Le Marxiste-Léniniste

Numéro 120 - 19 juin 2009

La militarisation de l'Arctique

Le Canada, ligne de bataille dans
le conflit Est-Ouest dans l'Arctique

Faisant référence à des documents récemment rendus publics, tout en se gardant de dire lesquels, une des grandes agences de presse canadiennes rapportait le 26 mai que le gouvernement avait l'intention d'acquérir une « famille » de drones aériens au cours des dix prochaines années.[1]

La dépêche ne faisait que deux paragraphes et pourrait facilement échapper à l'attention, puisque l'un des deux buts visés par l'expansion de l'arsenal militaire aérien du Canada concerne « des États échoués ou en voie d'échouer ». Il ne fait pas de doute que l'Afghanistan est une de ces zones en question et Ottawa y a déployé ses premiers drones Heron, de fabrication israélienne, en janvier dernier, pour participer à la guerre de l'OTAN en Asie du Sud.

Une autre cible probable de missions « ennuyantes, salles et dangereuses », parfaites pour les aéronefs sans pilote, est la Somalie. Près des côtes de ce pays la frégate HMCS Winnipeg, transportant un hélicoptère Sea King qu'elle a eu l'occasion d'utiliser, participe à des arraisonnements maritimes et à d'autres opérations militaires comme partie du Groupe maritime permanent 1 de l'OTAN (SNMG1). L'utilisation d'aéronefs sans pilote dans une extension des actions militaires jusqu'en sol somalien, qui semble probable, ne ferait malheureusement pas sourciller beaucoup de monde.

La courte dépêche se termine cependant avec cette phrase : « Des commandants supérieurs prévoient également une plus grande utilisation de drones au Canada, surtout le long des côtes et dans l'Arctique. »

Pour donner une idée de l'utilisation que le projet JUSTAS (système interarmées de surveillance et d'acquisition d'objectifs au moyen d'UVA) entend faire de ces appareils dans l'Arctique, il pourrait être question du « Heron TP, un drone de 4 650 kg qui a la même envergure qu'un Boeing 737 » et qui « peut transporter une charge de 1 000 km et rester en vol pendant 36 heures à une altitude d'environ 15 000 mètres » pour « des patrouilles de longue portée au-dessus de l'Arctique et en mer ».[2]

Le projet JUSTAS coûterait « jusqu'à 750 millions $ et [...] donnerait à l'armée canadienne une capacité que seule une poignée de pays possèdent ».[3]

Le lendemain de la parution de cette dépêche la même source résumait des propos du ministre canadien de la Défense nationale Peter MacKay dans ces mots : « Le ralentissement économique mondial n'empêchera pas les Forces canadiennes de dépenser 60 milliards $ pour de nouveaux équipements. »

Bien que le déficit fédéral du Canada est prévu atteindre 50 milliards cette année, comparé à 34 milliards $ en 2008, « M. MacKay a dit que la stratégie de défense à long terme du Canada fera grimper le budget annuel de la défense de 19 milliards $ cette année à 30 milliards $ en 2027. C'est donc 490 milliards $ qui seront dépensés au cours de cette période pour la défense, dont 60 milliards pour de nouveaux équipements. »[4]

Il y a fort à parier que la plupart des Canadiens ne sont pas au courant des développements sur ces deux fronts : les plans pour l'achat de drones de pointe conçus non seulement pour la surveillance mais aussi pour le lancement de missiles, à déployer dans l'Arctique, et une hausse importante du budget militaire d'un pays qui a déjà doublé ses dépenses pour la défense en dix ans.

Pour les autres, la question se pose à savoir pourquoi un pays de 33 millions d'habitants, qui n'a de frontières qu'avec un autre pays, les États-Unis, son partenaire supérieur au sein du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord), de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) et, de plus en plus depuis 2006, du Northern Command (NORTHCOM) du Pentagone, aurait besoin de dépenser près d'un demi billion de dollars en armements au cours des 18 prochaines années. Et pourquoi, en plus d'acquérir des armes pour la guerre et autres opérations militaires en Europe, en Asie et en Afrique, le Canada déploierait-il ses armements les plus modernes dans le cercle polaire.

Un auteur français du XIXe siècle écrivait que les canons ne sont pas forgés pour être paradés dans des parcs publics. Et le déploiement de drones porteurs de missiles dans le grand nord n'est pas pour défendre la souveraineté du Canada dans la région, contrairement à ce que laissent souvent entendre pour la consommation intérieure les représentants du gouvernement actuel de Stephen Harper. Il n'y a qu'un État qui menace cette souveraineté, et ce sont les États-Unis. Et Ottawa n'a aucun désir de défendre ses intérêts contre son voisin du nord.

Les récents exercices militaires et le récent déploiement du Canada dans l'Arctique, d'une ampleur sans précédent, dont la proposition d'utiliser des drones n'est que le dernier exemple, sont dirigés exclusivement contre la Russie.

Dans un document affiché sur le site du Parlement canadien en 2007, on lit : « Depuis quelques années, le Canada affirme haut et fort sa nordicité. Cet intérêt accru pour l'Arctique tient essentiellement aux effets attendus du réchauffement climatique sur la région, qui devraient être parmi les plus forts au monde. En facilitant l'accès à la région, les menaces et les débouchés s'amplifient et se multiplient. Les revendications du Canada sur l'Arctique devraient donc occuper une place plus primordiale dans nos relations avec certains pays. Le moment semble donc bien choisi pour se pencher sur la souveraineté et la compétence du Canada sur les eaux et le territoire arctiques et cerner les questions controversées. »[5]

Les revendications du Canada dans l'Arctique s'étendent jusqu'au pôle Nord, comme pour la Russie et le Danemark, tant que Copenhague conserve sa possession du Groenland.

Au centre du conflit entre le Canada et la Russie se trouve la dorsale Lomonossov qui s'étend sur 1 800 km entre les Îles de Nouvelle-Sibérie de la Russie et l'Île d'Ellesmere du Canada, dans le Nunavut, qui fait partie de l'archipel arctique canadien, en passant par le centre de l'océan Arctique. La Russie soutient que la dorsale de Lomonossov et l'élévation de Mendeleyev qui s'y rattache sont une prolongation de son plateau continental. Elle a déposé une revendication à cet effet auprès de la Commission des limites du plateau continental de l'ONU en décembre 2001 et l'a renouvelé à la fin de 2007.

Il y a trois volets à la réponse à la question concernant l'enjeu du contrôle de cette vaste étendue de l'océan Arctique et à celle concernant l'escalade et l'expansion militaires du Canada dans l'Arctique.

Positionnement militaire stratégique pour la guerre nucléaire

Neuf jours avant de quitter ses fonctions à la Maison blanche, le 20 janvier, le président des États-Unis George W. Bush a émis la Directive présidentielle de sécurité nationale numéro 66 sur la politique pour la région de l'Arctique.[6]

On y lit que « les États-Unis sont un pays de l'Arctique ayant des intérêts variés et obligatoires dans cette région » et que « les États-Unis ont des intérêts de sécurité nationale fondamentaux et étendus dans la région de l'Arctique et sont disposés à agir indépendamment ou en conjonction avec d'autres États pour protéger ces intérêts. Ceux-ci comprennent la défense anti-missile et l'alerte avancée ; le déploiement de systèmes marins et aériens pour le transport maritime stratégique, la dissuasion stratégique, la présence maritime et les opérations de sécurité maritimes ; et la protection de la liberté de navigation et de survol. »[7]

Les prétentions américaines dans l'Arctique sont basées entièrement sur la possession de l'Alaska, qui est séparée du reste du territoire continental des États-Unis par 800 km de territoire canadien.

La Directive de sécurité nationale 66 exploite l'emplacement de l'Alaska pour réclamer le droit d'établir des forces militaires stratégiques (des bombardiers à long rayon d'action capables de livrer des armes nucléaires ainsi que des navires et des sous-marins capables de lancer des ogives) dans l'Arctique à une distance pouvant facilement atteindre la Russie à partir de l'est et par dessus le pôle Nord.

Ils se réservent aussi le droit, comme nous l'avons souligné, de stationner des composantes de la soi-disant défense antimissile dans la région. Les mots « défense antimissile » ne sont pas aussi inoffensifs qu'ils en ont l'air. Dans le contexte d'aujourd'hui, ils se rapportent aux plans des États-Unis et de leurs alliés de construire un système international d'interception de missile relié par satellites éventuellement muni de missiles déployés dans l'espace pouvant paralyser le potentiel militaire stratégique (nucléaire et à long terme) d'autres pays et d'intercepter les ripostes de pays ciblés par une première frappe.

Les silos à missiles intercepteurs et les stations de radar des États-Unis et de l'OTAN en Pologne, en République tchèque, en Norvège et en Grande-Bretagne à l'ouest de la Russie (déjà en place ou en préparation) et une structure analogue en Alaska, au Japon et en Australie, à l'est de la Russie et de la Chine, établissent leur capacité d'attaquer et de détruire tout missile balistique intercontinental (MBIC) et tout bombardier à long cours qui échapperait à une première frappe militaire massive des États-Unis et de leurs alliés.

Le terme missile intercepteur est trompeur. Les plans de défense antimissile préparent l'Amérique à frapper des MBIC durant la propulsion et la phase terminale et aussi durant le lancement, alors il n'y a qu'un pas entre frapper un missile au moment de son lancement et le frapper durant la préparation au lancement ou même quand il est encore dans le silo.

Bien qu'en théorie les missiles n'ont pas besoin d'être armés d'ogives nucléaires dans la première frappe et dans l'interception antimissile, ils le seront presque certainement s'ils sont lancés contre une puissance nucléaire pouvant rétorquer avec des armes nucléaires.

Le troisième appui de la triade nucléaire d'un pays, après les bombardiers à long cours et les missiles terrestres, sont les sous-marins équipés de missiles balistiques à lanceur sous-marin pouvant être munis d'ogives nucléaires. Ceux-ci peuvent être repérés à partir de l'espace et frappés plus tard par des missiles basés dans l'espace.

La Russie est le seul pays non occidental et non membre de l'OTAN à posséder une triade nucléaire effective.

Dans le scénario décrit ci-dessus il n'y a qu'un endroit sur la terre où la Russie peut maintenir une capacité de dissuasion crédible : sous la calotte glaciaire de l'Arctique polaire.

Selon une dépêche de 2007, « dans le plus grand secret des forces navales de l'OTAN cherchent à contrôler l'océan Arctique dans la poursuite de l'expansion du bloc militaire vers la Russie, rapporte le Military Industry Herald. [...]

« Comme durant les moments les plus tendus de la guerre froide, les troupes de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord essaient de prendre le contrôle de la route de l'Arctique, écrit le journal. [...] La marine américaine, en conjonction avec ses alliés britanniques, relève le défi de chasser les sous-marins russes de la région de l'Arctique. »[8]

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont mené l'exercice Operation Ice 2007 sous la calotte polaire et ont répété les manoeuvres plus tôt cette année avec Ice Exercice 2009.

Durant les exercices de 2007 un site de la marine américaine nous apprenait que « la force sous-marine continue de se servir de l'océan Arctique comme route alternative pour déplacer les sous-marins entre l'Atlantique et le Pacifique. [...] Les sous-marins peuvent atteindre l'ouest du Pacifique directement en passant par les eaux internationales de l'Arctique plutôt que par le canal de Panama. »[9]

Le sujet de l'utilisation de l'Arctique, et en particulier du légendaire et maintenant praticable Passage du Nord-Ouest, pour le transport civile et militaire sera abordé avec la deuxième composante dans la bataille pour l'Arctique.

En avril 2007, Barry L. Campbell, chefs des opérations au laboratoire sous-marin de l'Arctique de la marine américaine, a dit par rapport aux plans de guerre de l'OTAN en Arctique : « Nous sommes une marine mondiale et la position de la Marine est que nous devrions pouvoir opérer dans tous les océans du monde. [...] Quand vous passez par l'Arctique, personne ne sait que vous êtes là. [...] Nous nous attendons à ce que tous nos sous-marins puissent opérer dans l'Arctique. [...] Notre position stratégique est de pouvoir opérer partout dans le monde, et pour nous l'Arctique en fait partie. [...] Si jamais nous devions mener une bataille là-dessous, ce serait une opération conjointe. »[10]

Dans un article précédant dans cette série, « Le nouveau champ de bataille stratégique de l'OTAN et du Pentagone : L'Arctique »,[11] nous observions qu'« avec la présence de systèmes de radar par missile et satellite et d'interception de missiles des États-Unis et de l'OTAN partout dans le monde et dans l'espace, le seul endroit où la Russie pourrait maintenir une capacité de dissuasion et/ou de rétorsion contre une foudroyante première frappe nucléaire est sous la calotte polaire. [...] Sans cette capacité la Russie pourrait devenir complètement sans défense dans l'éventualité d'une première frappe nucléaire. »

En 2006 des sources près de l'armée russe citaient l'amiral Vladimir Masorin, commandant de la marine, parlant des conditions à réunir pour que les sous-marins russes puissent maintenir une présence sous la calotte glaciaire de l'Arctique : « Il faut un entraînement pour aider les sous-marins stratégiques de la flotte russe à se rendre dans la région glaciaire de l'Arctique, qui est la moins vulnérable à la surveillance par l'adversaire, et être prêts à riposter à une attaque au missile balistique dans l'éventualité d'un conflit nucléaire.

« Pour être en mesure d'accomplir cette tâche, la tâche de préserver les sous-marins stratégiques, il est nécessaire de former des sous-mariniers russes dans l'art de naviguer sous la glace de l'Arctique. »[12]

Le Passage du Nord-Ouest pourrait transformer la navigation civile et militaire mondiale : Le Canada confronte la Russie

Ces dernières années l'accès à une voie directe entre l'Atlantique et le Pacifique dans l'hémisphère nord, par le Passage du Nord-Ouest, offre la possibilité de réduire la navigation, tant civile que militaire, de plusieurs milliers de kilomètres et de plusieurs jours, sinon de semaines, comparé aux routes traditionnelles passant par le canal de Panama ou celui de Suez et même contournant la corne de l'Afrique et l'Amérique du Sud, pour les navires plus grands devant faire le détour par le sud.

La fonte dans l'Arctique a réduit les glaces dans la région à leur plus bas niveau au cours des 33 années où elles ont été mesurées par images satellite, et le Passage du Nord-Ouest est entièrement ouvert pour la première fois de l'histoire.

La Directive présidentielle de sécurité nationale 66 signale également l'intention de « préserver la mobilité globale des vassaux et aéronefs militaires et civils des États-Unis par la région de l'Arctique » et de « projeter une présence maritime souveraine des États-Unis dans l'Arctique en soutien aux intérêts essentiels des États-Unis. »[13]

Le Canada prétend que le Passage du Nord-Ouest est situé exclusivement sur son territoire, mais Washington affirme lui que « le Passage Nord-Ouest est un détroit utilisé pour la navigation internationale et que la voie maritime du Nord comprend des détroits utilisés pour la navigation internationale ; le régime de passage s'applique au passage par ces détruits. La préservation des droits et devoirs relatifs à la navigation et au survol de la région Arctique soutient notre capacité à exercer ces droits partout dans le monde, y compris dans les détroits stratégiques. »[14]

Il semble donc que les États-Unis contestent la prétention du Canada que ce passage, qui longe le nord de ce pays et d'aucun autre, fait partie de son territoire national, et veulent l'internationaliser.

Quoi qu'il en soit, rien n'indique qu'aucun des représentants du gouvernement canadien, que ce soit le Parti conservateur au pouvoir, le Parti libéral dans l'opposition ou même le Nouveau Parti démocratique, ait réagi à la Directive de sécurité nationale des États-Unis, la première déclaration importante des États-Unis sur cette affaire en quinze ans, ne serait-ce que par un murmure de désapprobation.

Au lieu de cela, les autorités canadiennes, et en particulier le gouvernement fédéral, tournent toute l'attention, et une hostilité évidente, sur la Russie, un pays qui ne réclame pas le droit de déployer des navires de guerre avec des missiles à long rayon d'action, des sous-marins nucléaires et des destroyers de classe Aegis équipés de missiles intercepteurs à quelques kilomètres du plateau continental canadien à l'extrémité élargie du Passage, à l'ouest, et d'autres vaisseaux entre le plateau continental et ses îles nordiques.

Les menaces, fanfaronnades, insultes et provocations des hauts représentants du gouvernement canadien depuis trois mois et demi atteignent parfois une hystérie comparable et même pire que ce qu'on a vu durant la guerre froide.

Des signes avant-coureurs de la campagne actuelle sont apparus en août dernier, après la guerre de cinq jours entre la Géorgie et la Russie, lorsque le premier ministre Stephen Harper a « accusé la Russie de revenir à une "mentalité de l'ère soviétique" »[15] et que le ministre des Affaires étrangères Peter MacKay a déclaré que « lorsque nous voyons un avion "Russian Bear" [Tupolev Tu-95] s'approcher de l'espace aérien canadien, nous allons à sa rencontre avec un F-18 »[16]. Elle n'a pas relâché depuis.

Puis à la mi-février le président américain Barack Obama a choisi Ottawa, la capitale canadienne, pour sa première visite à l'extérieur des États-Unis après son entrée en fonction. Un peu avant son arrivée le ministre MacKay a déclaré concernant la prétendue interception d'un bombardier russe au-dessus de l'océan Arctique, un espace international neutre : « Ils [deux chasseurs F18] sont allés à la rencontre d'un avions russe qui s'approchait de l'espace aérien canadien et comme ils l'ont fait à d'autres occasions, ils ont envoyé des signaux très clairs, qui ont été compris, enjoignant à l'avion de faire demi-tour et de retourner dans son espace aérien, ce qu'il a fait.

« Je ne vais pas accuser les Russes d'avoir fait cela délibérément pendant une visite présidentielle, mais c'est une forte coïncidence. »[17]

La Russie a souvent envoyé des patrouilles survoler l'océan Arctique, la mer de Barents et la mer du Nord et près des côtes de l'Alaska depuis l'automne 2007. De plus, selon l'emplacement exact du bombardier russe à ce moment-là, il aurait pu être à 6 000 km d'Ottawa, ne posant donc aucune menace et n'étant donc un avertissement ni pour Obama, ni pour le Canada.

Poursuivant la diatribe de son ministre de la Défense, le premier ministre Stephen Harper a dit :

« J'ai exprimé à différentes occasions la grande inquiétude de notre gouvernement face aux actions de plus en plus agressives de la Russie dans le monde et face aux intrusions russes dans notre espace aérien.

« Nous allons défendre notre espace aérien, nous avons aussi des obligations de défense continentale envers les États-Unis. Nous allons nous acquitter de ces obligations de défendre notre espace aérien continental et nous allons défendre notre souveraineté et nous allons réagir à toute à atteinte à notre souveraineté par la Russie dans l'Arctique canadien. »[18]

Après que la Russie ait annoncé son intention de se doter d'une force militaire disponible pour défendre ses intérêts dans l'Arctique d'ici 2020, dans onze ans, le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon, dans la foulée de son prédécesseur et et ministre actuel de la Défense Peter MacKay et du premier ministre Harper, a dit : « Soyons parfaitement clair. Le Canada ne se laissera pas intimider.

« La souveraineté en fait partie [de la politique sur le Nord]. Nous n'allons pas déroger à cet objectif. La souveraineté est de la plus haute importance pour nous, alors nous n'allons pas en déroger. »[19]

Il n'a pas précisé comment la Russie avait remis en cause la souveraineté de son pays, sauf peut-être en ne cédant pas gratuitement la dorsale de Lomonossov, bien que, si M. Cannon s'était donné la peine de lire la Direction de sécurité nationale 66 du président américain, il aurait eu droit à une leçon en accéléré sur ce qu'est une menace réelle à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Canada.

On verra comment le Canada traduira ses paroles en actes.

Le contrôle des ressources énergétiques du monde et la poussée de l'OTAN dans l'Arctique

Une étude géologique de l'Arctique de la U.S. Geological Survey parue en mai 2008 estimait qu'il y avait « du pétrole et du gaz naturel non découverts dans 33 provinces géologiques considérées comme pouvant renfermer du pétrole. En faisant la somme de l'évaluation moyenne pour chaque province, il pourrait y avoir une réserve inexplorée de 90 milliards de barils de pétrole, 1 669 billions de pieds cubes de gaz naturel et 44 milliards de barils de liquide de gaz naturel dans l'Arctique, dont environ 80 % au large. »[20]

« L'Arctique inexploré renferme environ un cinquième du pétrole non découvert de la planète et près du tiers du gaz naturel encore à découvrir. [...] Les réserves inexploitées se trouvent en-dessous du plancher océanique dans des zones géopolitiquement controversées au-dessus du cercle polaire. »[21]

Il y quatre jours, la revue Science publiait une nouvelle étude de la U.S. Geological Survey qui « évaluait la région au nord du cercle polaire et concluait qu'environ 30 % des réserves non découvertes de gaz et 13 % des réserves non découvertes de pétrole de la planète pourraient s'y trouver, surtout au large sous 500 mètres d'eau. Le gaz naturel non découvert est trois fois plus abondant que le pétrole dans l'Arctique et est concentré en grande partie en Russie. »[22]

Le rapport complet n'est accessible qu'aux abonnés, mais le quotidien canadien The Globe and Mail cite cet extrait : « Bien qu'en quantité aussi considérable qu'on en trouve en Alaska, au Canada et au Groenland, les ressources non découvertes de gaz naturel sont concentrées sur le territoire russe et leur exploitation renforcerait la position stratégique prééminente de ce pays. »[23]

En plus d'estimer que le cercle polaire de l'Arctique contient 30 % du gaz naturel non découvert de la planète, l'étude revoit à la hausse ses prédictions concernant le potentiel de pétrole, de 90 milliards de barils l'année dernière à 160 milliards dans le rapport de cette année.

Une dépêche résume comme suit les conclusions de l'étude sur le potentiel de la région en gaz naturel : « La région de l'Arctique pourrait contenir suffisamment de gaz naturel pour satisfaire la demande mondiale actuelle pendant 14 ans et la majeure partie de ce potentiel appartient à la Russie. [...] »[24]

On trouve sur un site web cette perspective additionnelle sur l'importance des nouveaux chiffres : « Le potentiel nouvellement découvert représente plus de 35 années d'importation de pétrole aux États-Unis ou l'équivalent de cinq années de consommation mondiale du pétrole.

« Le Canada, le Groenland/Danemark, la Norvège, la Russie et les États-Unis, qui sont tous limitrophes du cercle polaire de l'Arctique, sont engagés dans une course pour les ressources non exploitées.

« Les ressources pétrolières se chiffreraient à 10,6 billions $ au prix du pétrole actuel. La majeure partie des réserves sont en eau peu profonde (moins de 500 mètres), ce qui rend l'extraction relativement facile. »[25]

Un quotidien canadien offre ce rappel laconique : « Les nouveaux estimés concernant le potentiel pétrolier et gazier du Nord arrivent à l'heure où le Canada et ses voisins polaires sont engagées dans une rivalité intense dans leur revendication des vastes étendues du plateau continental sous l'océan Arctique. »[26]

Là où sont découvertes ou soupçonnées de vastes réserves d'hydrocarbure jusque là inexploitées, l'OTAN n'est jamais loin derrière, de la mer Caspienne au golfe de Guinée et à l'océan Arctique. Les 28 et 29 janvier derniers, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord tenait un sommet sur l'Arctique dans la capitale de l'Islande, sous le thème « Perspectives en matière de sécurité dans le Grand Nord ».

Y assistaient le secrétaire général de l'alliance Jaap de Hoop Scheffer, deux hauts commandants militaires de l'OTAN et le président du Comité militaire « ainsi que de nombreux autres décideurs et experts des pays alliés ».[27]

Scheffer a fait preuve d'une franchise assez inhabituelle dans son allocution, du moins lorsqu'il a dit : « Le Grand Nord va demander une plus grande attention de l'Alliance au cours des prochaines années.

« Avec la diminution de la calotte glaciaire augmentent les possibilités d'exploiter la richesse minérale et les réserves énergétiques du Grand Nord.

« À notre sommet de Bucarest l'année dernière, nous nous sommes entendus sur plusieurs principes directeurs concernant le rôle que doit jouer l'OTAN en matière de sécurité énergétique. [...]

« L'OTAN offre une plate-forme à quatre États limitrophes de l'Arctique [Canada, Danemark, Norvège, États-Unis] pour informer, discuter et partager leurs préoccupations. Et cela m'amène directement au prochain sujet, soit l'activité militaire dans la région.

« De toute évidence, le Grand Nord est une région d'importance stratégique pour l'Alliance. »[28]

Le commandant suprême des forces alliées de l'OTAN et chef du commandement européen du Pentagone, le général Bantz John Craddock, qui s'est également adressé à la conférence, « était d'avis que l'OTAN est en mesure d'apporter une grande contribution à l'effort de coopération dans des domaines comme le développement et la sécurité des voies navigables, la sécurité énergétique, la surveillance, la recherche et sauvetage, l'exploration des ressources et les mines. [...] »[29]

Craddock a hérité de sa double assignation du général de la marine James Jones, l'architecte du nouveau Commandement africain des États-Unis et actuel conseiller en matière de sécurité nationale, qui supervise sûrement les efforts de l'armée américaine et de l'OTAN dans la course pour le contrôle des sources mondiales d'énergie.

Développement multilatéral pacifique ou guerre dans l'Arctique ?

Les États-Unis et l'OTAN dissimulent à peine leurs desseins militaires stratégiques dans l'Arctique, pour établir un accès à ce qui pourrait être la plus grande réserve inexploitée de pétrole et de gaz naturel au monde et y établir leur domination, à la lumière du fait que le Passage du Nord-Ouest pourrait redéfinir la navigation internationale et le commerce par voie maritime.

Comme avec les nombreux projets de transport énergétique dans le bassin de la mer Caspienne, dans le Caucase, dans la région de la mer Noire et dans les Balkans, en Irak et en Afrique, pour l'Occident l'extraction et le transport du pétrole et du gaz naturel est un jeu à l'issue duquel il ne peut y avoir qu'un seul gagnant, dicté par le désir de dominer les autres et de ne partager avec personne.

La récente étude de la U.S. Geological Survey laisse entendre que l'océan Arctique pourrait contenir non seulement le tiers des ressources non découvertes de gaz naturel de la planète mais aussi les deux tiers de ce que l'Arabie saoudite, le plus grand producteur au monde, possèderait selon les estimés conventionnels : 160 milliards de barils pour environ 260 milliards de barils.

Les États-Unis et les alliés de l'OTAN ne vont pas permettre à la Russie d'avoir accès à la part du lion de ces deux sources. Ils ont mené trois guerres depuis 1999 pour beaucoup moins. On estime que l'Irak, par exemple, possède l'équivalent de 115 millions de barils de pétrole.

Le mois dernier le président russe Dimitri Medvedev a approuvé le projet de Stratégie de sécurité nationale de son pays jusqu'en 2020, qui dit entre autres que « la menace principale à la sécurité nationale de la Russie est la politique suivie par certains États qui visent à établir leur supériorité militaire par rapport à la Russie, à commencer avec les forces nucléaires stratégiques.

« Les menaces à la sécurité militaire sont la politique d'un certain nombre d'États étrangers qui cherchent à établir leur supériorité militaire, à commencer par les forces nucléaires stratégiques, en mettant au point des instruments d'information et autres outils de guerre de grande précision, des armements stratégiques non nucléaires, avec la création unilatérale du système mondial de défense antimissile et la militarisation de l'espace, qui risque de créer une nouvelle spirale de la course aux armements, et la mise au point de technologies nucléaires, chimiques et biologiques, la production d'armes de destruction massive ou leurs composantes et moyens de livraison. »[30]

La stratégie russe, pour citer le Times de Londres, soutient également que l'« intensification de la rivalité pour la possession des vastes champs pétroliers et gaziers inexploités près de ses frontières sera une source de conflit militaire potentiel au cours des dix prochaines années. »

« Les États-Unis, la Norvège, le Canada et le Danemark contestent la revendication par la Russie d'une partie du plateau de l'Arctique, couvrant une superficie équivalant à celle de l'Europe de l'Ouest, qui contiendrait des milliards de tonnes de pétrole et de gaz naturel. »[31]

Lors d'une rencontre des ministres des Affaires étrangères du Conseil de l'Arctique, à la fin d'avril, la Russie a fait une mise en garde contre la militarisation de l'Arctique. Mais dans l'Occident l'avertissement est tombé dans l'oreille d'un sourd.

Le 28 mai, l'ambassadeur de la Norvège à l'OTAN a amené ses homologues britannique, danois, allemand, estonien et roumain dans un « voyage d'exploration du Grand Nord » près du cercle polaire où le ministre norvégien des Affaires étrangères a « rappelé à quel point il est important que l'OTAN s'intéresse aux questions de sécurité dans le Grand Nord. »[32]

Trois jours plus tôt, le secrétaire d'État de ce pays, Espen Barth Eide, prenant la parole devant le Comité de la défense et de la sécurité de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à Oslo, a dit : « La Russie semble de plus en plus disposée à se livrer à la rhétorique politique et même à l'usage de la force militaire [...] L'OTAN a un rôle très important à jouer et la Norvège défend cette position depuis longtemps. L'Alliance est au coeur de la stratégie de sécurité et de défense de tous les États de l'océan Arctique sauf un.

« L'OTAN a déjà une certaine présence et joue un rôle dans le Grand Nord aujourd'hui, principalement par l'entremise du Système de défense aérienne intégrée, qui comprend des chasseurs en alerte et des vols de surveillance AWACS. Il se mène aussi des exercices sous le pavillon de l'OTAN en Norvège et en Islande. [...] Nous aimerions voir l'OTAN accroître sa présence dans le Grand Nord. »[33]

Le Canada : Première ligne, bélier et offrande de l'Occident

À mesure que les tensions vont monter dans l'Arctique, et surtout si elles dégénèrent en une crise et que l'option militaire est utilisée, la Norvège jouera le rôle qui lui est assigné en tant que loyale cohorte de l'OTAN, comme le feront ses voisins le Danemark, la Finlande et la Suède, ces deux derniers devenant rapidement des États de l'OTAN dans tous les sens sauf formellement.

Or, ils se joindront à la bataille là où trois des quatres États de l'OTAN (États-Unis, Canada et Danemark) ont des réclamations territoriales dans l'Arctique, soit dans l'extrémité nord de l'hémisphère occidental.

Et possédant la frontière de l'Arctique de loin la plus grande et la partie la plus importante de son plateau, le Canada sera la brigade choc de toute provocation délibérée et toute confrontation ouverte.

On rapportait il y a neuf jours que « les travaux cartographiques du Canada dans l'Arctique touchent à un territoire revendiqué par la Russie dans la grande rivalité pour établir de claires revendications territoriales dans la région polaire et son fond marin riche en ressources.

« Les vols de catographie que le Canada a effectués à la fin de l'hiver et au début du printemps sont allés au-delà du pôle Nord et jusque dans une région revendiquée par le Russie, a dit un représentant du ministère des Ressources naturelles dimanche. »

L'article continue : « Si le Canada finit par déposer une revendication qui s'étend au-delà du pôle Nord, il pourrait se retrouver en conflit avec la Russie.

« Le Canada et la Russie se sont tous deux engagés à rechercher une résolution pacifique aux conflits qui les opposent concernant les revendications territoriales soumises au processus international. Cet engagement sera mis à l'épreuve si Ottawa et Moscou soumettent des revendications qui se chevauchent.

« Des scientifiques canadiens soutiennent que la dorsale sous-marine de Lomonossov est une prolongation du plateau continental de l'Amérique du Nord.

« On estime que le quart des réserves non découvertes de pétrole et de gaz naturel se trouve sous l'Arctique. »[34]

Les chefs militaires et civils du Canada s'affairent à préparer le terrain en vue de cette confrontation depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Harper.

En août 2007, le premier ministre a annoncé que son gouvernement avait l'intention de « bâtir une nouveau centre de formation militaire à Resolute Bay, dans le Grand Nord [à l'extrémité est du Passage Nord-Ouest] et d'aménager un port à eau profonde à usage à la fois militaire et civil à l'extrême nord de l'île de Baffin.

« Son passage dans l'Arctique plus tôt ce mois-ci s'est accompagné du plus grand exercice militaire dans la région depuis plusieurs années, avec la participation de 600 soldats, marins et membres d'équipages de l'air. »[35] Un an plus tard, les gouvernements Harper et Bush renonçaient à un vieux conflit opposant les deux pays dans la mer de Beaufort « au nom de la défense contre les revendications de la Russie dans l'Arctique, qui contredisent celles des États-Unis, du Canada, du Danemark et de la Norvège ».[36]

Le même mois, le Canada a effectué ce qu'il a appelé le premier d'une série d'exercices de souveraineté militaire dans l'Arctique, des exercices tout azimut comprenant « en plus de l'armée et des forces maritimes et aériennes, plusieurs agences et ministères fédéraux, dont la Garde côtière, la GRC, le SCRS, l'Agence des services frontaliers du Canada, Transport Canada et Santé Canada.

« Des représentants de l'armée disent que les exercices de cette année se font avec la participation du plus grand nombre de ministères et d'agences jusqu'à date. »[37]

En août 2008, M. Harper et le ministre de la Défense MacKay se sont rendus dans les Territoires du Nord-Ouest pour y inspecter « quatre chasseurs canadiens F-18 déployés dans le Nunavut en réponse à ce que les représentants officiels ont décrit comme étant la présence d'un aéronef non identifié près de l'espace aérien du Canada. »[38]

À la fin de septembre, le ministère de la Défense a lancé l'« opération NANOOK 2008, un exercice de souveraineté dans l'Arctique oriental du Canada. Qui plus est, M. Harper a exprimé son appui à des plans de bâtir un port militaire et une base militaire au-delà du cercle polaire. »

Tout cela à l'heure où « les États-Unis se sont joints à la course, eux aussi, faisant équipe avec le Canada pour cartographier le fond marin inexploré de l'Arctique. »[39]

Le 19 septembre, Harper aurait dit selon une agence que le Canada élève son niveau de surveillance militaire le long de sa frontière nordique en réponse aux actions de la Russie pour « tester » ses frontières et établir ses revendications dans l'Arctique.

« Nous sommes préoccupés non seulement par les revendications russes [...] mais aussi par les incursions testant notre espace aérien, et d'autres indications [...] qui pourraient témoigner d'un désir de travailler en dehors du cadre international. » « C'est évidemment la raison pour laquelle nous prenons une série de mesures, y compris des mesures militaires, pour renforcer notre souveraineté dans le Nord. »[40]

En décembre de l'année dernière, le ministre de la Défense MacKay a parlé d'« empiétements possibles de la Russie et de la Chine sur notre espace maritime », ajoutant : « Nous devons être vigilants. »[41]

En mars dernier MacKay a annoncé « l'emplacement de deux stations de réception satellite terrestre pour le projet Polar Epsilon, d'une valeur de 60 millions $, conçu pour établir une surveillance nuit et jour de l'Arctique canadien et des ses environs océaniques à partir de l'espace ».[42]

En avril, le Canada a mené l'Opération Nunalivut 2009, la première de trois « opérations de souveraineté » prévues dans l'Arctique cette année.

Le ministre MacKay a dit : « L'Opération Nunalivut n'est qu'un exemple de la façon dont le gouvernement du Canada exerce activement et régulièrement sa souveraineté dans le Nord, Les Forces canadiennes jouent un rôle important pour atteindre nos objectifs dans le Nord et c'est pourquoi le gouvernement du Canada s'assure qu'elles ont les outils nécessaires pour remplir une gamme complète de tâches dans l'Arctique, incluant des opérations de surveillance, de souveraineté et de recherche et sauvetage. »

Le vice-amiral Dean McFadden, commandeur du Commandement Canada, a ajouté :

« Conformément à la stratégie de défense du Canada d'abord, nous insistons beaucoup sur nos opérations dans le Nord, incluant le Haut Arctique. Cette opération souligne la valeur des Rangers canadiens, nos yeux et nos oreilles dans le Nord, qui, sous la direction du gouvernement, connaissent une croissance de leur effectif pour atteindre 5 000 membres. »

Le brigadier-général David Millar, le commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), a quant à lui indiqué que :

« Cette opération est une occasion en or d'étendre nos capacités d'opérer dans l'Arctique canadien. En plus de patrouilles aériennes et terrestres, cette opération exige une gamme de capacités de soutien militaires — communications, renseignement, cartographie et imagerie satellite. »[43]

Le contre-amiral danois Henrik Kudsk, du Commandement du Groenland, a participé aux exercices « pour discuter de la coopération militaire dans le Nord ».[44]

Pour mieux démontrer l'unité de l'OTAN face à un ennemi commun, la Russie, « un appareil de recherche canadien est prévu survoler le 90 Nord ce mois-ci dans le cadre d'une mission conjointe du Canada et du Danemark pour renforcer les revendications territoriales de ces deux pays sur la dorsale de Lomonossov avec son riche potentiel en pétrole. »[45]

Le même mois, en avril, faisant cette fois-ci une démonstration d'unité bipartisane, les participants à une réunion du Parti libéral à Vancouver ont discuté « d'une politique dure concernant l'Arctique qui appelle le gouvernement à faire respecter "activement et agressivement" la souveraineté du Canada dans le Nord, y compris par l'expansion de son rôle militaire. »[46]

Un grand quotidien canadien a révélé des informations sur le programme Polar Breeze du ministère canadien de la Défense nationale, le qualifiant de projet militaire de 138 millions $ « si secret que le ministère a même catégoriquement nié son existence au début ».

« Aujourd'hui, à part revenir sur sa dénégation, l'armée refuse de répondre à toute question concernant ce projet qui, selon des experts, a un rôle dans la protection de la souveraineté et de la sécurité du Canada dans l'Arctique ».[47]

Le quotidien ajoute que le projet « comprend la cachottière direction du développement spatial, des réseaux informatiques et du renseignement géospatial (donnée recueillies par satellite) des Forces canadiennes » et qu'il « pourrait avoir des fonctions plus étendues, dont le partage de renseignements militaires délicats entre les différentes branches des Forces canadiennes avec des alliés importants. »[48]

Au début du mois de mai le sénat canadien a déposé un rapport dans lequel il demande « que le Canada arme ses brise-glace de la garde côtière et fasse des Rangers du Nord des unités mieux formées pouvant participer au combat si nécessaire ».[49]

Un peu plus tard, dans une dépêche intitulée « After Russian talk of conflict, Tories say military is prepared », le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a dit que « la stratégie de défense du gouvernement aidera l'armée à "agir dans l'exercice de la souveraineté du Canada dans le Nord" et a énoncé des plans pour établir une flotte de patrouilleurs de l'Arctique, un quai d'accostage en eau profonde à l'île de Baffin, un centre de formation militaire de l'Arctique et l'expansion des Rangers canadiens. [...]. »[50]

Les références répétées à la Russie et à aucun autre pays tandis que le Canada renforce sa coopération militaire avec les autres revendicateurs de l'Arctique au sein de l'OTAN ne laissent aucun doute contre qui est dirigée l'expansion militaire du Canada dans le Nord. Les récents déploiements et les installations nouvelles ou améliorées ne peuvent servir dans un conflit conventionnel avec un adversaire militaire moderne. Mais ils signalent l'intensification de la campagne pour présenter la Russie comme une menace, voire la menace, pour le Canada.

Un journal internet citait récemment Piotr Dutkiewicz, directeur de l'Institut des études européennes et russes de l'Université Carleton, qui se dit inquiet de l'« étrange rhétorique des derniers mois qui présente la Russie comme un ennemi potentiel. [...] »[51]

La rhétorique est appuyée par l'action et n'est pas étrange mais parfaitement compréhensible.

On est en train de préparer le Canada à jouer un rôle semblable à celui que joue la Géorgie depuis plusieurs années dans le sud de la Caucase, c'est-à-dire celui d'une nation comparativement petite (pour ce qui est de la population) située près de la Russie qui sera appelée à jouer un rôle pour le compte d'acteurs beaucoup plus puissants. Et si la Russie devait répondre de quelque façon aux « démonstrations de résolution » du Canada, que ce soit par l'embrouillage aérien ou avec la descente d'un bombardier (la bravade peut toujours mal tourner), les États-Unis et l'OTAN seraient forcés d'offrir leur soutien et leur aide, y compris par l'action militaire, suivant l'Article 5 de l'OTAN. En fait, c'est peut-être exactement ce que veulent Washington et Bruxelles.

Plutôt que de continuer d'offrir son soutien diplomatique et militaire à la Géorgie, le Canada aurait davantage intérêt à tirer des leçons de la guerre du Caucase d'août dernier : Une guerre peut être déclenchée suivant les termes de l'agresseur mais se terminer suivant ceux d'un autre.

Notes

1. CanWest News Service. 26 mai 2009
2. Canwest News Service, 11 décembre 2008
3. Ibid
4. Canwest News Service, 11 mai 2009
5. Bibliothèque du Parlement, 7 décembre 2007
6. National Security Presidential Directive 66 on Arctic Region Policy
http ://www.fas.org/irp/offdocs/nspd/nspd-66.htm
7. Ibid
8. Prensa Latina, 29 mars 2007
9. Navy NewsStand, 30 mars 2007
10. Navy NewsStand, 29 mars 2007
11. Stop NATO, 2 février 2009, http ://groups.yahoo.com/group/stopnato/message/37104
12. Interfax-Military, 26 septembre 2006
13. National Security Presidential Directive, January 9, 2009
14. Ibid
15. Canwest News Service, 19 août 2008
16. Canwest News Service, 12 septembre 2008
17. CBC, 27 février 2009
18. Ibid
19. Vancouver Sun, 27 mars 2009
20. U.S. Geological Survey, mai 2008, http ://geology.com/usgs/arctic-oil-and-gas-report.shtml
21. Live Science, 24 juillet 2008
22. Science, 29 mai 2009, http ://www.sciencemag.org/cgi/content/short/324/5931/1175]
23. Globe and Mail, 28 mai 2009
24. Bloomberg, 29 mai 2009
25. Daily Tech, 1er juin 2009
26. Globe and Mail, 28 mai 2009
27. NATO International, 29 janvier 2009
28. Ibid
29. NATO International, Supreme Headquarters Allied Powers Europe, 29 janvier 2009
30. Itar-Tass, 13 mai 2009
31. The Times, 14 mai 2009
32. Barents Observer, 28 mai 2009
33. Defense Professionals, 25 mai 2009
34. Globe and Mail, 24 mai 2009
35. Canadian Press, 19 août 2007
36. Financial Times, 18 août 2008
37. Canwest News Service, 19 août 2008
38. Reuters, 28 août 2008
39. RosBusinessConsulting, 18 septembre 2008
40. Agence France Presse, 19 septembre 2008
41. Canwest News Service, 15 décembre 2008
42. Daily Gleaner (Nouveau-Brunswick), 22 avril 2009
43. Défense nationale, 2 avril 2009.
44. Ibid
45. Canwest News Service, 5 avril 2009
46. Edmonton Sun, 13 avril 2009
47. Globe and Mail, 27 avril 2009
48. Ibid
49. Canadian Press, 7 mai 2009
50. Canwest News Service, 15 mai 2009
51. Embassy, 29 avril 2009

(Traduit de l'anglais par Le Marxiste-Léniniste)

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