Le Marxiste-Léniniste

Numéro 23 - 2 février 2009

En vue du 60e anniversaire de l'OTAN

«Perspectives en matière de sécurité dans le Grand Nord»
L'OTAN s'arroge la responsabilité de l'Arctique
L'Arctique dans la mire de l'OTAN - David Brian, Voice of Russia
La conférence de Munich «sur la sécurité»

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«Perspectives en matière de sécurité dans le Grand Nord»

L'OTAN s'arroge la responsabilité de l'Arctique


Manifestation contre la réunion de l'OTAN à Reykjavik, en Islande, le 27 janvier 2009.

Invoquant les inquiétudes concernant la fonte de la calotte glaciaire et la rivalité avec la Russie pour les ressources énergétiques du Grand Nord, l'OTAN s'est déclarée responsable de la sécurité dans l'Arctique.

Les 28 et 29 janvier s'est tenu, à Reykjavik, en Islande, un séminaire de l'OTAN sur « les perspective en matière de sécurité dans le Grand Nord ». Selon un communiqué de l'alliance atlantique, la conférence a réuni le secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer, le commandant suprême des Forces alliées en Europe John Craddock, « un certain nombres de ministres et d'ambassadeurs des Forces alliées, le président du Comité militaire, les deux commandants stratégiques ainsi que plusieurs autres législateurs et experts des pays alliés ». Il a été question des « inquiétudes de l'OTAN concernant l'environnement dans l'Arctique et la rivalité pour les ressources énergétiques et les voies navigables de la région ». « Les États-Unis, le Danemark, le Canada et la Norvège, tous membres de l'OTAN, et la Russie ont des établi leurs revendications territoriales [qui s'entrecoupent] sur les matières premières de l'Arctique maintenant que la fonte de la glace polaire facilitera l'accès à 90 milliards de barils de pétrole, selon la U.S. Geological Survey », écrit l'agence Bloomberg. Selon les reportages, 25 % des réserves non découvertes de pétrole et de gaz naturel du monde se trouvent sous le fond marin de l'Arctique.

Parlant du changement climatique, le secrétaire général de l'OTAN a dit : « Les changements causés par la fonte progressive de la calotte glaciaire suscitent des inquiétudes parmi plusieurs pays autres que ceux qui appartiennent au Conseil de l'Arctique et à l'OTAN. C'est en effet l'ensemble de la communauté internationale qui sera touchée par les nombreux changements qui ont déjà cours. Dans cette situation, l'OTAN doit identifier comment elle peut mieux mettre en valeur ses compétences uniques." (Notre souligné — ndlr)

Le Marxiste-Léniniste condamne l'insolence de l'alliance militaire agressive à déclarer que les affaires des peuples du monde sont de son ressort, comme si l'OTAN était l'arbitre du droit international.

De Hoop Scheffer précise sa pensée en disant : « Bien que les conséquences à long terme du changement climatique et du recul de la glace polaire dans l'Arctique demeurent incertaines, il reste néanmoins que le Grand Nord devra retenir encore plus l'attention de l'alliance dans les années qui viennent. Je crois que l'OTAN a clairement un rôle à jouer. L'Alliance et la Russie ont déjà acquis des expériences partagées en recherche et sauvetage et en gestion de catastrophes. Je crois qu'il serait utile de bâtir sur cette expérience pour nous attaquer aux défis communs dans la région du Grand Nord. »

Concernant les conflits qui existent au sein de l'OTAN et avec la Russie à ce sujet, De Hoop Scheffer déclare : « Il est déjà clair qu'il y a certaines différences d'opinion entre les cinq États sur la ligne de démarcation des 200 milles marins des zones économiques exclusives, ainsi que sur l'extension du plateau continental. »

Un litige oppose le Canada au Danemark concernant la propriété de l'Île Hans et une partie de la mer de Lincoln ; un conflit oppose le Canada aux États-Unis sur les 11 000 kilomètres carrés de la mer de Beaufort riche en pétrole et sur le Passage du Nord-Ouest, que le Canada considère comme faisant partie de sa voie navigable intérieure.

Selon Dmitry Abzalov du Centre de conjoncture politique, à Moscou, « l'Arctique est une région militaire stratégique d'une importance vitale pour les pays entourant le Pôle Nord. Il ne fait pas de doute que le développement dans cette région est traditionnellement lié à l'exploitation des bioressources, à commencer par l'industrie de la pêche. Mais évidemment on s'intéresse tout autant à ses richesses d'hydrocarbure. »

En réponse à l'intention de la Russie d'adopter une loi délimitant la frontière sud de la zone russe de l'Arctique l'automne dernier, le Canada a menacé d'imposer des conditions d'autorisation plus sévères pour les navires qui empruntent le Passage du Nord-Ouest. Par ailleurs, les États-Unis, la Norvège et d'autres soutiennent que cette démarcation n'a aucun fondement dans le droit international, selon les agences de nouvelles.

De Hoop Scheffer a dit que les quatre pays de l'OTAN qui ont des côtes arctiques et la Russie ont la responsabilité de voir à ce que la région ne devienne pas une source de division et de conflit militaire. S'il est « compréhensible et tout à fait légitime » pour les alliés de songer aux conséquences de ces développements pour la défense et la sécurité, dit-il, tous les pays du Grand Nord doivent avoir « une présence militaire qui n'est pas excessive ». « Tous les partis, sans nous exclure nous-mêmes ni nos amis et partenaires russes, doivent respecter l'espace aérien lorsqu'ils envoient des avions patrouiller la région, mais je ne crois pas que nous nous trouvions en ce moment dans une situation de nuisance ou de menace », a-t-il dit.

Pour sa part, l'année dernière le Canada a effectué les plus grands exercices militaires de son histoire dans le Grand Nord et le gouvernement Harper met beaucoup d'accent depuis qu'il est au pouvoir sur le développement du nord, allant jusqu'à tenir une réunion symbolique de son cabinet à Inuvik.

Par ailleurs, la revue Embassy note que si le budget du 27 janvier du gouvernement Harper « ne prévoit pas la construction de nouveaux navires pouvant naviguer dans l'Arctique, il alloue 104 millions $ à la recherche et à des installations portuaires dans le nord canadien ».

« Le budget prévoit 87 millions $ pour l'amélioration des capacités de recherche du Canada dans le nord. De cette somme, 85 millions $ seront dépensés au cours des deux prochaines années par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord pour le maintien et la modernisation des installations de recherche actuelles dans l'Arctique.

« Les 2 millions $ qui restent seront consacrés à une étude de faisabilité en vue de la construction d'une station de recherche de classe mondiale dans le Grand Arctique pour améliorer notre compréhension de l'environnement nordique. »

(Sources : CanWest News, OTAN, Agence France Presse, Radio Free Europe, Bloomberg News)

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L'Arctique dans la mire de l'OTAN

Le désert sans fin de neige et de glace de l'Arctique a toujours fait l'objet de différends entre politiciens, diplomates et scientifiques. Il fait maintenant l'objet d'un différent militaire.

L'OTAN a déclaré que le territoire de l'Arctique est une région d'importance stratégique. L'annonce a été faite par le porte-parole de l'alliance James Appathurai, qui a également dit qu'une rencontre aurait lieu les 28 et 29 janvier à Reykjavik, en Islande, avec la participation de hauts représentants de l'OTAN.

La liste de participants à cette rencontre ne laisse aucun doute sur les véritables objectifs de l'OTAN dans la région. La décision de l'alliance militaire occidentale de déclarer les territoires nordiques une région d'importance stratégique va accroître les tensions internationales. La lutte pour l'Arctique est en train de devenir l'enjeu d'une rivalité militaire à long terme. Il y a donc de fortes probabilités qu'on y envoie, tôt ou tard, des contingents militaires.

Ceux qui observent de près l'évolution des événements ne manqueront pas de noter que les propos de M. Appathurai font directement suite à l'annonce de nouvelles initiatives dans la directive de sécurité nationale des États-Unis. Selon ce document, Washington aurait des intérêts nationaux fondamentaux dans la région de l'Arctique. Ces intérêts sont on ne peut plus clairs : défense anti-missile, dissuasion stratégique, opérations de sécurité marine. On n'y parle pas de terroristes ou de pirates, qui se sentent sans doute plus à l'aise dans le confort des eaux chaudes près de la côte de la Somalie que parmi les ours polaires du Grand Nord.

Les États-Unis, le Canada et l'OTAN ne cachent pas les raisons qui les poussent à vouloir déployer des unités militaires dans la région. Leurs brise-glace arriveront dans l'Arctique pour défendre les intérêts nationaux des membres de l'alliance qui prétendent avoir droit aux richesses naturelles de cette partie de la planète. L'Arctique contient environ 90 milliards de barils de pétrole brut non exploré et d'énormes réserves de gaz naturel, qui pourraient se comparer à celles de la Russie et qui représenteraient environ 30 % des réserves mondiales de gaz naturel. Selon certains experts, d'ici 2030 la Russie exploitera ses gisements dans l'Arctique et c'est de là que sera extrait 50 % de son gaz naturel. Le gisement de Shtokman dans la mer de Barents, par exemple, contient quatre billions de mètres cubes de gaz naturel.

Pleinement consciente de l'importance stratégique de l'Arctique, la Russie est disposée à répondre aux prétentions de l'OTAN. C'est pourquoi celle-ci est si pressée d'établir ses revendications territoriales. Le territoire de l'Arctique est une des cibles premières de la nouvelle doctrine maritime de la Russie, instituée durant la présidence de Vladimir Poutine. Le Conseil de sécurité de la Russie publiera une nouvelle stratégie du développement de l'Arctique à la fin de janvier. Le message central de cette stratégie sera celui-ci : La Russie ne va pas renoncer à l'Arctique. Moscou désire accroître considérablement la circulation marchande dans la voie navigable du nord durant les années qui viennent et a l'intention de bâtir à cette fin dix nouveaux brise-glace à propulsion nucléaire d'ici 2020.

D'ici environ un an, la Russie soumettra à l'ONU des documents appuyant ses revendications territoriales dans plateau de l'Arctique. Cinq pays de l'océan Arctique (Russie, Canada, États-Unis, Norvège et Danemark) ont pris la décision raisonnable l'an dernier de diviser la région arctique uniquement selon les conventions existantes.

Or, l'ajout, par l'OTAN, d'une dimension militaire au dialogue pourrait entraîner un changement important dans l'approche prise par rapport aux enjeux actuels. Tout cela pourrait mener à une escalade des tensions à l'échelle mondiale...

(Traduit de l'anglais par Le Marxiste-Léniniste)

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La conférence de Munich «sur la sécurité»

Depuis 1962, des députés, hauts représentants des forces armées, représentants de monopoles internationaux et scientifiques des pays membres de l'OTAN se réunissent à la « Conférence de Munich sur la sécurité » pour discuter de ce qu'ils croient être « les intérêts européens et nord-américains ». Cette année la rencontre a lieu du 6 au 8 février.

Selon le président de la Conférence de Munich, Wolfgang Ischinger, environ 300 représentants participeront à l'événement cette année. Les discussions porteront sur l'avenir et l'expansion de l'OTAN, la politique de l'Europe en matière de sécurité, la non-prolifération des armes nucléaires et les enjeux dans différentes régions stratégiques, dont l'Afghanistan, le Moyen-Orient, le Caucase central et les Balkans. Plus spécifiquement cette année il sera question des relations entre l'OTAN et la Russie, qui seraient particulièrement tendues depuis la provocation de l'OTAN entre la Géorgie et l'Ossétie en août dernier.

Lors d'un point de presse à Munich le 1er décembre, Ischinger a souligné que la Conférence devait conclure une entente avec la Russie. En tant qu'ambassadeur de la conférence, il a dit : « Une nouvelle entente entre l'Occident et la Russie concernant les enjeux fondamentaux de la sécurité européenne et mondiale, dont les futures adhésions à l'OTAN, est depuis longtemps nécessaire. Nous n'avons pas besoin de nouveaux systèmes d'armements. Nous devons plutôt trouver une façon de collaborer face à la crise actuelle et aux crises futures. La Conférence de Munich sur la sécurité offre une excellente occasion de le faire. » Le diplomate allemand exprime ainsi le désir de la Vieille Europe qui préfère une politique de pacification et de refoulement de la Russie à l'approche plus provocatrice de l'OTAN.

Avant la conférence, l'OTAN aura ses premières rencontres avec la Russie depuis la confrontation Géorgie-Ossétie. Le 2 février le Conseil OTAN-Russie, fondé en 2002 et constitué des 26 membres de l'OTAN et de la Russie, tient une réunion où il sera question de la reprise de ses travaux, qui furent interrompus par l'OTAN en août dernier. Selon un article de Russia Today en date du 26 janvier, le secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer prétend que la Russie demeure un partenaire essentiel de l'alliance et voudrait que les deux parties maintiennent le dialogue sur les questions qui les divisent. Selon Scheffer, cela comprend les systèmes anti-missile et le Traité sur les forces conventionnelles en Europe, deux aspects qui, selon lui, « établissent l'équilibre militaire dans le monde ». L'article cite l'envoyé de la Russie à l'OTAN Dimitri Rogozin selon qui Moscou serait disposée à dialoguer avec l'alliance militaire. Or, dit-il, la partie russe « ne va pas prétendre que rien ne s'est produit ». « Nous avons plusieurs questions importantes à soulever, notamment en ce qui concerne son évaluation extrêmement unilatérale de l'intrusion de la Géorgie en Ossétie du Sud. Ce problème sera à l'ordre du jour. »

La questions des systèmes anti-missile est particulièrement litigieuse, disent les commentateurs. Les États-Unis et l'OTAN prétendent que leur infrastructure militaire en Europe de l'est, y compris les bases militaires et les systèmes anti-missile, sont à des fins défensives, pour se protéger contre des « États voyous » comme l'Iran et la Corée du Nord, mais l'emplacement de leurs bases ne correspond pas à ces prétentions. En dépit des protestations de la Russie, les États-Unis ont considérablement accru leur présence militaire dans la région et ils ont l'intention d'établir une station de radar en République tchèque et une batterie de missiles intercepteurs en Pologne. L'Agence France presse écrivait le 28 janvier que la Russie a remisé ses plans en vue de l'installation de missiles au seuil de l'Europe centrale après avoir détecté un refroidissement dans l'administration Obama envers les plans de défense anti-missile des Américains en Europe. Les Russes attendent la confirmation, disent les rapports de presse.

L'Afghanistan occupe également une place importante dans les relations entre l'OTAN et la Russie, surtout que la Russie, depuis le conflit en Ossétie du Sud, a cessé de permettre à l'OTAN d'utiliser son territoire pour l'approvisionnement non militaire en Afghanistan, selon les agences de presse. Cette permission permettait à l'OTAN de contourner les « risques d'attaque » contre ses convois en provenance du Pakistan. Selon une dépêche du 23 janvier de Reuters, le président russe Dimitri Medvedev se serait montré disposé à coopérer avec la politique américaine en Afghanistan, dans l'espoir d'une amélioration des relations sous la nouvelle administration Obama. Reuters cite Medvedev : « Nous sommes ouverts à une coopération entière et sur un pied d'égalité sur la question de la sécurité en Afghanistan, y compris avec les États-Unis. Nous sommes prêts à discuter d'enjeux complexes, dont le transport de biens non militaires. »

Bien que la Russie ait soutenu l'invasion de l'Afghanistan par l'OTAN en 2001, selon les commentateurs elle croit de moins en moins à la capacité de l'OTAN à stabiliser la situation dans ce pays et craint une déstabilisation générale dans cette région considérée comme faisant partie de l'arrière-cour de la Russie. D'autres États de la région ont exprimé des inquiétudes semblables et les commentateurs disent qu'il est probable que l'OTAN se serve de l'Afghanistan à dessein pour provoquer cette déstabilisation dans la région, dans le but de nuire au commerce et aux intérêts de la Russie dans les régions avoisinantes. Reste à voir comment l'administration Obama entend procéder vis à vis de l'Afghanistan et du Pakistan.


Manifestation à Donetsk, en Ukraine, contre l'adhésion du pays à l'OTAN, le 31 janvier 2009. Sur la bannière: «Non à l'OTAN en Ukraine!»

Reuters écrivait le 23 janvier que le président de l'Ouzbékistan Islam Karimov est également inquiet que les visées de l'OTAN en Afghanistan provoquent la déstabilisation régionale. « Les pays de la région doivent se faire entendre avec plus de force sur le sujet, a-t-il dit. Nous proposons de résoudre le problème par l'engagement des États de la région. » Lui et Medvedev ont proposé l'intermédiaire de l'Organisation de coopération de Shanghai (fondée en 2001 en tant que regroupement intergouvernemental de sécurité mutuelle constitué de la Chine, du Kazakhstan, du Kyrgyzstan, de la Russie, du Tajikistan et de l'Ouzbékistan) pour convoquer une conférence internationale sur l'Afghanistan. On ne s'attend pas à une réponse favorable de la part de l'OTAN, qui voit cette organisation comme un adversaire dans sa quête de domination de la région et du monde.

Par ailleurs, dans le cadre de l'expansion de l'OTAN en Europe de l'est, le ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine prépare le premier programme national d'un an en vue de l'adhésion à l'OTAN, selon une dépêche du Kiev Post en date du 28 janvier.

(Sources : Reuters, Agence France presse, Russia Today, Kiev Post)

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