avant d'être tué:
Pour nous c'était la guerre, pas un meurtre.
«Cette plaque commémorative est érigée en l'honneur de ceux qui ont perdu la vie en défendant le territoire et le
moyen de vie traditionnel des Tsilhqot’in et pour exprimer l'inconsolable douleur vécue collectivement face à l'injustice
faite aux chefs selon les Chilcotins.»

La Cour suprême reconnaît le titre territorial des Tsilhqot'in
Une conférence de presse célèbre cette victoire légale historique
Le succès historique des Tsilhqot'in ouvre une voie à tous les Britanno- Colombiens - Charles Boylan

À titre d'information
Décision importante dans une cause liée aux revendications territoriales: la nation Tsilhqot'in c. La Colombie-Britannique


La Cour suprême reconnaît le titre territorial des Tsilhqot'in

Une conférence de presse célèbre cette
victoire légale historique


Le chef Roger William

Le chef des Tsilhqot'in, Roger William, et le Grand chef Stewart Phillip, président de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique (UCICB), ainsi que d'autres chefs et dirigeants d'organisations des peuples autochtones ont tenu une conférence de presse le 26 juin aux bureaux de l'UCICB pour célébrer la décision de la Cour suprême du Canada affirmant le titre territorial des Tsilhqot'in. Cette décision met fin à un litige de 24 ans initié par le chef William pour mettre fin à la coupe en forêt illégale. Sa démarche auprès des tribunaux a été appuyée d'un barrage routier qui a bloqué la coupe pendant que l'affaire suivait son cours devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, puis à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et finalement à la Cour Suprême du Canada. La décision de la Cour suprême a été prononcée à 19 heures, heure de la Colombie-Britannique. Elle reconnaît un titre territorial aux Tsilhqot'in sur 1 750 km carrés.

La conférence de presse s'est ouverte par une reconnaissance traditionnelle du site en tant que territoire Salish non cédé. S'adressant d'abord en Tsilhqot'in aux médias canadiens, le chef William a exprimé sa gratitude envers la nation tsilhqot'in et surtout envers le leadership courageux exercé par les ancêtres et les aînés. Il a mentionné les générations passées qui ont combattu pour affirmer leur titre ancestral légitime, notamment pendant la « guerre de Chilcotin » de 1864 contre l'occupation coloniale illégale, et jusqu'à cette bataille légale d'aujourd'hui qui a duré 24 ans. Saluant chaleureusement tous ceux qui ont contribué à cette longue bataille, il a remercié en particulier les peuples autochtones de partout au Canada, en particulier ceux qui ont prêté main forte lors de la tournée de l'« Express des titres territoriaux » dans tout le Canada l'an dernier et ont présenté leur cause devant la Cour suprême du Canada à Ottawa le 7 novembre 2013. Il a également remercié toutes les organisations non autochtones, les avocats et le peuple canadien pour leur appui. Le chef William a dit que cette confirmation du titre territorial des Premières Nations est une très bonne chose pour tous les Canadiens.

A ensuite pris la parole le Grand chef Stewart Phillip, le président de l'UCICB, une figure importante pour les peuples autochtones et non autochtones de la Colombie-Britannique qui luttent pour une nouvelle direction de la politique et de l'économie. Il a dit que cette démarche en cour a réussi à faire échec aux « notions racistes de la province de la Colombie-Britannique et du gouvernement du Canada » à l'effet que les titres autochtones n'existent qu'à l'intérieur du système des réserves. Il a dit que c'était au-delà de toutes ses attentes que la juge en chef McLaughlin ait décidé de rejeter le point de vue de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui réduit les titres fonciers des Tsilhqot'in à la grandeur d'un « timbre-poste » en les limitant à quelques sites de villages, et qu'elle ait réaffirmé le point de vue du juge David Vickers de la Cour suprême en faveur de l'existence d'un immense territoire contigu qui appartient aux Tsilhqot'in.


Le chef Stewart Phillip

« Je crois , a dit le chef Phillip aux médias canadiens, que nous devons être profondément reconnaissants envers tous les chefs autochtones qui pendant des centaines d'années ont souffert des indignités des pensionnats et des lois racistes et ont malgré tout persévéré et défendu leur vision et leur rêve à l'effet qu'un jour ce pays et cette province vivraient une prise de conscience et reconnaîtraient les droits territoriaux des autochtones en réalisant que les peuples autochtones étaient ici les premiers. Ce fait indéniable nous donne le droit inaliénable de jouir des bénéfices des riches ressources que contiennent nos territoires. »

« Je crois, a-t-il poursuivi, que la victoire d'aujourd'hui est une victoire pour tous les Canadiens et tous les Britanno-Colombiens, certainement pour mes petits enfants et tous les petits-enfants, car nous avons désormais l'occasion, la plateforme qui permet de bâtir un véritable dialogue de la réconciliation qui nous échappe depuis si longtemps. Je crois profondément qu'une marée affecte toutes les embarcations qui sont présentes et que nous avons donc tous l'occasion de participer à la vie de cette province en tant que partenaires égaux. »

Il a dit que cette décision inattendue, annoncée juste avant la conférence de presse, a été accueillie par des larmes et des cris de joie. Il a présenté plusieurs des chefs et des dirigeants qui étaient présents au bureau de l'UCICB et les a remerciés de leur contribution à cette « bataille aux proportions épiques ». Il a dit qu'il s'agissait d'une « journée incroyable » et que la décision de la cour était une victoire historique que tous pouvaient célébrer.

La cheffe régionale Puglaas (Jody Wilson-Raybould) de l'Assemblée des Première Nations des peuples du Kwakwaka'wakw a alors pris la parole. Elle a dit que cette décision changeait la donne. Elle a dit que cette décision de la Cour suprême qui confirme que les peuples autochtones de la Colombie-Britannique ont un titre territorial qui est toujours vivant doit « réveiller une fois pour toutes les gouvernements provinciaux et fédéral. » Elle a appelé Harper à « s'asseoir avec nous » et à aller au-delà « des excuses et du rétablissement de la vérité » pour faire de véritables changements aux lois et aux politiques, ce qui aura un effet « fondamentalement bénéfique pour ce pays alors que nous allons de l'avant à partir de cette journée historique ».


Cheryl Casimer

Cheryl Casimer, une porte-parole du Groupe de travail des Premières Nations en remplacement du chef Ed John, a réitéré qu'il s'agit en effet d'une grande journée que d'avoir ses droits territoriaux reconnus et confirmés, ajoutant que le gouvernement ne pourrait plus dorénavant avancer ses intérêts sur la base de la tradition raciste. « La Fête du Canada peut désormais être célébrée sur la base de la vérité à l'effet que le titre autochtone existe ». Elle a dit que « maintenant que la vérité a été libérée », son fils et les générations à venir ont une « chance de victoire ». Elle a déclaré que les peuples autochtones ont désormais le droit d'être des « joueurs à part égale dans l'économie » et a remercié la nation tsilhqot'in ainsi que tous ceux qui l'ont aidée pour leur persévérance.

Plusieurs chefs tsilhqot'in ont rendu hommage à la lutte historique de leurs ancêtres ainsi qu'aux jeunes générations qui ont vécu sur leurs terres fermement convaincus de leur titre autochtone lequel vient maintenant d'être confirmé par la plus haute cour du pays.

Pendant la période de questions, les chefs ont fait valoir qu'il existe maintenant un nouveau contexte juridique au Canada. Les gouvernements provinciaux et fédéral et les entreprises doivent dorénavant tenir compte du fait que le territoire non cédé des autochtones appartient aux peuples autochtones. Avec ce précédent juridique, chaque peuple n'aura qu'à démontrer qu'il est l'occupant historique et l'utilisateur de ses terres pour s'en voir reconnaître le titre. Qui plus est, la cour établit des limites claires au gouvernement qui tenterait de passer outre aux droits territoriaux autochtones au nom du « bien national » en disant que le gouvernement doit « négocier sur une base d'égal à égal », de nation à nation. Le grand chef Stewart Phillip a dit que dans ce contexte la Loi sur les mines « doit être changée sur-le-champ ». Il a réitéré que l'UCICB n'avait jamais participé au processus de négociations de traités puisque le gouvernement refusait de reconnaître les droits territoriaux autochtones. Il a dit que plusieurs autres démarches légales sont en cours qui impliquent les nations de l'Okanagan et du Secwepemc.

La conférence de presse a pris fin comme elle avait commencé, au rythme des tambours et des chansons traditionnelles des Tsilhqot'in.

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Le succès historique des Tsilhqot'in ouvre une
voie à tous les Britanno-Colombiens

La Cour suprême a affirmé les titres ancestraux autochtones des Tsilhqot'in sur 750 km carrés de leur territoire, alors que la superficie réelle de celui-ci est considérablement plus vaste. En réalité, cette victoire ne signifie aucunement que la Cour suprême du Canada peut décider à qui appartiennent les territoires autochtones au Canada. Alors qu'il s'agit sans aucun doute d'une importante victoire juridique, il faut noter que la Cour suprême a rendu un jugement qui affecte la nation des Tsilhqot'in, comme si celle-ci était assujettie à un quelconque pouvoir colonial. Le chef Joe Alphonse, président tribal du gouvernement national des Tsilhqot'in, l'a bien affirmé lors de la conférence de presse du 26 juin : si la décision avait été autre, la nation tsilhqot'in n'aurait pas moins continué de défendre ses revendications territoriales, puisqu'elle n'a jamais cédé sa souveraineté ni celle de ses territoires.


Carte de la réclamation des Tsilhqot'in claim.
Cliquer pour agrandir.

Jusqu'à ce jour le Canada refuse de reconnaître une définition moderne des titres ancestraux autochtones, évitant autant que possible le sujet ou l'interprétant comme bon lui semble. Dans la même veine, l'État canadien refuse d'adhérer au processus de médiation par un tiers parti adopté par la reine Anne suite à la cause judiciaire des Mohicans contre le Connecticut (1704). Comme de raison, on dit de ce précédent judiciaire britannique qu'il est « passé date », alors que le Canada continue d'agir en colonialiste, exerçant sa compétence arbitraire sur les Tsilhqot'in et sur tous les peuples autochtones vivant sur le territoire du « Dominion du Canada » sous l'autorité de la reine et de son parlement. L'ancienne juridiction coloniale demeure intacte en vertu de la Loi sur la constitution de 1867 et de 1982.

C'est non sans ironie que la juge Beverley McLachlin de la Cour suprême du Canada a partagé l'observation du juge David Vickers de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui fut le premier à statuer en faveur de la réclamation des Tsilhqot'in en 2007. Dans son jugement, la juge McLachlin dit : « Au vu de la preuve indiquant que les Tsilhqot'in, avant l'affirmation de la souveraineté [sic], ont repoussé d'autres peuples de leurs terres et ont exigé que les étrangers qui désiraient passer sur leurs terres leur demandent la permission, il [Vickers] a conclu que les Tsilhqot'in considéraient qu'ils possédaient leurs terres en exclusivité.» Mais qui a « affirmé sa souveraineté » sur qui et sur quoi ? En fait, les Tsilhqot'in n'ont fait qu'affirmer la souveraineté de leur propre territoire en appliquant leurs lois sur ce territoire et en agissant en vertu de ces lois contre l'invasion de spéculateurs fonciers qui, pour atteindre leurs visées, avaient répandu la variole par un acte odieux de « nettoyage ethnique ». L'incident spécifique soulevé par Vickers et partagé par McLachlin est la « Guerre de Chilcotin » de 1864, par laquelle les chefs de guerre tsilhqot'in ont mené une résistance héroïque face à l'occupation illégale de leurs territoires.


« L'express des réclamations territoriales autochtones: voyage des Tsilhqot'in vers la justice » à l'automne dernier durant
lequel les aînés de la nation tsilhqot'in ont entrepris un voyage de leur terre en Colombie-Britannique pour comparaître à
la Cour suprême du Canada pour obtenir la reconnaissance d'un titre autochtone pour la première fois dans l'histoire
du Canada. Ci-dessus: en compagnie de chefs autochtones à Winnipeg le 13 novembre 2013.

L'autorité des Tsilhqot'in s'est manifestée sans équivoque face à l'invasion des colons étasuniens et britanniques lorsqu'ils ont jugé trois spéculateurs fonciers et les ont condamnés en 1862 pour avoir délibérément répandu la variole dans le but de décimer le peuple tsilhqot'in. Ces individus, ayant refusé de se conformer à une peine de bannissement, ont par conséquent été exécutés sous l'ordre des chefs qui cherchaient à mettre fin à la guerre bactériologique. Il s'agissait ainsi d'une expression de leur pouvoir décisionnel souverain. Deux ans plus tard, les chefs de guerre tsilhqot'in ont déclaré la guerre à une bande d'inspecteurs qui empiétaient sur leur territoire dans le but d'y faire passer une route menant aux champs aurifères de Barkerville dans la région du Caribou. Les chefs autochtones ont déclaré la guerre parce qu'ils craignaient les épidémies de variole qui étaient répandues de façon volontaire partout sur le « territoire indien » par les occupants colonialistes pour décimer les autochtones. C'est ainsi que le peuple tsilhqot'in a exercé son autorité souveraine : il a exécuté des bouchers du peuple et a déclaré la guerre à tout envahisseur cherchant à l'exterminer au moyen de la variole.

À quel moment la souveraineté des Tsilhqot'in a-t-elle été usurpée ou niée ? Légalement, jamais. À quel moment une proclamation de la colonie britannique - qui avait été imposée illégalement à Fort Langley en 1858 par le commandant d'un poste de traite de la Baie d'Hudson qui était à la fois gouverneur autoproclamé, James Douglas - a-t-elle réussi à imposer l'autorité britannique sur un peuple souverain qui n'avait pas cédé son autorité nationale sur lui-même ni sur ses territoires, que ce soit en vertu d'un quelconque traité ou parce qu'il avait perdu la guerre ? À vrai dire, jamais.

En 1864, après que la nation tsilhqot'in ait déclaré la guerre et tué un certain nombre d'inspecteurs envahisseurs, la perfide Albion (le nom qu'on donnait à l'Angleterre colonialiste) avait invité les chefs de guerre à un pourparler de paix à Quesnel. Lorsque les chefs sont arrivés, ils ont été arrêtés, soumis à un tribunal bidon présidé par un juge intraitable, Matthew Baillie Begbie, pour ensuite être pendus. Begbie était un avocat britannique nommé juge en chef de la nouvelle colonie de la Colombie-Britannique qui avait elle-même été proclamée en violation de la loi coloniale britannique par le gouverneur James Douglas à Fort Langley en novembre 1858. Même aujourd'hui ce Begbie est célébré comme étant le « premier citoyen de la Colombie-Britannique » et un « ami des Indiens ». Cinq des six chefs de guerre ont été pendus devant 250 personnes, la plupart des Autochtones, sur le site du cimetière des Autochtones.

L'histoire des chefs de guerre, de leur résistance héroïque et des agissements perfides et illégaux des envahisseurs colonialistes a été transmise de génération en génération par le peuple tsilhqot'in. Comme le chef Alphonse l'a précisé lors de la conférence de presse du 26 juin, on ne peut « pardonner » ces chefs puisqu'ils n'ont rien fait de mal. Ils ne peuvent qu'être exonérés, ce que la cause devant la Cour suprême du Canada a réussi à faire puisque celle-ci reconnaît indirectement que la résistance face à des « étrangers » est un facteur permettant de reconnaître les titres ancestraux des Tsilhqot'in. L'acte de résistance des chefs de guerre était l'acte d'un peuple souverain défendant la loi de sa nation ainsi que son territoire national et déclarant la guerre contre un envahisseur. Lorsqu'on a placé la corde au cou du dernier chef, celui-ci a déclaré : « Il s'agissait d'un acte de guerre et non de meurtres. » Une déclaration de guerre, l'exécution de criminels, voilà l'agissement d'un peuple souverain. À quel moment cette souveraineté a-t-elle été retirée ? Jamais.

Logiquement, pourquoi la reconnaissance des titres ancestraux des Tsilhqot'in par la Cour suprême du Canada ne mène-t-elle pas à la reconnaissance de la souveraineté ininterrompue du peuple tsilhqot'in sur son propre territoire ? Pourquoi ce peuple souverain n'aurait-il pas le droit d'établir des arrangements avec le gouvernement du Canada en vertu de relations de nation à nation ? N'est-ce pas la relation qui s'impose aujourd'hui ?

S'il est vrai que cette décision de la Cour suprême du Canada représente une victoire pour les peuples autochtones, surtout pour la nation tsilhqot'in, il demeure que de nouveaux arrangements s'imposent afin de se débarrasser une fois pour toutes de la relation raciste et coloniale qui existe présentement entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement canadien, d'une part, et les nations autochtones, les « premiers habitants et colons » de la Colombie-Britannique et du reste du Canada. Une nouvelle constitution permettrait de déraciner tous les vestiges du colonialisme, de l'eurocentrisme et des arrangements de pouvoir hiérarchiques et de reconnaître pleinement la souveraineté des peuples autochtones. Une telle constitution confirmerait aussi les droits souverains de la nation québécoise à l'autodétermination y compris la sécession si telle est sa volonté. Le fait de garantir les droits souverains des nations au sein du Canada et d'enchâsser les droits et les devoirs de tous permettrait aux peuples ainsi habilités de créer les conditions permettant d'éliminer toutes formes de colonialisme, de racisme et d'oppression nationale au pays.

Le moindre qu'on puisse dire est que la décision historique du 26 juin, tel que reconnue par les chefs tsilhqot'in, le grand chef Stewart Phillip et les autres dirigeants autochtones, est attribuable à la résistance et à la persévérance de nombreuses générations issues de la nation tsilhqot'in, au vaste appui des peuples et des organisations autochtones et non autochtones partout au Canada, et aux argumentations persuasives des avocats devant la Cour suprême du Canada. Mais avant tout cette victoire est le reflet de la résistance autochtone accrue partout au pays et de l'appui accru de nombreux Canadiens visant à mettre un terme au colonialisme canadien et à bloquer les gouvernements réactionnaires des conservateurs de Harper à Ottawa et des libéraux de Clark en Colombie-Britannique, lesquels cherchent uniquement à servir les intérêts monopolistes privés en violation des droits des peuples autochtones et non autochtones partout en Colombie-Britannique et dans le reste du Canada.

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À titre d'information

Décision importante dans une cause liée
aux revendications territoriales:
la nation tsilhqot'in c. la Colombie-Britannique

Le 26 juin, dans la cause opposant la nation tsilhqot'in à la Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada a statué: « Arrêt: Le pourvoi est accueilli et la Cour reconnaît l'existence du titre ancestral sur le territoire que vise la revendication. La Cour déclare également que la Colombie-Britannique a manqué à son obligation de consultation envers la nation tsilhqot'in. »[1]

Les motifs du jugement ont été rédigés par la juge en chef McLachlin, et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner concordant. La décision unanime a annulé une décision de 2012 de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rejetant la décision de 2007 du feu juge Vickers, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La cause Vickers, représentant 335 jours d'audience sur une période de cinq ans, a conclu que les 1750 kilomètres carrés de territoire revendiqués par les Tsilhqot'in satisfont les exigences en tant que titre aborigène, mais ne confèrent pas le titre en raison de certaines fautes d'ordre procédural lors des plaidoiries. Le gouvernement provincial a ensuite retiré les plaintes de nature procédurale et McLachlin a souligné que les plaidoiries dans ces cas de revendications territoriales doivent être flexibles. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a, selon McLachlin, commis une erreur de droit en limitant le titre à des parcelles de terre dispersées comme des « timbre-postes » où les villages ont existé.

Leur point de vue que « seules la présence régulière sur des parcelles spécifiques ou leur occupation intensive étaient suffisantes ... ne trouve pas d'appui dans la jurisprudence ». McLachlin a confirmé la conclusion de Vickers, la tenue d'une interprétation plus large de l'occupation des terres, y compris les terres occupées traditionnellement par un peuple pour la chasse, la pêche, l'agriculture, la cueillette, etc. « La plupart des critiques de la province à l'égard des conclusions de fait du juge de première instance reposent sur la thèse erronée voulant que le titre ancestral s'attache uniquement à des secteurs spécifiques occupés intensivement. » [2]

La décision de la juge McLachlin souligne que dans chacune des revendications territoriales des peuples autochtones, la tâche principale de la nation est de démontrer qu'il y a occupation dont l'utilisation régulière et exclusive de la terre grâce à des preuves produites devant les tribunaux. En outre, une fois que le titre est établi, comme dans la présente cause tsilhqot'in, la Loi constitutionnelle de 1982 permet au gouvernement une incursion sur ces terres seulement si elle « est justifiée par un objectif public réel et impérieux et si elle est compatible avec l'obligation fiduciaire de la Couronne envers le groupe autochtone; lorsqu'il s'agit de déterminer la validité d'une atteinte causée par l'application des lois provinciales aux terres visées par un titre ancestral, ce cadre d'analyse écarte la doctrine de l'exclusivité des compétences. »[3]

Élaborant ce point, elle ajoute:« Le gouvernement doit donc agir d'une manière qui respecte le fait que le titre ancestral est un droit collectif inhérent aux générations actuelles et futures et que l'obligation fiduciaire de la Couronne insuffle une obligation de proportionnalité dans le processus de justification : l'atteinte doit être nécessaire pour atteindre l'objectif gouvernemental (lien rationnel), le gouvernement ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (atteinte minimale) et les effets préjudiciables sur l'intérêt autochtone ne doivent pas l'emporter sur les avantages qui devraient découler de cet objectif (proportionnalité de l'incidence). Les allégations d'atteinte aux droits ou de manquement à l'obligation de consulter adéquatement le groupe peuvent être évitées par l'obtention du consentement du groupe autochtone en question. Ce cadre d'analyse relatif à l'art. 35 permet une conciliation rationnelle des droits ancestraux et des intérêts de tous les Canadiens. » [4]

Une des considérations juridiques essentielles dans cette affaire est de savoir si les lois provinciales, dans ce cas particulier, la Loi sur les forêts, l'emporterait sur les titres autochtones. McLachlin fait valoir que la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux à nier les titres aborigènes sur leurs forêts parce que les deux gouvernements conviennent de l'autorité provinciale n'est pas acceptable. La cause souligne à la fois que les Tsilhqot'in ont pleinement le droit de jouir des fruits de leurs terres, et que, en tout cas, le gouvernement provincial n'a pas consulté la nation tslihqot'in dans l'attribution des forêts sur leurs terres à une société forestière privée.


Le chef tsilhqot'in Lhatsassin

Ce qui est nouveau et historiquement important dans cette décision unanime de la Cour suprême du Canada est le fait qu'elle énonce clairement que sur un territoire important de terres contiguës dont il a été prouvé qu'il a été historiquement occupé par un peuple autochtone est suffisant pour lui reconnaître une appartenance de ces terres, en particulier par les nations qui n'ont pas conclu par le passé de traité avec le Canada. C'est précisément le refus des gouvernements provincial et fédéral à reconnaître les titres fonciers des peuples autochtones en Colombie-Britannique, qui n'ont jamais cédé leur territoire par traité ou par la guerre qui a conduit à plus de 20 ans de futiles « conclusions de traités », a coûté des millions de dollars et a résulté en la conclusion de seulement deux ou trois traités sur des centaines de revendications non réglées. Sans aucun doute la jurisprudence de l'État canadien à reconnaître la propriété des 1750 km carrés de terres de la nation tsilhqot'in prête plus de poids à la lutte des peuples autochtones en Colombie-Britannique pour faire valoir leur titre à leurs territoires non cédés. Le cas fournit également une assistance à d'autres nations au Canada dans leur lutte pour leurs territoires originellement signés en traité, mais depuis violés par le gouvernement et les autorités privées comme c'est le cas de la parcelle de territoire à Haldimand détenue par les Six Nations, et d'autres.

Pour voir la décision dans son intégralité, cliquez ici.

Notes

1. http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/14246/index.do
2. Ibid.
3. Ibid.
4. Ibid.

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