- Rick Rozoff, Stop NATO, 3 juin
2009 -
Faisant référence à des
documents
récemment rendus publics, tout en se gardant de dire
lesquels,
une des grandes agences de presse canadiennes rapportait le 26
mai que
le gouvernement avait l'intention d'acquérir une
« famille » de drones aériens au
cours des
dix prochaines années.[1]
La dépêche ne faisait que deux
paragraphes
et pourrait facilement échapper à l'attention,
puisque
l'un des deux buts visés par l'expansion de l'arsenal
militaire
aérien du Canada concerne « des États
échoués ou en voie d'échouer ».
Il ne
fait pas de doute que l'Afghanistan est une de ces zones en
question et
Ottawa y a déployé ses
premiers drones Heron, de fabrication israélienne, en
janvier
dernier, pour participer à la guerre de l'OTAN en Asie du
Sud.
Une autre cible probable de missions
« ennuyantes, salles et dangereuses »,
parfaites
pour les aéronefs sans pilote, est la Somalie. Près
des
côtes de ce pays la frégate HMCS Winnipeg,
transportant un hélicoptère Sea King qu'elle a eu
l'occasion d'utiliser, participe à des arraisonnements
maritimes
et à d'autres opérations
militaires comme partie du Groupe maritime permanent 1 de l'OTAN
(SNMG1). L'utilisation d'aéronefs sans pilote dans une
extension
des actions militaires jusqu'en sol somalien, qui semble
probable, ne
ferait malheureusement pas sourciller beaucoup de monde.
La courte dépêche se termine
cependant avec
cette phrase : « Des commandants
supérieurs
prévoient également une plus grande utilisation de
drones
au Canada, surtout le long des côtes et dans
l'Arctique. »
Pour donner une idée de l'utilisation que
le
projet JUSTAS (système interarmées de surveillance
et
d'acquisition d'objectifs au moyen d'UVA) entend faire de ces
appareils
dans l'Arctique, il pourrait être question du
« Heron
TP, un drone de 4 650 kg qui a la même envergure qu'un
Boeing
737 » et qui « peut transporter
une charge de 1 000 km et rester en vol pendant 36 heures
à une
altitude d'environ 15 000 mètres » pour
« des patrouilles de longue portée au-dessus de
l'Arctique et en mer ».[2]
Le projet JUSTAS coûterait
« jusqu'à 750 millions $ et [...]
donnerait
à l'armée canadienne une capacité que seule
une
poignée de pays possèdent ».[3]
Le lendemain de la parution de cette
dépêche la même source résumait des
propos du
ministre canadien de la Défense nationale Peter MacKay
dans ces
mots : « Le ralentissement économique
mondial
n'empêchera pas les Forces canadiennes de dépenser
60
milliards $ pour de nouveaux
équipements. »
Bien que le déficit fédéral
du
Canada est prévu atteindre 50 milliards cette
année,
comparé à 34 milliards $ en 2008,
« M.
MacKay a dit que la stratégie de défense à
long
terme du Canada fera grimper le budget annuel de la
défense de
19 milliards $ cette année à 30
milliards $ en
2027. C'est donc 490
milliards $ qui seront dépensés au cours de
cette
période pour la défense, dont 60 milliards pour de
nouveaux équipements. »[4]
Il y a fort à parier que la plupart des
Canadiens
ne sont pas au courant des développements sur ces deux
fronts : les plans pour l'achat de drones de pointe
conçus
non seulement pour la surveillance mais aussi pour le lancement
de
missiles, à déployer dans l'Arctique, et une hausse
importante du budget militaire d'un pays qui a déjà
doublé ses dépenses pour la défense en dix
ans.
Pour les autres, la question se pose à
savoir
pourquoi un pays de 33 millions d'habitants, qui n'a de
frontières qu'avec un autre pays, les États-Unis,
son
partenaire supérieur au sein du NORAD (Commandement de la
défense aérospatiale de l'Amérique du Nord),
de
l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) et,
de plus
en plus
depuis 2006, du Northern Command (NORTHCOM) du Pentagone, aurait
besoin
de dépenser près d'un demi billion de dollars en
armements au cours des 18 prochaines années. Et pourquoi,
en
plus d'acquérir des armes pour la guerre et autres
opérations militaires en Europe, en Asie et en Afrique, le
Canada déploierait-il ses armements les plus
modernes dans le cercle polaire.
Un auteur français du XIXe siècle
écrivait que les canons ne sont pas forgés pour
être paradés dans des parcs publics. Et le
déploiement de drones porteurs de missiles dans le grand
nord
n'est pas pour défendre la souveraineté du Canada
dans la
région, contrairement à ce que laissent souvent
entendre
pour la consommation intérieure les
représentants du gouvernement actuel de Stephen Harper. Il
n'y a
qu'un État qui menace cette souveraineté, et ce
sont les
États-Unis. Et Ottawa n'a aucun désir de
défendre
ses intérêts contre son voisin du nord.
Les récents exercices militaires et le
récent déploiement du Canada dans l'Arctique, d'une
ampleur sans précédent, dont la proposition
d'utiliser
des drones n'est que le dernier exemple, sont dirigés
exclusivement contre la Russie.
Dans un document affiché sur le site du
Parlement
canadien en 2007, on lit : « Depuis quelques
années, le Canada affirme haut et fort sa
nordicité. Cet
intérêt accru pour l'Arctique tient essentiellement
aux
effets attendus du réchauffement climatique sur la
région, qui devraient être parmi les plus forts au
monde.
En facilitant
l'accès à la région, les menaces et les
débouchés s'amplifient et se multiplient. Les
revendications du Canada sur l'Arctique devraient donc occuper
une
place plus primordiale dans nos relations avec certains pays. Le
moment
semble donc bien choisi pour se pencher sur la
souveraineté et
la compétence du Canada sur les eaux et le territoire
arctiques et cerner les questions
controversées. »[5]
Les revendications du Canada dans l'Arctique
s'étendent jusqu'au pôle Nord, comme pour la Russie
et le
Danemark, tant que Copenhague conserve sa possession du
Groenland.
Au centre du conflit entre le Canada et la Russie
se
trouve la dorsale Lomonossov qui s'étend sur 1 800 km
entre les
Îles de Nouvelle-Sibérie de la Russie et l'Île
d'Ellesmere du Canada, dans le Nunavut, qui fait partie de
l'archipel
arctique canadien, en passant par le centre de l'océan
Arctique.
La Russie soutient que la dorsale de Lomonossov
et l'élévation de Mendeleyev qui s'y rattache sont
une
prolongation de son plateau continental. Elle a
déposé
une revendication à cet effet auprès de la
Commission des
limites du plateau continental de l'ONU en décembre 2001
et l'a
renouvelé à la fin de 2007.
Il y a trois volets à la réponse
à
la question concernant l'enjeu du contrôle de cette vaste
étendue de l'océan Arctique et à celle
concernant
l'escalade et l'expansion militaires du Canada dans
l'Arctique.
Positionnement militaire stratégique pour
la
guerre nucléaire
Neuf jours avant de quitter ses fonctions à
la
Maison blanche, le 20 janvier, le président des
États-Unis George W. Bush a émis la Directive
présidentielle de sécurité nationale
numéro
66 sur la politique pour la région de l'Arctique.[6]
On y lit que « les États-Unis
sont un
pays de l'Arctique ayant des intérêts variés
et
obligatoires dans cette région » et que
« les États-Unis ont des intérêts
de
sécurité nationale fondamentaux et étendus
dans la
région de l'Arctique et sont disposés à agir
indépendamment ou en conjonction avec d'autres
États pour
protéger ces
intérêts. Ceux-ci comprennent la défense
anti-missile et l'alerte avancée ; le
déploiement de
systèmes marins et aériens pour le transport
maritime
stratégique, la dissuasion stratégique, la
présence maritime et les opérations de
sécurité maritimes ; et la protection de la
liberté de navigation et de survol. »[7]
Les prétentions américaines dans
l'Arctique sont basées entièrement sur la
possession de
l'Alaska, qui est séparée du reste du territoire
continental des États-Unis par 800 km de territoire
canadien.
La Directive de sécurité nationale
66
exploite l'emplacement de l'Alaska pour réclamer le droit
d'établir des forces militaires stratégiques (des
bombardiers à long rayon d'action capables de livrer des
armes
nucléaires ainsi que des navires et des sous-marins
capables de
lancer des ogives) dans l'Arctique à une distance pouvant
facilement
atteindre la Russie à partir de l'est et par dessus le
pôle Nord.
Ils se réservent aussi le droit, comme nous
l'avons souligné, de stationner des composantes de la
soi-disant
défense antimissile dans la région. Les mots
« défense antimissile » ne sont pas
aussi
inoffensifs qu'ils en ont l'air. Dans le contexte d'aujourd'hui,
ils se
rapportent aux plans des États-Unis et de leurs
alliés de
construire un
système international d'interception de missile
relié par
satellites éventuellement muni de missiles
déployés dans l'espace pouvant paralyser le
potentiel
militaire stratégique (nucléaire et à long
terme)
d'autres pays et d'intercepter les ripostes de pays ciblés
par
une première frappe.
Les silos à missiles intercepteurs et les
stations de radar des États-Unis et de l'OTAN en Pologne,
en
République tchèque, en Norvège et en
Grande-Bretagne à l'ouest de la Russie (déjà
en
place ou en préparation) et une structure analogue en
Alaska, au
Japon et en Australie, à l'est de la Russie et de la
Chine,
établissent leur capacité d'attaquer
et de détruire tout missile balistique intercontinental
(MBIC)
et tout bombardier à long cours qui échapperait
à
une première frappe militaire massive des
États-Unis et
de leurs alliés.
Le terme missile intercepteur est trompeur. Les
plans de
défense antimissile préparent l'Amérique
à
frapper des MBIC durant la propulsion et la phase terminale et
aussi
durant le lancement, alors il n'y a qu'un pas entre frapper un
missile
au moment de son lancement et le frapper durant la
préparation
au lancement ou même quand il est encore
dans le silo.
Bien qu'en théorie les missiles n'ont pas
besoin
d'être armés d'ogives nucléaires dans la
première frappe et dans l'interception antimissile, ils le
seront presque certainement s'ils sont lancés contre une
puissance nucléaire pouvant rétorquer avec des
armes
nucléaires.
Le troisième appui de la triade
nucléaire
d'un pays, après les bombardiers à long cours et
les
missiles terrestres, sont les sous-marins équipés
de
missiles balistiques à lanceur sous-marin pouvant
être
munis d'ogives nucléaires. Ceux-ci peuvent être
repérés à partir de l'espace et
frappés
plus tard par des missiles basés dans l'espace.
La Russie est le seul pays non occidental et non
membre
de l'OTAN à posséder une triade nucléaire
effective.
Dans le scénario décrit ci-dessus il
n'y a
qu'un endroit sur la terre où la Russie peut maintenir une
capacité de dissuasion crédible : sous la
calotte
glaciaire de l'Arctique polaire.
Selon une dépêche de 2007,
« dans le plus grand secret des forces navales de
l'OTAN
cherchent à contrôler l'océan Arctique dans
la
poursuite de l'expansion du bloc militaire vers la Russie,
rapporte le Military
Industry Herald. [...]
« Comme durant les moments les plus
tendus de
la guerre froide, les troupes de l'Organisation du traité
de
l'Atlantique Nord essaient de prendre le contrôle de la
route de
l'Arctique, écrit le journal. [...] La marine
américaine,
en conjonction avec ses alliés britanniques, relève
le
défi de chasser les sous-marins russes de la région
de
l'Arctique. »[8]
Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont
mené l'exercice Operation Ice 2007 sous la calotte polaire
et
ont répété les manoeuvres plus tôt
cette
année avec Ice Exercice 2009.
Durant les exercices de 2007 un site de la marine
américaine nous apprenait que « la force
sous-marine
continue de se servir de l'océan Arctique comme route
alternative pour déplacer les sous-marins entre
l'Atlantique et
le Pacifique. [...] Les sous-marins peuvent atteindre l'ouest du
Pacifique directement en passant par les eaux
internationales de l'Arctique plutôt que par le canal de
Panama. »[9]
Le sujet de l'utilisation de l'Arctique, et en
particulier du légendaire et maintenant praticable Passage
du
Nord-Ouest, pour le transport civile et militaire sera
abordé
avec la deuxième composante dans la bataille pour
l'Arctique.
En avril 2007, Barry L. Campbell, chefs des
opérations au laboratoire sous-marin de l'Arctique de la
marine
américaine, a dit par rapport aux plans de guerre de
l'OTAN en
Arctique : « Nous sommes une marine mondiale et
la
position de la Marine est que nous devrions pouvoir opérer
dans
tous les océans du monde. [...] Quand
vous passez par l'Arctique, personne ne sait que vous êtes
là. [...] Nous nous attendons à ce que tous nos
sous-marins puissent opérer dans l'Arctique. [...] Notre
position stratégique est de pouvoir opérer partout
dans
le monde, et pour nous l'Arctique en fait partie. [...] Si jamais
nous
devions mener une bataille là-dessous, ce serait une
opération
conjointe. »[10]
Dans un article précédant dans cette
série, « Le nouveau champ de bataille
stratégique de l'OTAN et du Pentagone :
L'Arctique »,[11] nous observions
qu'« avec la
présence de systèmes de radar par missile et
satellite et
d'interception de missiles des États-Unis et de l'OTAN
partout
dans le monde et dans l'espace, le
seul endroit où la Russie pourrait maintenir une
capacité
de dissuasion et/ou de rétorsion contre une foudroyante
première frappe nucléaire est sous la calotte
polaire.
[...] Sans cette capacité la Russie pourrait devenir
complètement sans défense dans
l'éventualité d'une première frappe
nucléaire. »
En 2006 des sources près de l'armée
russe
citaient l'amiral Vladimir Masorin, commandant de la marine,
parlant
des conditions à réunir pour que les sous-marins
russes
puissent maintenir une présence sous la calotte glaciaire
de
l'Arctique : « Il faut un entraînement pour
aider
les sous-marins stratégiques de la flotte russe à
se
rendre dans la région glaciaire de l'Arctique, qui est la
moins
vulnérable à la surveillance par l'adversaire, et
être prêts à riposter à une attaque au
missile balistique dans l'éventualité d'un conflit
nucléaire.
« Pour être en mesure d'accomplir
cette
tâche, la tâche de préserver les sous-marins
stratégiques, il est nécessaire de former des
sous-mariniers russes dans l'art de naviguer sous la glace de
l'Arctique. »[12]
Le Passage du Nord-Ouest pourrait transformer la
navigation civile et militaire mondiale : Le Canada
confronte la
Russie
Ces dernières années l'accès
à une voie directe entre l'Atlantique et le Pacifique dans
l'hémisphère nord, par le Passage du Nord-Ouest,
offre la
possibilité de réduire la navigation, tant civile
que
militaire, de plusieurs milliers de kilomètres et de
plusieurs
jours, sinon de semaines, comparé aux routes
traditionnelles
passant par le canal de Panama ou celui de Suez et même
contournant la corne de l'Afrique et l'Amérique du Sud,
pour les
navires plus grands devant faire le détour par le sud.
La fonte dans l'Arctique a réduit les
glaces dans
la région à leur plus bas niveau au cours des 33
années où elles ont été
mesurées par
images satellite, et le Passage du Nord-Ouest est
entièrement
ouvert pour la première fois de l'histoire.
La Directive présidentielle de
sécurité nationale 66 signale également
l'intention de « préserver la mobilité
globale
des vassaux et aéronefs militaires et civils des
États-Unis par la région de l'Arctique »
et de
« projeter une présence maritime
souveraine
des États-Unis dans l'Arctique en soutien aux
intérêts essentiels des
États-Unis. »[13]
Le Canada prétend que le Passage du
Nord-Ouest
est situé exclusivement sur son territoire, mais
Washington
affirme lui que « le Passage Nord-Ouest est un
détroit utilisé pour la navigation internationale
et que
la voie maritime du Nord comprend des détroits
utilisés
pour la navigation internationale ; le régime de
passage
s'applique au passage par ces détruits. La
préservation
des droits et devoirs relatifs à la navigation et au
survol de
la région Arctique soutient notre capacité à
exercer ces droits partout dans le monde, y compris dans les
détroits stratégiques. »[14]
Il semble donc que les États-Unis
contestent la
prétention du Canada que ce passage, qui longe le nord de
ce
pays et d'aucun autre, fait partie de son territoire national, et
veulent l'internationaliser.
Quoi qu'il en soit, rien n'indique qu'aucun des
représentants du gouvernement canadien, que ce soit le
Parti
conservateur au pouvoir, le Parti libéral dans
l'opposition ou
même le Nouveau Parti démocratique, ait réagi
à la Directive de sécurité nationale des
États-Unis, la première déclaration
importante des
États-Unis sur cette affaire en quinze
ans, ne serait-ce que par un murmure de
désapprobation.
Au lieu de cela, les autorités canadiennes,
et en
particulier le gouvernement fédéral, tournent toute
l'attention, et une hostilité évidente, sur la
Russie, un
pays qui ne réclame pas le droit de déployer des
navires
de guerre avec des missiles à long rayon d'action, des
sous-marins nucléaires et des destroyers de classe Aegis
équipés de missiles
intercepteurs à quelques kilomètres du plateau
continental canadien à l'extrémité
élargie
du Passage, à l'ouest, et d'autres vaisseaux entre le
plateau
continental et ses îles nordiques.
Les menaces, fanfaronnades, insultes et
provocations des
hauts représentants du gouvernement canadien depuis trois
mois
et demi atteignent parfois une hystérie comparable et
même
pire que ce qu'on a vu durant la guerre froide.
Des signes avant-coureurs de la campagne actuelle
sont
apparus en août dernier, après la guerre de cinq
jours
entre la Géorgie et la Russie, lorsque le premier ministre
Stephen Harper a « accusé la Russie de revenir
à une "mentalité de l'ère
soviétique" »[15] et que le
ministre des Affaires
étrangères Peter MacKay a déclaré que
« lorsque nous voyons un avion "Russian Bear" [Tupolev
Tu-95]
s'approcher de l'espace aérien canadien, nous allons
à sa
rencontre avec un F-18 »[16]. Elle
n'a pas
relâché depuis.
Puis à la mi-février le
président
américain Barack Obama a choisi Ottawa, la capitale
canadienne,
pour sa première visite à l'extérieur des
États-Unis après son entrée en fonction. Un
peu
avant son arrivée le ministre MacKay a
déclaré
concernant la prétendue interception d'un bombardier russe
au-dessus de l'océan Arctique, un espace
international neutre : « Ils [deux chasseurs F18]
sont
allés à la rencontre d'un avions russe qui
s'approchait
de l'espace aérien canadien et comme ils l'ont fait
à
d'autres occasions, ils ont envoyé des signaux très
clairs, qui ont été compris, enjoignant à
l'avion
de faire demi-tour et de retourner dans son espace aérien,
ce
qu'il a fait.
« Je ne vais pas accuser les Russes
d'avoir
fait cela délibérément pendant une visite
présidentielle, mais c'est une forte
coïncidence. »[17]
La Russie a souvent envoyé des patrouilles
survoler l'océan Arctique, la mer de Barents et la mer du
Nord
et près des côtes de l'Alaska depuis l'automne 2007.
De
plus, selon l'emplacement exact du bombardier russe à ce
moment-là, il aurait pu être à 6 000 km
d'Ottawa,
ne posant donc aucune menace et n'étant donc un
avertissement ni
pour
Obama, ni pour le Canada.
Poursuivant la diatribe de son ministre de la
Défense, le premier ministre Stephen Harper a dit :
« J'ai exprimé à
différentes occasions la grande inquiétude de notre
gouvernement face aux actions de plus en plus agressives de la
Russie
dans le monde et face aux intrusions russes dans notre espace
aérien.
« Nous allons défendre notre
espace
aérien, nous avons aussi des obligations de défense
continentale envers les États-Unis. Nous allons nous
acquitter
de ces obligations de défendre notre espace aérien
continental et nous allons défendre notre
souveraineté et
nous allons réagir à toute à atteinte
à
notre souveraineté par la Russie dans
l'Arctique canadien. »[18]
Après que la Russie ait annoncé son
intention de se doter d'une force militaire disponible pour
défendre ses intérêts dans l'Arctique d'ici
2020,
dans onze ans, le ministre des Affaires étrangères
Lawrence Cannon, dans la foulée de son
prédécesseur et et ministre actuel de la
Défense
Peter MacKay et du premier ministre Harper, a dit :
« Soyons parfaitement clair. Le Canada ne se laissera
pas
intimider.
« La souveraineté en fait partie
[de
la politique sur le Nord]. Nous n'allons pas déroger
à
cet objectif. La souveraineté est de la plus haute
importance
pour nous, alors nous n'allons pas en
déroger. »[19]
Il n'a pas précisé comment la Russie
avait
remis en cause la souveraineté de son pays, sauf
peut-être
en ne cédant pas gratuitement la dorsale de Lomonossov,
bien
que, si M. Cannon s'était donné la peine de lire la
Direction de sécurité nationale 66 du
président
américain, il aurait eu droit à une leçon en
accéléré sur ce qu'est une menace
réelle
à la souveraineté et à
l'intégrité
territoriale du Canada.
On verra comment le Canada traduira ses paroles en
actes.
Le contrôle des ressources
énergétiques du monde et la poussée de
l'OTAN dans
l'Arctique
Une étude géologique de l'Arctique
de la
U.S. Geological Survey parue en mai 2008 estimait qu'il y avait
« du pétrole et du gaz naturel non
découverts
dans 33 provinces géologiques considérées
comme
pouvant renfermer du
pétrole. En faisant la somme de l'évaluation
moyenne pour
chaque province, il pourrait y avoir une réserve
inexplorée de 90 milliards de barils de pétrole, 1
669
billions de pieds cubes de gaz naturel et 44 milliards de barils
de
liquide de gaz naturel dans l'Arctique, dont environ 80 % au
large. »[20]
« L'Arctique inexploré renferme
environ un cinquième du pétrole non
découvert de
la planète et près du tiers du gaz naturel encore
à découvrir. [...] Les réserves
inexploitées se trouvent en-dessous du plancher
océanique
dans des zones géopolitiquement controversées
au-dessus
du cercle polaire. »[21]
Il y quatre jours, la revue Science
publiait
une nouvelle étude de la U.S. Geological Survey qui
« évaluait la région au nord du cercle
polaire
et concluait qu'environ 30 % des réserves non
découvertes de gaz et 13 % des réserves non
découvertes de pétrole de la planète
pourraient
s'y trouver, surtout au large sous
500 mètres d'eau. Le gaz naturel non découvert est
trois
fois plus abondant que le pétrole dans l'Arctique et est
concentré en grande partie en Russie. »[22]
Le rapport complet n'est accessible qu'aux
abonnés, mais le quotidien canadien The Globe and
Mail
cite cet extrait : « Bien qu'en quantité
aussi
considérable qu'on en trouve en Alaska, au Canada et au
Groenland, les ressources non découvertes de gaz naturel
sont
concentrées sur le territoire russe et leur exploitation
renforcerait la position stratégique
prééminente
de ce pays. »[23]
En plus d'estimer que le cercle polaire de
l'Arctique
contient 30 % du gaz naturel non découvert de la
planète, l'étude revoit à la hausse ses
prédictions concernant le potentiel de pétrole, de
90
milliards de barils l'année dernière à 160
milliards dans le rapport de cette année.
Une dépêche résume comme suit
les
conclusions de l'étude sur le potentiel de la
région en
gaz naturel : « La région de l'Arctique
pourrait
contenir suffisamment de gaz naturel pour satisfaire la demande
mondiale actuelle pendant 14 ans et la majeure partie de ce
potentiel
appartient à la Russie. [...] »[24]
On trouve sur un site web cette perspective
additionnelle sur l'importance des nouveaux chiffres :
« Le potentiel nouvellement découvert
représente plus de 35 années d'importation de
pétrole aux États-Unis ou l'équivalent de
cinq
années de consommation mondiale du pétrole.
« Le Canada, le Groenland/Danemark, la
Norvège, la Russie et les États-Unis, qui sont tous
limitrophes du cercle polaire de l'Arctique, sont engagés
dans
une course pour les ressources non exploitées.
« Les ressources
pétrolières se
chiffreraient à 10,6 billions $ au prix du
pétrole
actuel. La majeure partie des réserves sont en eau peu
profonde
(moins de 500 mètres), ce qui rend l'extraction
relativement
facile. »[25]
Un quotidien canadien offre ce rappel
laconique :
« Les nouveaux estimés concernant le potentiel
pétrolier et gazier du Nord arrivent à l'heure
où
le Canada et ses voisins polaires sont engagées dans une
rivalité intense dans leur revendication des vastes
étendues du plateau continental sous l'océan
Arctique. »[26]
Là où sont découvertes ou
soupçonnées de vastes réserves
d'hydrocarbure
jusque là inexploitées, l'OTAN n'est jamais loin
derrière, de la mer Caspienne au golfe de Guinée et
à l'océan Arctique. Les 28 et 29 janvier derniers,
l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord tenait un
sommet
sur l'Arctique dans la capitale de l'Islande, sous le
thème « Perspectives en matière de
sécurité dans le Grand Nord ».
Y assistaient le secrétaire
général
de l'alliance Jaap de Hoop Scheffer, deux hauts commandants
militaires
de l'OTAN et le président du Comité militaire
« ainsi que de nombreux autres décideurs et
experts
des pays alliés ».[27]
Scheffer a fait preuve d'une franchise assez
inhabituelle dans son allocution, du moins lorsqu'il a dit :
« Le Grand Nord va demander une plus grande attention
de
l'Alliance au cours des prochaines années.
« Avec la diminution de la calotte
glaciaire
augmentent les possibilités d'exploiter la richesse
minérale et les réserves énergétiques
du
Grand Nord.
« À notre sommet de Bucarest
l'année dernière, nous nous sommes entendus sur
plusieurs
principes directeurs concernant le rôle que doit jouer
l'OTAN en
matière de sécurité
énergétique.
[...]
« L'OTAN offre une plate-forme à
quatre États limitrophes de l'Arctique [Canada, Danemark,
Norvège, États-Unis] pour informer, discuter et
partager
leurs préoccupations. Et cela m'amène directement
au
prochain sujet, soit l'activité militaire dans la
région.
« De toute évidence, le Grand
Nord est
une région d'importance stratégique pour
l'Alliance. »[28]
Le commandant suprême des forces
alliées de
l'OTAN et chef du commandement européen du Pentagone, le
général Bantz John Craddock, qui s'est
également
adressé à la conférence,
« était
d'avis que l'OTAN est en mesure d'apporter une grande
contribution
à l'effort de coopération dans des domaines comme
le
développement et la
sécurité des voies navigables, la
sécurité
énergétique, la surveillance, la recherche et
sauvetage,
l'exploration des ressources et les mines. [...] »[29]
Craddock a hérité de sa double
assignation
du général de la marine James Jones, l'architecte
du
nouveau Commandement africain des États-Unis et actuel
conseiller en matière de sécurité nationale,
qui
supervise sûrement les efforts de l'armée
américaine et de l'OTAN dans la course pour le
contrôle
des sources mondiales d'énergie.
Développement multilatéral
pacifique ou
guerre dans l'Arctique ?
Les États-Unis et l'OTAN dissimulent
à
peine leurs desseins militaires stratégiques dans
l'Arctique,
pour établir un accès à ce qui pourrait
être
la plus grande réserve inexploitée de
pétrole et
de gaz naturel au monde et y établir leur domination,
à
la lumière
du fait que le Passage du Nord-Ouest pourrait redéfinir la
navigation internationale et le commerce par voie maritime.
Comme avec les nombreux projets de transport
énergétique dans le bassin de la mer Caspienne,
dans le
Caucase, dans la région de la mer Noire et dans les
Balkans, en
Irak et en Afrique, pour l'Occident l'extraction et le transport
du
pétrole et du gaz naturel est un jeu à l'issue
duquel il
ne peut y avoir qu'un seul gagnant, dicté par le
désir de
dominer les autres et de ne partager avec personne.
La récente étude de la U.S.
Geological
Survey laisse entendre que l'océan Arctique pourrait
contenir
non seulement le tiers des ressources non découvertes de
gaz
naturel de la planète mais aussi les deux tiers de ce que
l'Arabie saoudite, le plus grand producteur au monde,
possèderait selon les estimés conventionnels :
160
milliards de
barils pour environ 260 milliards de barils.
Les États-Unis et les alliés de
l'OTAN ne
vont pas permettre à la Russie d'avoir accès
à la
part du lion de ces deux sources. Ils ont mené trois
guerres
depuis 1999 pour beaucoup moins. On estime que l'Irak, par
exemple,
possède l'équivalent de 115 millions de barils de
pétrole.
Le mois dernier le président russe Dimitri
Medvedev a approuvé le projet de Stratégie de
sécurité nationale de son pays jusqu'en 2020, qui
dit
entre autres que « la menace principale à la
sécurité nationale de la Russie est la politique
suivie
par certains États qui visent à établir leur
supériorité militaire par rapport à la
Russie,
à
commencer avec les forces nucléaires
stratégiques.
« Les menaces à la
sécurité militaire sont la politique d'un certain
nombre
d'États étrangers qui cherchent à
établir
leur supériorité militaire, à commencer par
les
forces nucléaires stratégiques, en mettant au point
des
instruments d'information et autres outils de guerre de grande
précision, des armements stratégiques non
nucléaires, avec
la création unilatérale du système mondial
de
défense antimissile et la militarisation de l'espace, qui
risque
de créer une nouvelle spirale de la course aux armements,
et la
mise au point de technologies nucléaires, chimiques et
biologiques, la production d'armes de destruction massive ou
leurs
composantes et moyens de livraison. »[30]
La stratégie russe, pour citer le Times
de Londres, soutient également que
l'« intensification de la rivalité pour la
possession
des vastes champs pétroliers et gaziers inexploités
près de ses frontières sera une source de conflit
militaire potentiel au cours des dix prochaines
années. »
« Les États-Unis, la
Norvège,
le Canada et le Danemark contestent la revendication par la
Russie
d'une partie du plateau de l'Arctique, couvrant une superficie
équivalant à celle de l'Europe de l'Ouest, qui
contiendrait des milliards de tonnes de pétrole et de gaz
naturel. »[31]
Lors d'une rencontre des ministres des Affaires
étrangères du Conseil de l'Arctique, à la
fin
d'avril, la Russie a fait une mise en garde contre la
militarisation de
l'Arctique. Mais dans l'Occident l'avertissement est tombé
dans
l'oreille d'un sourd.
Le 28 mai, l'ambassadeur de la Norvège
à
l'OTAN a amené ses homologues britannique, danois,
allemand,
estonien et roumain dans un « voyage d'exploration du
Grand
Nord » près du cercle polaire où le
ministre
norvégien des Affaires étrangères a
« rappelé à quel point il est important
que
l'OTAN s'intéresse aux
questions de sécurité dans le Grand
Nord. »[32]
Trois jours plus tôt, le secrétaire
d'État de ce pays, Espen Barth Eide, prenant la parole
devant le
Comité de la défense et de la
sécurité de
l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à Oslo, a
dit :
« La Russie semble de plus en plus disposée
à
se livrer à la rhétorique politique et même
à l'usage de la force militaire [...] L'OTAN a un
rôle très important à jouer et la
Norvège
défend cette position depuis longtemps. L'Alliance est au
coeur
de la stratégie de sécurité et de
défense
de tous les États de l'océan Arctique sauf un.
« L'OTAN a déjà une
certaine
présence et joue un rôle dans le Grand Nord
aujourd'hui,
principalement par l'entremise du Système de
défense
aérienne intégrée, qui comprend des
chasseurs en
alerte et des vols de surveillance AWACS. Il se mène aussi
des
exercices sous le pavillon de l'OTAN en Norvège et en
Islande.
[...] Nous
aimerions voir l'OTAN accroître sa présence dans le
Grand
Nord. »[33]
Le Canada : Première ligne,
bélier
et offrande de l'Occident
À mesure que les tensions vont monter dans
l'Arctique, et surtout si elles dégénèrent
en une
crise et que l'option militaire est utilisée, la
Norvège
jouera le rôle qui lui est assigné en tant que
loyale
cohorte de l'OTAN, comme le feront ses voisins le Danemark, la
Finlande et la Suède, ces deux derniers devenant
rapidement des
États de l'OTAN dans tous les sens sauf formellement.
Or, ils se joindront à la bataille
là
où trois des quatres États de l'OTAN
(États-Unis,
Canada et Danemark) ont des réclamations territoriales
dans
l'Arctique, soit dans l'extrémité nord de
l'hémisphère occidental.
Et possédant la frontière de
l'Arctique de
loin la plus grande et la partie la plus importante de son
plateau, le
Canada sera la brigade choc de toute provocation
délibérée et toute confrontation
ouverte.
On rapportait il y a neuf jours que
« les
travaux cartographiques du Canada dans l'Arctique touchent
à un
territoire revendiqué par la Russie dans la grande
rivalité pour établir de claires revendications
territoriales dans la région polaire et son fond marin
riche en
ressources.
« Les vols de catographie que le Canada
a
effectués à la fin de l'hiver et au début du
printemps sont allés au-delà du pôle Nord et
jusque
dans une région revendiquée par le Russie, a dit un
représentant du ministère des Ressources naturelles
dimanche. »
L'article continue : « Si le
Canada
finit par déposer une revendication qui s'étend
au-delà du pôle Nord, il pourrait se retrouver en
conflit
avec la Russie.
« Le Canada et la Russie se sont tous
deux
engagés à rechercher une résolution
pacifique aux
conflits qui les opposent concernant les revendications
territoriales
soumises au processus international. Cet engagement sera mis
à
l'épreuve si Ottawa et Moscou soumettent des
revendications qui
se chevauchent.
« Des scientifiques canadiens
soutiennent que
la dorsale sous-marine de Lomonossov est une prolongation du
plateau
continental de l'Amérique du Nord.
« On estime que le quart des
réserves
non découvertes de pétrole et de gaz naturel se
trouve
sous l'Arctique. »[34]
Les chefs militaires et civils du Canada
s'affairent
à préparer le terrain en vue de cette confrontation
depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Harper.
En août 2007, le premier ministre a
annoncé
que son gouvernement avait l'intention de
« bâtir une
nouveau centre de formation militaire à Resolute Bay, dans
le
Grand Nord [à l'extrémité est du Passage
Nord-Ouest] et d'aménager un port à eau profonde
à
usage à la fois militaire et civil à
l'extrême nord
de l'île de Baffin.
« Son passage dans l'Arctique plus
tôt
ce mois-ci s'est accompagné du plus grand exercice
militaire
dans la région depuis plusieurs années, avec la
participation de 600 soldats, marins et membres
d'équipages de
l'air. »[35] Un an plus tard, les
gouvernements Harper et
Bush renonçaient à un vieux conflit opposant les
deux
pays
dans la mer de Beaufort « au nom de la défense
contre
les revendications de la Russie dans l'Arctique, qui contredisent
celles des États-Unis, du Canada, du Danemark et de la
Norvège ».[36]
Le même mois, le Canada a effectué ce
qu'il
a appelé le premier d'une série d'exercices de
souveraineté militaire dans l'Arctique, des exercices tout
azimut comprenant « en plus de l'armée et des
forces
maritimes et aériennes, plusieurs agences et
ministères
fédéraux, dont la Garde côtière, la
GRC, le
SCRS, l'Agence des services
frontaliers du Canada, Transport Canada et Santé
Canada.
« Des représentants de
l'armée
disent que les exercices de cette année se font avec la
participation du plus grand nombre de ministères et
d'agences
jusqu'à date. »[37]
En août 2008, M. Harper et le ministre de la
Défense MacKay se sont rendus dans les Territoires du
Nord-Ouest
pour y inspecter « quatre chasseurs canadiens F-18
déployés dans le Nunavut en réponse à
ce
que les représentants officiels ont décrit comme
étant la présence d'un aéronef non
identifié près de l'espace aérien du
Canada. »[38]
À la fin de septembre, le ministère
de la
Défense a lancé l'« opération
NANOOK
2008, un exercice de souveraineté dans l'Arctique oriental
du
Canada. Qui plus est, M. Harper a exprimé son appui
à des
plans de bâtir un port militaire et une base militaire
au-delà du cercle polaire. »
Tout cela à l'heure où
« les
États-Unis se sont joints à la course, eux aussi,
faisant
équipe avec le Canada pour cartographier le fond marin
inexploré de l'Arctique. »[39]
Le 19 septembre, Harper aurait dit selon une
agence que
le Canada élève son niveau de surveillance
militaire le
long de sa frontière nordique en réponse aux
actions de
la Russie pour « tester » ses
frontières
et établir ses revendications dans l'Arctique.
« Nous sommes préoccupés
non
seulement par les revendications russes [...] mais aussi par les
incursions testant notre espace aérien, et d'autres
indications
[...] qui pourraient témoigner d'un désir de
travailler
en dehors du cadre international. » « C'est
évidemment la raison pour laquelle nous prenons une
série
de mesures, y
compris des mesures militaires, pour renforcer notre
souveraineté dans le Nord. »[40]
En décembre de l'année
dernière, le
ministre de la Défense MacKay a parlé
d'« empiétements possibles de la Russie et de
la
Chine sur notre espace maritime », ajoutant :
« Nous devons être vigilants. »[41]
En mars dernier MacKay a annoncé
« l'emplacement de deux stations de réception
satellite terrestre pour le projet Polar Epsilon, d'une valeur de
60
millions $, conçu pour établir une
surveillance nuit
et jour de l'Arctique canadien et des ses environs
océaniques
à partir de l'espace ».[42]
En avril, le Canada a mené
l'Opération
Nunalivut 2009, la première de trois
« opérations de
souveraineté »
prévues dans l'Arctique cette année.
Le ministre MacKay a dit :
« L'Opération Nunalivut n'est qu'un exemple de
la
façon dont le gouvernement du Canada exerce activement et
régulièrement sa souveraineté dans le Nord,
Les
Forces canadiennes jouent un rôle important pour atteindre
nos
objectifs dans le Nord et c'est pourquoi le gouvernement du
Canada
s'assure
qu'elles ont les outils nécessaires pour remplir une gamme
complète de tâches dans l'Arctique, incluant des
opérations de surveillance, de souveraineté et de
recherche et sauvetage. »
Le vice-amiral Dean McFadden, commandeur du
Commandement
Canada, a ajouté :
« Conformément à la
stratégie de défense du Canada d'abord, nous
insistons
beaucoup sur nos opérations dans le Nord, incluant le Haut
Arctique. Cette opération souligne la valeur des Rangers
canadiens, nos yeux et nos oreilles dans le Nord, qui, sous la
direction du gouvernement, connaissent une croissance de leur
effectif
pour
atteindre 5 000 membres. »
Le brigadier-général David Millar,
le
commandant de la Force opérationnelle interarmées
(Nord),
a quant à lui indiqué que :
« Cette opération est une
occasion en
or d'étendre nos capacités d'opérer dans
l'Arctique canadien. En plus de patrouilles aériennes et
terrestres, cette opération exige une gamme de
capacités
de soutien militaires — communications, renseignement,
cartographie et
imagerie satellite. »[43]
Le contre-amiral danois Henrik Kudsk, du
Commandement du
Groenland, a participé aux exercices « pour
discuter
de la coopération militaire dans le Nord ».[44]
Pour mieux démontrer l'unité de
l'OTAN
face à un ennemi commun, la Russie, « un
appareil de
recherche canadien est prévu survoler le 90 Nord ce
mois-ci dans
le cadre d'une mission conjointe du Canada et du Danemark pour
renforcer les revendications territoriales de ces deux pays sur
la
dorsale de Lomonossov avec son riche
potentiel en pétrole. »[45]
Le même mois, en avril, faisant cette
fois-ci une
démonstration d'unité bipartisane, les participants
à une réunion du Parti libéral à
Vancouver
ont discuté « d'une politique dure concernant
l'Arctique qui appelle le gouvernement à faire respecter
"activement et agressivement" la souveraineté du Canada
dans le
Nord, y compris par
l'expansion de son rôle militaire. »[46]
Un grand quotidien canadien a
révélé des informations sur le programme
Polar
Breeze du ministère canadien de la Défense
nationale, le
qualifiant de projet militaire de 138 millions $
« si
secret que le ministère a même
catégoriquement
nié son existence au début ».
« Aujourd'hui, à part revenir
sur sa
dénégation, l'armée refuse de
répondre
à toute question concernant ce projet qui, selon des
experts, a
un rôle dans la protection de la souveraineté et de
la
sécurité du Canada dans l'Arctique ».[47]
Le quotidien ajoute que le projet
« comprend
la cachottière direction du développement spatial,
des
réseaux informatiques et du renseignement
géospatial
(donnée recueillies par satellite) des Forces
canadiennes » et qu'il « pourrait avoir des
fonctions plus étendues, dont le partage de renseignements
militaires délicats entre les
différentes branches des Forces canadiennes avec des
alliés importants. »[48]
Au début du mois de mai le sénat
canadien
a déposé un rapport dans lequel il demande
« que le Canada arme ses brise-glace de la garde
côtière et fasse des Rangers du Nord des
unités
mieux formées pouvant participer au combat si
nécessaire ».[49]
Un peu plus tard, dans une dépêche
intitulée « After Russian talk of conflict,
Tories
say military is prepared », le ministre des Affaires
étrangères Lawrence Cannon a dit que
« la
stratégie de défense du gouvernement aidera
l'armée à "agir dans l'exercice de la
souveraineté
du Canada dans le Nord" et a énoncé des plans pour
établir une flotte de patrouilleurs de l'Arctique, un quai
d'accostage en eau profonde à l'île de Baffin, un
centre
de formation militaire de l'Arctique et l'expansion des Rangers
canadiens. [...]. »[50]
Les références
répétées à la Russie et à
aucun
autre pays tandis que le Canada renforce sa coopération
militaire avec les autres revendicateurs de l'Arctique au sein de
l'OTAN ne laissent aucun doute contre qui est dirigée
l'expansion militaire du Canada dans le Nord. Les récents
déploiements et les installations nouvelles ou
améliorées ne
peuvent servir dans un conflit conventionnel avec un adversaire
militaire moderne. Mais ils signalent l'intensification de la
campagne
pour présenter la Russie comme une menace, voire la
menace, pour le Canada.
Un journal internet citait récemment Piotr
Dutkiewicz, directeur de l'Institut des études
européennes et russes de l'Université Carleton, qui
se
dit inquiet de l'« étrange rhétorique
des
derniers mois qui présente la Russie comme un ennemi
potentiel.
[...] »[51]
La rhétorique est appuyée par
l'action et
n'est pas étrange mais parfaitement
compréhensible.
On est en train de préparer le Canada
à
jouer un rôle semblable à celui que joue la
Géorgie
depuis plusieurs années dans le sud de la Caucase,
c'est-à-dire celui d'une nation comparativement petite
(pour ce
qui est de la population) située près de la Russie
qui
sera appelée à jouer un rôle pour le compte
d'acteurs beaucoup plus puissants. Et si
la Russie devait répondre de quelque façon aux
« démonstrations de
résolution » du
Canada, que ce soit par l'embrouillage aérien ou avec la
descente d'un bombardier (la bravade peut toujours mal tourner),
les
États-Unis et l'OTAN seraient forcés d'offrir leur
soutien et leur aide, y compris par l'action militaire, suivant
l'Article 5 de
l'OTAN. En fait, c'est peut-être exactement ce que veulent
Washington et Bruxelles.
Plutôt que de continuer d'offrir son soutien
diplomatique et militaire à la Géorgie, le Canada
aurait
davantage intérêt à tirer des leçons
de la
guerre du Caucase d'août dernier : Une guerre peut
être déclenchée suivant les termes de
l'agresseur
mais se terminer suivant ceux d'un autre.
Notes
1. CanWest News Service. 26 mai
2009
2. Canwest News Service, 11
décembre 2008
3. Ibid
4. Canwest News Service, 11 mai 2009
5. Bibliothèque du Parlement, 7
décembre
2007
6. National Security Presidential
Directive 66 on Arctic
Region Policy
http ://www.fas.org/irp/offdocs/nspd/nspd-66.htm
7. Ibid
8. Prensa Latina, 29 mars 2007
9. Navy NewsStand, 30 mars 2007
10. Navy NewsStand, 29 mars
2007
11. Stop NATO, 2 février 2009,
http ://groups.yahoo.com/group/stopnato/message/37104
12. Interfax-Military, 26 septembre 2006
13. National Security Presidential
Directive, January 9,
2009
14. Ibid
15. Canwest News Service, 19 août
2008
16. Canwest News Service, 12 septembre
2008
17. CBC, 27 février 2009
18. Ibid
19. Vancouver Sun, 27 mars 2009
20. U.S. Geological Survey, mai 2008,
http ://geology.com/usgs/arctic-oil-and-gas-report.shtml
21. Live Science, 24 juillet 2008
22. Science, 29 mai 2009,
http ://www.sciencemag.org/cgi/content/short/324/5931/1175]
23. Globe and Mail, 28 mai 2009
24. Bloomberg, 29 mai 2009
25. Daily Tech, 1er juin 2009
26. Globe and Mail, 28 mai 2009
27. NATO International, 29 janvier 2009
28. Ibid
29. NATO International, Supreme
Headquarters Allied
Powers Europe, 29 janvier 2009
30. Itar-Tass, 13 mai 2009
31. The Times, 14 mai 2009
32. Barents Observer, 28 mai
2009
33. Defense Professionals, 25 mai 2009
34. Globe and Mail, 24 mai 2009
35. Canadian Press, 19 août 2007
36. Financial Times, 18
août 2008
37. Canwest News Service, 19 août
2008
38. Reuters, 28 août 2008
39. RosBusinessConsulting, 18 septembre
2008
40. Agence France Presse, 19 septembre
2008
41. Canwest News Service, 15
décembre 2008
42. Daily Gleaner
(Nouveau-Brunswick), 22
avril 2009
43. Défense nationale, 2 avril
2009.
44. Ibid
45. Canwest News Service, 5 avril 2009
46. Edmonton Sun, 13 avril 2009
47. Globe and Mail, 27 avril
2009
48. Ibid
49. Canadian Press, 7 mai 2009
50. Canwest News Service, 15 mai 2009
51. Embassy, 29 avril 2009
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