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Honduras
Ce qu'il faut demander aux États-Unis
- Fidel Castro, 16 juillet 2009 -
La réunion tenue au Costa Rica ne conduisait et
ne pouvait pas conduire à la paix. Le peuple du Honduras n'est
pas en guerre, seuls les putschistes utilisent les armes contre lui.
C'est à eux qu'on devrait demander de mettre fin à leur
guerre contre le peuple. Une réunion de ce genre entre Zelaya et
les putschistes ne servirait qu'à démoraliser le
président constitutionnel et à épuiser les
énergies du peuple hondurien.
L'opinion publique mondiale est au courant de ce qui
s'est passé dans ce pays à travers les images
diffusées par la télévision internationale,
notamment à travers Telesur qui, sans perdre une minute, a
fidèlement transmis chaque événement survenu au
Honduras, les discours prononcés et les accords unanimes des
organismes internationaux
condamnant le coup d'État.
Le monde entier a pu apprécier les coups
assenés aux hommes et femmes, les milliers de gaz
lacrymogènes lancés contre la multitude, les gestes
grossiers faits avec des armes de guerre et les coups de feu
tirés pour intimider, blesser ou assassiner les
citoyens.
L'idée selon laquelle l'ambassadeur des
États-Unis à Tegucigalpa, Hugo Llorens, ignorait ou a
découragé le coup est absolument fausse. Il en
était au courant, de même que les conseillers militaires
étasuniens qui n'ont pas cessé une minute
d'entraîner les troupes honduriennes.
Nous savons aujourd'hui que l'idée de promouvoir
la gestion de paix depuis le Costa Rica est née dans les bureaux
du département d'État dans le but de contribuer à
la consolidation du coup militaire.
Le putsch a été conçu et
organisé par des personnages sans scrupules de l'extrême
droite, des fonctionnaires de confiance de George W. Bush qui avaient
été promus par lui.
Tous, sans exception, possèdent un gros dossier
d'activités contre Cuba. Hugo Llorens, ambassadeur au Honduras
depuis la mi-2008, est Cubano-américain. Il fait partie du
groupe d'ambassadeurs agressifs des États-Unis en
Amérique centrale formé de Robert Blau, ambassadeur
à El Salvador, Stephen McFarland au Guatemala et Robert
Callahan au Nicaragua. Ils ont été tous nommés par
Bush en juillet et août 2008.
Ils suivent tous les quatre la ligne d'Otto Reich et de
John Negroponte, responsables, conjointement avec Oliver North, de la
sale guerre contre le Nicaragua et des escadrons de la mort en
Amérique centrale qui ont coûté la vie à des
dizaines
de milliers d'habitants des peuples de la région.
Negroponte a été représentant de
Bush auprès des Nations Unies, tzar des services de
renseignement étasuniens et finalement sous-secrétaire
d'État. Lui, aussi bien que Otto Reich, par des voies diverses,
ont été derrière le coup au Honduras.
La base de Soto Cano dans ce pays, siège de la
Force opérationnelle mixte Bravo, rattachée aux forces
armées des États-Unis, constitue le point d'appui
principal du coup d'État au Honduras.
Les États-Unis envisagent le plan
ténébreux de créer cinq nouvelles bases militaires
autour du Venezuela, sous prétexte de remplacer celle de Manta
en Équateur.
La situation incontestablement compliquée
créée en Amérique centrale par l'aventure absurde
du coup d'État au Honduras ne peut être résolue
sur la base de pièges, tromperies et mensonges.
De nouveaux détails concernant l'implication des
États-Unis dans cette action, qui aura des retombées
sérieuses dans l'Amérique latine dans son ensemble, sont
dévoilés chaque jour.
L'idée d'une initiative de paix à partir
du Costa Rica a été transmise au président de ce
pays depuis le département d'État, alors qu'Obama, en
visite à Moscou, déclarait, dans une université
russe, que le seul président du Honduras était Manuel
Zelaya.
Les putschistes étaient en difficultés.
L'initiative transmise au Costa Rica avait pour but de les sauver. Il
est évident que chaque jour de retard est lourd de
conséquences pour le président constitutionnel et tend
à diluer l'extraordinaire soutien international dont il a
bénéficié. La manoeuvre yankee n'élargit
pas les possibilités de paix ; bien
au contraire, elle les réduit et le danger de violence augmente
car les peuples de notre Amérique ne se résigneront
jamais à la destinée qu'on leur a réservée.
La réunion du Costa Rica remet en question
l'autorité de l'ONU, de l'OEA et des autres institutions qui se
sont engagés à soutenir le peuple hondurien.
Lorsque que Micheletti, président de facto, a
proclamé hier qu'il était prêt à renoncer
à son poste si Zelaya démissionnait, il savait
déjà que le département d'État et les
militaires putschistes avaient décidé de le remplacer et
de l'envoyer encore une fois au Congrès dans le cadre de la
manoeuvre.
La seule chose honnête à l'heure actuelle
est de demander au gouvernement des États-Unis de mettre fin
à son intervention, de cesser d'apporter son soutien militaire
aux putschistes et de retirer sa force opérationnelle du
Honduras.
Au nom de la paix, on prétend exiger du peuple du
Honduras de renier tous les principes pour lesquels ont combattu toutes
les nations de cet hémisphère.
Juárez a dit : « Le respect au
droit d'autrui est la paix ».
Fidel Castro Ruz
Le 16 juillet 2009
13 h 12
La mort du coup d'État ou la mort des
constitutions
- Fidel Castro, 10 juillet 2009 -
Les pays de l'Amérique latine luttaient contre la
pire des crises économiques de l'histoire dans le cadre d'un
ordre institutionnel relatif.
Tandis que le président des États-Unis,
Barack Obama, en visite à Moscou pour aborder des sujets
cruciaux en matière d'armes nucléaires, déclarait
que le seul président constitutionnel du Honduras était
Manuel Zelaya, l'extrême droite et les faucons se livraient
à Washington à des manoeuvres dans le but de le faire
négocier un pardon
humiliant pour les actes illégaux qui lui sont
attribués par les putschistes.
Il était évident que cet acte
équivaudrait auprès de son peuple et du monde à sa
disparition de la scène politique.
Nul ne doute que lorsque Zelaya a annoncé sa
rentrée le 5 juillet il était décidé
à honorer sa promesse de partager avec son peuple la brutale
répression putschiste.
Le président hondurien était
accompagné de Miguel d'Escoto, président pro tempore de
l'Assemblée générale des Nations Unies, de
Patricia Rodas, ministre hondurienne des Relations extérieures,
et d'un journaliste de la chaîne Telesur, entre autres, soit au
total neuf personnes. Zelaya a maintenu sa décision d'atterrir.
Je sais qu'en plein vol,
alors qu'il s'approchait de Tegucigalpa, on l'a mis au courant des
images transmises par Telesur, au moment où la foule
énorme qui l'attendait à l'extérieur de
l'aéroport était attaquée par les militaires
à l'aide de gaz lacrymogènes et de fusils automatiques.
Sa réaction immédiate a été
de demander de prendre de la hauteur afin de dénoncer les faits
à travers Telesur et d'exiger aux chefs de la troupe de mettre
fin à la répression. Il les informa par la suite qu'il
allait atterrir. Le haut commandement ordonna alors d'obstruer la
piste. Ce qu'ont fait, en quelques secondes, les véhicules de
transport
motorisés.
Le Jet Falcon survola trois fois, à faible
hauteur, l'aéroport. D'après les experts, le moment le
plus tendu et dangereux pour les pilotes de petits avions rapides,
comme celui où voyageait le président, c'est quand ils
réduisent la vitesse pour toucher la piste. C'est pour tout cela
que je considère
cette tentative de rentrer au Honduras comme un geste brave et
audacieux.
S'ils voulaient le juger pour soi-disant
délits constitutionnels, pourquoi l'ont-ils interdit
d'atterrir ?
Zelaya sait que la Constitution du Honduras ainsi que le
droit des peuples d'Amérique latine d'élire leurs
gouvernants étaient en jeu.
Le Honduras est aujourd'hui non pas seulement un pays
occupé par les putschistes mais aussi un pays occupé par
les forces armées des États-Unis.
La base militaire de Soto Cano, connue aussi sous le nom
de Palmerola, située à moins de 100 kilomètres de
Tegucigalpa, fut réactivée en 1981 sous l'administration
de Ronald Reagan. Elle fut utilisée par le général
Oliver North alors qu'il dirigeait la sale guerre contre le
Nicaragua ; le gouvernement des États-Unis a mené
depuis
cette base
les attaques contre les révolutionnaires salvadoriens et
guatémaltèques au prix de dizaines de milliers de vies.
C'est là qu'est stationnée la Force
opérationnelle mixte Bravo des États-Unis, formée
d'éléments des trois armées et occupant 85 pour
100 de la surface de la base. Eva Golinger fait connaître son
rôle dans un article publié sur le site numérique
Rébellion le 2 juillet 2009, intitulé Base militaire US
au centre du coup d'État perpétré au Honduras.
Elle y explique que « la Constitution du Honduras n'admet
pas légalement la présence militaire
étrangère dans le pays. Un accord
« verbale » entre Washington et le Honduras y
autorise l'importante et stratégique présence des
centaines de militaires états-uniens, en vertu de cet accord
« semi permanent ». Il a été
conclu en 1954 dans le cadre de l'aide militaire offerte par les
États-Unis au Honduras... le troisième pays le plus
pauvre de l'hémisphère ». Et d'ajouter :
« ... l'accord qui justifie la présence militaire des
États-Unis dans ce pays centre-américain peut être
annulé sans avis préalable. »
Soto Cano est d'ailleurs le siège de
l'Académie d'aviation du Honduras. Une partie des membres de la
force opérationnelle militaire états-unienne est
formée de soldats honduriens.
Quel est l'objectif de la base militaire, des avions,
des hélicoptères et de la force opérationnelle des
États-Unis au Honduras ? Il ne fait aucun doute qu'elle
sert exclusivement à être utilisée en
Amérique centrale. La lutte contre le trafic de
stupéfiants n'exige pas de telles armes.
Si le président Manuel Zelaya n'est pas
restitué dans son poste, une vague de coups d'État menace
de balayer un bon nombre de gouvernements d'Amérique latine ou
alors ceux-ci resteront à la merci des militaires de
l'extrême droite, formés dans la doctrine de
sécurité de l'École des Amériques, experte
en tortures, guerre psychologique et
terreur. L'autorité de nombre de gouvernements civils
d'Amérique centrale et du Sud serait minée. Les temps
ténébreux de jadis ne sont pas très loin. Les
militaires putschistes ne feraient même pas attention à
l'administration civile des États-Unis. Cela pourrait
s'avérer très négatif pour un président
qui, comme Barack Obama, veut améliorer
l'image de ce pays. Le Pentagone obéit formellement au pouvoir
civil. Les légions, à l'instar de ce qui s'est
passé à Rome, n'ont pas encore pris les rênes de
l'empire.
Il ne serait pas compréhensible que Zelaya
accepte maintenant des manoeuvres dilatoires qui ne feraient
qu'épuiser les considérables forces sociales qui le
soutiennent et qui ne conduisent qu'à une usure
irréparable.
Le président illégalement renversé
ne cherche pas le pouvoir. Il défend un principe et comme l'a
dit Martí : « Un principe juste depuis le fond
d'une caverne est plus puissant qu'une armée ».
Fidel Castro Ruz
Le 10 juillet 2009
18 h 15
Washington et le coup d'État
au Honduras: Voici la preuve
- Eva Golinger, 15 juillet 2009 -
- Le département d'État avait connaissance
du coup a priori.
- Le département d'État et le
Congrès des États-Unis ont financé et
conseillé les acteurs et les organisations au Honduras qui ont
participé au coup.
- Le Pentagone a formé, éduqué,
commandé, financé et armé les militaires
honduriens qui ont exécuté le coup d'État et qui
continuent de réprimer le peuple par la force.
- La présence de l'armée américaine
au Honduras, qui occupe la base militaire de Soto Cano (Palmerola), a
autorisé le coup d'État par sa complicité tacite
et son refus de retirer son appui aux militaires honduriens
impliqués dans le coup.
- L'ambassadeur des États-Unis à
Tegucigalpa, Hugo Llorens, a coordonné l'expulsion du
président Manuel Zelaya, de concert avec le secrétaire
d'État adjoint Thomas Shannon et John Negroponte, qui est
présentement conseiller à la secrétaire
d'État Hillary Clinton.
- Depuis le premier jour du coup d'État,
Washington parle de « deux partis » et du besoin
de « dialoguer » pour rétablir l'ordre
constitutionnel, ce qui donne de la légitimité aux chefs
du coup en les considérant comme des joueurs égaux au
lieu de criminels qui ont violé les droits humains et les
principes
démocratiques.
- Le département d'État a refusé de
considérer légalement les événements au
Honduras comme un « coup d'État », il n'a
pas suspendu ou gelé l'aide économique et le commerce
avec le Honduras et n'a pris aucune mesure pratique pour exercer des
pressions sur le régime de facto.
- Washington a manipulé l'Organisation des
États américains (OÉA) pour gagner du temps,
permettant ainsi au régime du coup d'État de se
consolider et d'affaiblir la possibilité d'un retour
immédiat au pouvoir du président Zelaya, suivant en cela
une stratégie toujours en vigueur qui vise à
légitimer le régime de facto et à épuiser
la résistance
du peuple hondurien.
- La secrétaire d'État Clinton et ses
porte-parole ont cessé de parler du retour au pouvoir du
président Zelaya après avoir désigné le
président costaricain Oscar Arias comme
« médiateur » entre le régime du
coup et le gouvernement constitutionnel ; et maintenant le
département d'État décrit Roberto Micheletti, le
dictateur
qui s'est emparé du pouvoir durant le coup, comme étant
le président intérimaire (« interim caretaker
president »).
- La stratégie de
« négociation » avec le régime du
coup d'État a été imposée par
l'administration Obama comme façon de discréditer le
président Zelaya (comme s'il avait provoqué le coup) et
de légitimer les chefs du coup d'État
- Des congressistes américains (démocrates
et républicains) ont organisé une visite de
représentants du régime du coup à Washington,
l'accueillant avec les honneurs dans une autre arène de la
capitale étasunienne.
- En dépit du fait qu'à l'origine c'est le
sénateur républicain John McCain qui a coordonné
la visite des représentants du régime du coup à
Washington, par l'entremise d'une firme de lobbying liée
à son bureau, le groupe Cormac, le régime illégal
est maintenant représenté par Lanny Davis, le lobbyiste
de renom et avocat de Clinton, qui se sert
de son poids et de son influence à Washington pour faire
accepter le régime du coup d'État par les congressistes
sans considération partisane.
- Otto Reich et un Vénézuélien
nommé Robert Carmona-Borjas, qui a joué le rôle de
procureur du dictateur Pedro Carmona durant le coup d'État
d'avril 2002 au Venezuela, ont aidé à préparer le
terrain pour le coup d'État contre le président Zelaya au
Honduras.
- L'équipe rassemblée par Washington pour
planifier et aider à préparer le coup au Honduras
comprend également un groupe d'ambassadeurs américains
récemment assignés à l'Amérique centrale,
des experts qui ont fait leurs armes dans les efforts de
déstabilisation contre la révolution cubaine, et Adolfo
Franco, ex-administrateur du
programme de « transition vers la
démocratie » de l'agence USAID contre Cuba.
Personne ne doute que les empreintes de Washington sont
partout dans le coup d'État contre le président Manuel
Zelaya qui a commencé le 28 juin dernier. Beaucoup d'analystes,
activistes, journalistes et même présidents l'ont
relevé. Mais la majorité ont en commun le désir de
blanchir l'administration Obama de toute responsabilité dans le
coup d'État et de blâmer plutôt les vestiges de
l'administration Bush-Cheney et les faucons de la guerre qui continuent
de longer les couloirs de la Maison Blanche. Il peut être
démontré que si d'une part il est certain que les
suspects habituels, qui planifient et exécutent habituellement
les coups d'État et les activités
déstabilisatrices en Amérique
latine, sont dans le coup, il y a aussi amplement de preuves confirmant
que la nouvelle administration à Washington a joué un
rôle direct dans le coup d'État au Honduras.
Le département d'État
La nouvelle forme de diplomatie des États-Unis,
connue sous l'appellation « smart power »
(« pouvoir intelligent »), a joué un
important rôle avant, durant et après le coup
d'État au Honduras. Lors d'un point de presse le 1er juillet,
les porte-parole du département d'État ont admis
qu'ils avaient une connaissance a priori du coup d'État
lorsqu'ils ont dit que des diplomates américains avaient
rencontré les groupes et les acteurs qui ont planifié le
coup pour les encourager à opter pour une autre
« solution » à leur mécontentement
envers le président Zelaya. Le département d'État
a également confirmé que deux
hauts représentants du département, dont le
secrétaire adjoint aux Affaires de l'hémisphère
occidental Thomas Shannon et le secrétaire d'État adjoint
Craig Kelley, étaient au Honduras une semaine avant le coup et
qu'ils ont rencontré des groupes civils et militaires qui ont
plus tard participé au renversement illégal du
président démocratiquement
élu. Ils affirment que leur mission était de
« déconseiller » le coup
(« urge against »), mais que, de toute
évidence, la pression verbale n'a pas suffi à dissuader
les acteurs du coup, surtout quand on sait que les actions
manifestées par Washington ont contredit cette pression verbale.
Le jour du coup, la secrétaire d'État
Hillary Clinton a publié une déclaration sur la situation
au Honduras. Si les gouvernements partout dans le monde ont vite
déclaré qu'il s'agissait d'un coup d'État, Mme
Clinton ne considérait pas ces événements comme un
« coup d'État » et n'a pas demandé
le retour au pouvoir du président
Zelaya. Ce qui est remarquable, c'est que dès le début
les déclarations de Mme Clinton ont fait référence
à « tous les partis concernés »,
prêtant ainsi de la légitimité aux chefs du coup
d'État et rejetant en quelque sorte, publiquement, le
blâme sur le président Mel Zelaya, qui aurait
provoqué la situation : « Le geste contre
le président hondurien Mel Zelaya viole les préceptes de
la Charte démocratique interaméricaine et doit
par conséquent être condamné par tous. Nous faisons
appel à tous les partis au Honduras à respecter l'ordre
constitutionnel et la primauté du droit, à
réaffirmer leur vocation démocratique et à
s'engager à résoudre les conflits
politiques pacifiquement et par le dialogue. Le Honduras doit
épouser les principes de la démocratie que nous avons
réaffirmés au sommet de l'OÉA dont il a
été l'hôte il y a moins d'un mois. »
Et depuis, bien qu'il ait parlé à
plusieurs reprises d'un « coup », le
département d'État a refusé de préciser que
ce qui s'était produit était en effet un coup
d'État. S'il le faisait, il serait obligé de suspendre
l'aide économique, diplomatique et militaire au Honduras, ce
qu'il n'est semble-t-il pas prêt à faire, puisque cela
affecterait de
façon considérable les intérêts
américains dans ce pays et dans Amérique centrale en
général. Le 1er juillet, des porte-parole du
département d'État ont expliqué leur
hésitation concernant la désignation des
événements : « En ce qui concerne le coup
comme tel, je crois qu'il serait préférable de dire que
c'était un effort coordonné entre
militaires et quelques acteurs politiques civils. L'armée est
évidemment l'entité qui a exécuté le
retrait forcé du président et qui a agi comme
défenseur de l'ordre public durant ce processus. Mais pour que
le coup devienne plus qu'un insurrection ou une rébellion, il
doit y avoir un effort de transfert de pouvoir. Et à cet
égard, le congrès, la décision
du congrès d'assermenter son président, Micheletti, comme
président du Honduras indique que le congrès et des
membres clés du congrès ont joué un important
rôle dans ce coup. »
Cette ambiguïté, qui consiste à
qualifier les événements du Honduras de violation de
l'ordre constitutionnel mais sans aller jusqu'à les
désigner comme un coup d'État et sans appeler au
rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions, a
été réitérée après la
rencontre entre la secrétaire d'État Clinton et le
président Zelaya le 7 juillet. Mme
Clinton a fait la déclaration suivante : « Je
viens de conclure une rencontre fructueuse avec le président
Zelaya. Nous avons parlé des événements des neuf
derniers jours et de ce qui va se produire. Je lui ai
répété que les États-Unis sont en faveur du
rétablissement de l'ordre constitutionnel au Honduras. Nous
continuons de soutenir les
efforts régionaux par l'entremise de l'OÉA pour un
règlement pacifique qui correspond aux dispositions de la Charte
démocratique interaméricaine. Nous faisons appel
à tous les partis à renoncer aux actes de violence et
à rechercher une solution pacifique, constitutionnelle et
durable aux graves divisions au Honduras par le dialogue. À
cette fin, nous collaborons avec plusieurs de nos partenaires dans
l'hémisphère pour créer une négociation, un
dialogue qui puisse mener à une résolution
pacifique. »
Il était clair, après cette rencontre, que
Washington ne considérerait plus le retour de Zelaya à la
présidence comme une solution nécessaire et qu'il ferait
plutôt pression en faveur d'une
« négociation » avec le régime du
coup, ce qui à la fin favorise les intérêts
américains. Selon des sources présentes aux
réunions de l'OÉA qui ont
eu lieu après le coup d'État, la présence d'une
délégation américaine de haut rang a accru les
pressions sur les autres États en faveur d'une solution
« négociée » qui ne comprend pas
nécessairement le retour au pouvoir du président Zelaya.
Cette méthode qui consiste à contourner
l'enjeu principal, à manipuler la situation pour obtenir un
résultat précis et à donner l'impression qu'on
défend une certaine position alors que les actions
démontrent le contraire, fait partie de la nouvelle doctrine
Obama, le « smart power », qui se propose
d'atteindre les objectifs
impérialistes sans démoniser le gouvernement. Le
« smart power » est « la
capacité de combiner le "pouvoir dur" et "le pouvoir mou" ("hard
power with soft power") pour donner une stratégie victorieuse.
Stratégiquement, le "smart power" utilise la diplomatie, la
persuasion, le renforcement de la capacité, le pouvoir militaire
et
l'influence économique et politique en les concertant de
manière efficace à une légitimité
économique et politique. » Il s'agit essentiellement
d'associer la force militaire à toute forme de diplomatie, en
mettant l'accent sur la « promotion de la
démocratie » comme tactique principale pour influer
sur la destinée des sociétés, par
opposition à l'invasion militaire. [Note : Le
« smart power » met l'accent sur l'utilisation
d'agences comme USAID et le National Endowment for Democracy (NED) pour
faire le « sale travail » de
pénétrer et d'infiltrer silencieusement les organisations
de la société civile pour faire la promotion des
politiques des
États-Unis. Cela explique pourquoi Obama a demandé 320
millions $ de plus pour un fonds de « promotion de la
démocratie » dans le budget 2010 uniquement pour
l'Amérique latine. Il s'agit d'une somme considérablement
plus élevée que celle demandée et utilisée
pour la « promotion de la démocratie » en
Amérique latine durant les huit années combinées
de l'administration Bush.]
L'ambassadeur
Le journaliste Jean-Guy Allard a
révélé les origines de l'ambassadeur actuel des
États-Unis au Honduras, Hugo Llorens. Selon lui, Llorens, qui
est né à Cuba et qui est arrivé aux
États-Unis dans le cadre de l'Opération Peter Pan, est
« un spécialiste du terrorisme ».
« La Maison Blanche de
George W. Bush va nommer le rusé Llorens en 2002 comme ni plus
ni moins que directeur des Affaires andines au Conseil national de
sécurité à Washington, ce qui fait de lui le
principal conseiller du président sur le Venezuela. Il se trouve
que le coup d'État en 2002 contre le président Hugo
Chavez s'est déroulé alors que Llorens était sous
l'autorité du sous-secrétaire d'État aux Affaires
de l'hémisphère, Otto Reich, et du très
controversé Elliot Abrams. » En juillet 2008, Llorens
a été nommé ambassadeur au Honduras.
Le 4 juin 2009, quelques semaines à peine avant
le coup d'État contre le président Zelaya, l'ambassadeur
Llorens a déclaré à la presse hondurienne :
« On ne peut pas enfreindre la constitution pour
créer une autre constitution, parce que si l'on ne respecte pas
la constitution, nous vivons tous sous la loi de la
jungle. » Ces
déclarations ont été faites en
référence au sondage d'opinion national sur la
possibilité de convoquer une assemblée constitutionnelle
en 2010, plébiscite qui devait avoir lieu le 28 juin s'il n'y
avait pas eu un coup d'État contre le président Zelaya.
Les commentaires de Llorens démontrent non seulement son
opposition au sondage, mais aussi son
ingérence dans les affaires intérieures du Honduras.
Mais Llorens n'était pas seul dans la
région. Après sa nomination au poste d'ambassadeur des
États-Unis au Honduras (position qui lui a été
assignée à cause de l'urgence de neutraliser la
présence grandissante de gouvernements de gauche dans la
région et de freiner la croissance potentielle de l'ALBA),
plusieurs autres ambassadeurs
américains ont été nommés dans des pays
voisins, tous des experts dans les techniques de déstabilisation
contre la révolution cubaine et de la guerre psychologique.
Le diplomate Robert Blau est d'abord arrivé
à l'ambassade des États-Unis au Salvador le 2 juillet
2008, comme second en chef. En janvier 2009, il est devenu
chargé d'affaires à l'ambassade. Avant son arrivée
au Salvador, Blau était directeur adjoint du département
d'État aux affaires cubaines à Washington, après
avoir passé deux années à
l'emploi de la Section des intérêts américains
à La Havane comme conseiller politique. Il a eu tellement de
succès auprès des dissidents cubains qu'il s'est vu
décerner le prix d'excellence James Clement du
département d'État. Llorens et Blau sont de vieux amis,
ayant travaillé ensemble au sein de l'équipe d'Otto Reich
au département d'État.
Peu après, le 5 août 2008, Stephen
McFarland a été nommé ambassadeur des
États-Unis au Guatemala. McFarland, un diplômé du
National War College aux États-Unis, comme Hugo Llorens et
Robert Blau, et ancien membre du Combat Team Number 2 de la marine
américaine en Irak, était le deuxième responsable
à l'ambassade des États-
Unis au Venezuela durant le mandat de William Brownfield. Brownfield
est connu pour avoir obtenu une augmentation considérable du
financement et de l'appui stratégique du département
d'État pour l'opposition au Venezuela. Après le
Venezuela, McFarland a été envoyé à
l'ambassade américaine au Paraguay pour superviser la
construction de
la grande base militaire des États-Unis dans ce pays qui est
voisin de la Bolivie. Il a également été directeur
des Affaires cubaines au département d'État et dans son curriculum
vitae il affirme être un expert en matière de
« transitions démocratiques, droits humains et
sécurité ».
L'ambassadeur Robert Callahan est également
arrivé à Managua, au Nicaragua, au début
d'août 2008. Il a été attaché à des
ambassades américaines à La Paz, en Bolivie, et à
San José, au Costa Rica, et il a été professeur
émérite au National War College. En 2004, il a
été envoyé en Irak comme attaché de presse
de l'ambassade américaine à
Bagdad. À son retour, il a établi le bureau de presse et
de propagande au niveau Directorate of National Intelligence (DNI)
à Washington, qui est aujourd'hui le bureau qui a le plus de
pouvoir dans la communauté du renseignement aux
États-Unis.
Ensemble, ces ambassadeurs, experts en coûts
d'État, déstabilisation et propagande, ont
préparé le terrain pour le coup d'État contre le
président Zelaya au Honduras.
Le financement des chefs du coup d'État
Un mois seulement avant le coup d'État contre le
président Zelaya, une coalition de différentes
organisations, associations d'affaires, partis politiques,
haut-placés de l'Église catholique et médias
privés a été formée en opposition aux
politiques de Zelaya. La coalition a été nommée
l'« Union civile démocratique du
Honduras ». Son seul objectif était d'écarter
le président Zelaya du pouvoir pour faire obstacle à la
possibilité future d'une convention constitutionnelle de
réforme de la Constitution, qui permettrait à la
population d'avoir une voix et un rôle dans son processus
politique.
L'« Union civile démocratique du
Honduras » est composée d'organisations incluant le
Conseil national contre la corruption, l'archevêque de
Tegucigalpa, le
Conseil hondurien de l'entreprise privée (COHEP), le Conseil de
l'université Deans, la Fédération des travailleurs
du Honduras (CTH), le Forum national de convergence, la
Fédération nationale du commerce et de l'industrie du
Honduras (FEDECAMARA), l'Association of Communication Media (AMC), le
Groupe paix et démocratie et le groupe étudiant
Génération pour le changement.
La majorité de ces organisations ont
bénéficié annuellement de plus de 50 million de
dollars déboursés par l'Agence des États-Unis pour
le développement international (USAID) et la Fondation nationale
pour la démocratie (NED) pour la promotion de la
démocratie au Honduras. En fait, le rapport du USAID concernant
son financement et son
travail avec COHEP décrit comment la discrétion
entretenue par USAID dans ce projet a permis d'assurer la
crédibilité de COHEP en tant qu'organisation hondurienne
et non comme un bras de USAID. En fait, cela signifie que COHEP est un
bras de USAID.
Les porte-parole de l'Union civile démocratique
du
Honduras représentant, selon eux, la
« société civile », ont
déclaré à la presse hondurienne le 23 juin — cinq
jours avant le coup d'État contre le président Zelaya —
qu'ils « avaient confiance que les forces armées se
conformeront à leur responsabilité de défendre la
Constitution,
le droit, la paix et la démocratie. » Lorsque le coup
a eu lieu le 28 juin, ils ont été les premiers à
déclarer immédiatement qu'un coup n'avait pas eu lieu,
mais plutôt que « la démocratie avait
été sauvée » des mains du
Président Zelaya, dont le crime a été de tenter de
donner une voix et une visibilité à la population.
Représentant
la haute bourgeoisie, l'Union civile démocratique du Honduras a
qualifié les supporteurs de Zelaya de
« hordes ».
L'International Republican Institute (IRI), une
entité qui reçoit des subventions de la NED, a
reçu plus de 1,2 million de dollars en 2009 pour travailler avec
des groupes politiques au Honduras. Le travail de l'IRI a
été consacré à appuyer les
« think tanks » et les « groupes de
pression » à influencer les partis
politiques et à « soutenir les initiatives visant
à mettre en oeuvre des positions politiques durant les campagnes
en 2009. » C'est un exemple clair de l'intervention dans la
politique interne du Honduras et la preuve que la NED et l'IRI ont
financé les groupes impliqués dans le coup.
Le lobby de Washington
Le sénateur républicain John McCain,
ex-candidat à présidence des États-Unis, a
aidé à
coordonner la visite d'une délégation du régime
putschiste à Washington la semaine dernière. McCain est
bien connu pour son opposition aux gouvernements du Venezuela, de
Bolivie et des autres pays de la région considérés
comme « anti-impérialistes ». McCain
maintient aussi des liens très étroits avec la
communauté exilée cubaine à Miami. McCain est
aussi le président du conseil d'administration de l'IRI qui a
financé les
participants au coup d'État au Honduras. McCain a offert les
services d'une firme de lobby de
Washington, liée à lui de très près, le
Groupe Cormac, qui a organisé une conférence de presse
pour la délégation du régime putschiste au Club de
la presse nationale le 7 juin. McCain a également
contribué à l'organisation de plusieurs réunions
du
Congrès avec les représentants traditionnels
cubano-américains ainsi que des personnes connues comme «
ennemis de Chávez », comme Connie Mack,
Ileana Ros-Lehtinen et Mel Martinez
Mais au-delà de la connexion républicaine
au coup d'État au Honduras, il y a un lien encore plus accablant
à l'actuelle administration démocrate à
Washington. L'avocat Lanny Davis avait été
embauché par le Conseil des entreprises de l'Amérique
latine (CEAL) pour faire pression en faveur du régime putschiste
et convaincre les pouvoirs à
Washington d'accepter et de reconnaître de facto le gouvernement
au Honduras.
Lanny Davis a été conseiller
spécial pour l'ex-président Bill Clinton à partir
de 1996-1998 et il est un ami intime et conseiller de la
secrétaire d'État Hillary Clinton. Davis est
l'organisateur d'une offensive diplomatique et de relations publiques
éclair en faveur du régime putschiste, y compris la
stratégie de placement de publicités dans des
médias américains qui cherchent à légitimer
de facto le gouvernement hondurien ; il organise aussi des
réunions et des auditions avec les membres du Congrès, le
Département d'État et la Maison Blanche.
Le CEAL représente la communauté
d'affaires conservatrice d'Amérique latine, incluant ceux qui
ont encouragé et participé à de
précédentes tentatives de renverser des gouvernements
démocratiques par des coups d'État et / ou d'autres
formes de sabotage. Par exemple, le représentant du CELA au
Venezuela est Marcel Granier, président de
RCTV, la station de télévision qui a participé
activement en 2002 au coup d'État contre le président
Chávez et qui a toujours violé la loi
vénézuélienne dans le but de promouvoir son
programme politique.
Dans le cadre de cette offensive, Lanny Davis a
organisé la tenue d'une audience spéciale devant la
Commission des relations extérieures de la Chambre, en
présence des membres haut placés du Congrès,
supervisée par Elliot Engel (un membre du Congrès de New
York). À l'audience, les témoignages ont
été faits par les représentants du
régime putschiste du Honduras et d'autres qui ont soutenu le
coup d'État - directement et indirectement - dont Michael
Shifter du Dialogue interaméricain, Guillermo
Pérez-Cadalso, ex-ministre des Affaires étrangères
du Honduras et juge de la Cour suprême, et le fameux Otto Reich,
un Cubano-Américain bien connu pour son rôle dans la
majorité
des activités de déstabilisation des gouvernements
progressistes et de gauche en Amérique latine tout au long des
années 80. Reich, qui a été nommé
conseiller spécial sur l'Amérique latine pour le
président George W. Bush, a également joué un
rôle clé dans le coup d'État de 2002 contre le
président Chávez. Depuis la tenue de cette audience, le
Congrès américain tente actuellement d'adopter une
résolution qui reconnaît le régime putschiste au
Honduras en tant que gouvernement légitime.
Une autre conséquence des activités de
lobby de Lanny Davis a été la réunion
organisée par le Conseil des Amériques au bureau de
Washington le 9 juin. Jim Swigert, directeur des programmes en
Amérique latine et aux Caraïbes pour l'Institut
démocratique national (NDI), l'entité qui reçoit
son financement de la NED et USAID, Cris Arcos,
ancien ambassadeur des États-Unis au Honduras, et Adolfo Franco,
ex-administrateur de l'USAID pour l'Amérique latine et les
Caraïbes et directeur du programme de « transition
à la démocratie » pour Cuba ont
participé à cet événement. Ces trois
personnages travaillent comme conseillers auprès de
l'administration Obama sur la crise
au Honduras. Franco, qui était auparavant conseiller sur la
politique étrangère pour John McCain au cours de sa
campagne présidentielle de 2008, a été
accusé de corruption pour sa mauvaise gestion des fonds du USAID
destinés au programme
« Démocratie » à Cuba. Franco a
détourné une grande quantité de ces fonds,
totalisant plus
de 40 millions de dollars, à des groupes tels que le
Comité pour une Cuba libre et l'Institut d'études
cubaines à Miami, sans suivre un processus transparent de
distribution des fonds.
Negroponte et Reich, une fois de plus
Plusieurs analystes et spécialistes de
l'Amérique latine ont spéculé sur le rôle
joué par l'ancien ambassadeur au Honduras John Negroponte qui a
dirigé les forces paramilitaires et les escadrons de la mort
connus sous le nom de « contras » contre des
mouvements de gauche en
Amérique centrale pendant les années 1980. Negroponte a
occupé plusieurs postes de haut niveau sous l'administration
Bush, dont ceux d'ambassadeur des États-Unis en Irak,
ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies, Directeur du
renseignement national, et finalement secrétaire d'État
adjoint, second seulement derrière Condoleeza Rice.
Après avoir quitté le département d'État en
janvier 2009, Negroponte a joint le secteur privé comme le font
souvent les anciens hauts personnages du gouvernement. On lui a offert
un emploi de vice-président du cabinet de conseil le plus
influent et le plus puissant de Washington, le McLarty Associates.
Negroponte a accepté l'offre. Le McLarty
Associates a été fondé par Thomas
« Mack » McLarty, l'ancien chef de cabinet du
président Bill Clinton et l'envoyé spécial de
Clinton en Amérique latine. Depuis la fin de l'administration
Clinton, McLarty a dirigé le cabinet de conseil le plus
puissant à Washington qui s'appelait jusqu'à
l'année dernière le Kissinger-McLarty
Associates à cause de la fusion entre Thomas McLarty et Henry
Kissinger. Ce partenariat a été un exemple évident
des unions bi-partisanes qui déterminent les politiques les plus
importantes à Washington.
Dans son nouveau rôle, John Negroponte travaille
présentement comme conseiller de la secrétaire
d'État Hillary Clinton. Rappelons-nous que l'actuel ambassadeur
américain au Honduras, Hugo Llorens a travaillé de
très près sous Negroponte pendant la plus grande partie
de sa carrière. Il est donc vraisemblable que John Negroponte,
l'expert
dans l'écrasement des mouvements de gauche en Amérique
centrale, ait joué un rôle dans le récent coup
contre le président Zelaya au Honduras.
Otto Reich a également investi ses
énergies ces dernières années dans une campagne
contre le président Zelaya. Le président hondurien a
même menacé de poursuivre Reich pour diffamation en avril
2009 après que Reich ait accusé le président
Zelaya d'avoir volé 100 millions $ à Hondutel, la
compagnie de télécommunications possédée
par l'État. Il n'y a jamais eu de preuves pour soutenir cette
accusation et la vérité a été vite
révélée sur les motifs de l'intérêt
de Reich dans Hondutel. Le Cubano-Américain, à travers
son cabinet de conseil et de lobbying Otto Reich Associates,
représentait une compagnie multinationale qui cherchait à
privatiser Hondutel, ce à quoi Zelaya s'opposait.
Maintenant que la président Zelaya n'est plus dans son chemin,
Reich est en mesure d'aller de l'avant avec cette offre de plusieurs
millions de dollars.
Reich a aussi été le co-fondateur d'une
organisation à Washington appelée la Fondation Arcadia,
avec un vénézuélien du nom de Robert
Carmona-Borjas, un avocat spécialisé dans le droit
militaire lié, selon son propre curriculum vitae, au coup
d'État d'avril 2002 au Venezuela. Robert Carmona-Borjas
était au palais présidentiel de Caracas, au
Venezuela, en compagnie du dictateur Pedro Carmona pendant les jours du
coup d'État les 11 et 12 avril 2002, et il s'est enfui avec
Carmona quand le palais a été repris par la garde
présidentielle et l'ordre constitutionnel rétabli. Il a
fui plus tard aux États-Unis après que des accusations
aient été portées contre lui pour sa participation
au coup
d'État, et il est devenu professeur d'université à
l'université George Washington à Washington DC (c'est
beau de voir l'accueil chaleureux que les États-Unis
réservent aux dirigeants de coups et aux violateurs de la
démocratie). Reich et Carmona-Borjas mènent depuis l'an
dernier une campagne contre le président Zelaya, l'accusant de
corruption et
d'entrave aux droits de propriété privée. À
travers leur Fondation Arcadia, ils ont produit une série de
vidéos, que plusieurs médias ont montré, qui
essaient de dépeindre Zelaya comme un président corrompu
qui viole les droits fondamentaux du peuple du Honduras.
Carmona-Borjas a fréquemment voyagé au
Honduras ces derniers mois et a même tenu des meetings publics
qui ont ouvertement discuté du coup contre Zelaya. Lors d'une de
ces rencontres, le Défenseur public du Honduras, Ramon Custodia,
qui a participé au coup d'état, a déclaré
à la presse en présence de Carmona-Borjas que
« les
coups sont possibles et peuvent se produire dans un environnement
politique. » Après le coup, soit le 3 juillet, Robert
Carmona-Borjas a participé à un rassemblement en appui au
régime issu du coup et il y a reçu les honneurs et les
applaudissements des responsables du coup qui se sont
référé à lui comme à un
« acteur
important » ayant « aidé à rendre
possible » le renversement du président Zelaya et
l'installation du dictateur Roberto Micheletti comme président
imposé.
Le pouvoir militaire
Les États-Unis maintiennent une vaste
présence militaire au Honduras à la base de Soto Cano
(Palmerola), située à environ 50 milles de la capitale
Tegucigalpa, qui a été très active depuis 1981
lorsque l'administration Reagan l'a occupée et utilisée
pour ses opérations en Amérique centrale.
Pendant les années 1980, Soto Cano a
été utilisée par le colonel Oliver North comme
base d'opérations des « contras », les
forces paramilitaires entraînées, armées et
financées par la CIA et chargées de mener la guerre
contre les mouvements de gauche en Amérique centrale et surtout
le gouvernement voisin sandiniste du
Nicaragua. À partir de Soto Cano, les
« contras » ont mené des attaques
terroristes, de la guerre psychologique (supervisée par le
Bureau de Diplomatie publique d'Otto Reich), des attaques d'escouades
de la mort et des missions spéciales secrètes dans
lesquelles des dizaines de milliers de paysans et de civils ont
été assassinés, et des
milliers de personnes ont été enlevées,
torturées, blessées alors que toute une région a
été soumise à un régime de terreur.
John Negroponte, l'ambassadeur américain au
Honduras de l'époque, de concert avec Oliver North et Otto
Reich, ont dirigé et supervisé ces opérations. Ils
ont plus tard été impliqués dans le scandale
Iran-Contra lorsque le Congrès américain a coupé
les fonds des groupes paramilitaires et des escouades de la mort
utilisés par l'administration
Reagan pour neutraliser les mouvements de gauche de la région et
l'équipe Negroponte-North-Reich a alors vendu des armes à
l'Iran pour continuer de financer ses opérations secrètes.
La base de Soto Cano est le siège de la Force
opérationnelle mixte « Bravo composée
d'effectifs de l'armée de terre, de l'armée de l'air, de
forces de sécurité communes et du premier bataillon du
228ème régiment de l'aviation américaine, ce qui
représente environ 600 personnes au total et 18 avions de
combat, dont des hélicoptères
UH60 Black Hawk et CH47 Shinock. Soto Cano est également le
siège de l'Académie aérienne hondurienne, Plus de
650 citoyens américains et honduriens vivent en permanence
à l'intérieur de la base.
La constitution du Honduras ne permet pas
légalement la présence militaire étrangère
dans le pays. Un accord « par poignée de
main » semi-permanent entre Washington et le Honduras
autorise cette présence stratégique et importante de
centaines — parfois de milliers — de membres du personnel militaire
américain sur la base. Cet
accord a été conclu en 1954 en échange de l'aide
américaine de millions de dollars aux forces armées du
Honduras qui comprend des programmes d'entraînement, des armes et
de l'équipement militaire de même que des exercices
conjoints et des opérations en sol hondurien. La base a
été utilisée la première fois par
l'armée américaine et la CIA
comme base de lancement du coup d'État contre Jacobo Arbens au
Guatemala en 1954.
Washington autorise chaque année des centaines de
millions d e dollars en aide militaire et économique au
Honduras, le troisième pays le plus pauvre de
l'hémisphère occidental après Haïti et le
Nicaragua. Cet « échange » qui assure la
présence militaire américaine dans ce pays
d'Amérique centrale peut être abrogé par le
gouvernement du Honduras à n'importe quel moment sans avis
préalable.
Le 31 mai 2008, le président Manuel Zelaya a
annoncé que Soto Cano (Palmerola) allait être convertie en
un aéroport civil international. La construction de son terminal
devait être financée par des fonds provenant de l'Alliance
bolivarienne des Amériques (l'ALBA — dont sont membres la
Bolivie, Cuba, l'Équateur, la Dominique, le Honduras,
le Nicaragua, St-Vincent, Antigua-et-Barbuda et le Venezuela). Cela
constituait évidemment une menace très sérieuse
pour la présence militaire américaine au Honduras.
Les deux généraux qui ont joué un
rôle clé dans le coup contre le président Zelaya
sont tous deux diplômés de l'École des
Amériques, célèbre pour son entraînement de
dictateurs, tortionnaires et d'oppresseurs en Amérique latine,
et ils maintiennent des liens très étroits avec les
forces militaires américaines basées au Honduras. Le
commandant
des Forces armées du Honduras, le général Luis
Javier Prince Suazo, a étudié à cette sinistre
École des Amériques en 1996. Le chef d'État-major
hondurien, le général Romeo Vasquez, qui a
été congédié par le président Zelaya
le 24 juin 2009 pour avoir désobéi à ses ordres et
est réapparu comme l'acteur principal du coup militaire quelques
jours
plus tard est lui aussi un diplômé de l'École des
Amériques. Ces deux militaires de haut rang entretiennent aussi
des liens étroits avec le Pentagone et le Southern Command.
L'ambassadeur américain au Honduras Charles Ford,
en poste jusqu'à son remplacement par Hugo Llorens en septembre
2008, a par la suite été transféré du
Honduras au Southern Command en Floride pour donner « des
conseils stratégiques » au Pentagone sur
l'Amérique latine, un poste qu'il occupe encore aujourd'hui.
Les militaires du Honduras sont financés,
entraînés, instruits et commandés par les
militaires des États-Unis. Ils ont été
endoctrinés depuis le début de la Guerre froide par une
mentalité qui est contre la gauche,
le socialisme et pour l'empire. Les généraux et les
officiers de haut rang
impliqués dans le coup d'État au Honduras ont dit
publiquement qu'ils avaient « l'obligation » de
chasser le président Zelaya du pouvoir parce qu'il était
une « menace » avec son idéologie
« gauchiste » et son alignement sur les pays
socialistes de la région comme le Venezuela et Cuba. Comme le
disait un colonel hondurien : »Nous avons
combattu les mouvements subversifs au pays et nous avons
été le seul pays à ne pas avoir vécu de
guerre fratricide comme les autres en ont connue. Cela serait difficile
pour nous, compte tenu de notre entraînement, d'être en
relations avec un gouvernement gauchiste. C'est impossible.
Personnellement j'aurais pris ma retraite parce que ma façon
de penser, mes principes ne m'auraient pas permis de participer
à cela. »
Tous les faits ci-haut mentionnés — en plus des
autres qui viendront certainement s'y ajouter — prouvent de
façon indéniable le rôle de Washington dans le coup
d'État contre le président Zelaya au Honduras.
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