Le Marxiste-Léniniste

Numéro 19 - 27 janvier 2009

Le budget fédéral de 200 milliards $

Le budget fédéral de 200 milliards $
Pour combattre la crise économique - K. C. Adams
Lettre à la rédaction: La demande de consensus social

À titre d'information
Les dépenses annoncées

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Le budget fédéral de 200 milliards $

Pendant que le public est bombardé d'annonces au sujet du budget qui sera déposé aujourd'hui et des dépenses qu'il contiendra, il est important de se rappeler d'où viennent les revenus du gouvernement. Quel autre repère les travailleurs ont-ils pour juger des chiffres qui sont lancés ici et là ?

Le budget du gouvernement canadien est un aspect important de l'économie socialisée. Le gouvernement fédéral recueille et distribue environ 200 milliards $ par année. Ces revenus proviennent de la valeur ajoutée collective produite par la classe ouvrière du Canada et c'est une somme qui correspond à plus de 6 000 $ pour chacun des 33 millions habitants du Canada.

Selon Statistique Canada, 17 110 000 travailleurs canadiens participent directement à la production de la valeur ajoutée, qui est transformée en revenus par l'échange, ou contribuent à la distribution du produit social et à l'apport de services nécessaires dans différents domaines. La partie de la valeur ajoutée réclamée à titre de revenus du gouvernement fédéral correspond à environ 11 700 par travailleur employé.

Sur les 17 110 000 travailleurs canadiens, environ 5 000 000 participent à la production de la valeur ajoutée dans les secteurs de production de biens, notamment l'agriculture, la foresterie, les pêches, les mines, le pétrole et le gaz, les services publics, la construction, la fabrication, et plusieurs fonctions reliées au transport et aux services professionnels, scientifiques et techniques. Les 200 milliards $ que le gouvernement réclame à titre de revenus proviennent de la valeur ajoutée produite par les 5 millions de travailleurs des industries de la production de biens matériels, bien qu'en pratique le gouvernement l'obtient par la perception de taxes et impôts dans ces secteurs et tous les autres.

Ces 5 millions de travailleurs produisent également le reste de la valeur ajoutée qui est réclamée à titre de revenus pour tous les travailleurs, les propriétaires du capital et les autres niveaux de gouvernement. Sous le capitalisme, la valeur ajoutée doit d'abord être transformée en revenus par la réalisation (l'échange, la vente) avant d'être réclamée et utilisée. Les 5 millions de travailleurs des secteurs de production de biens contribuent chacun environ 40 000 $ en valeur ajoutée réalisée au budget du gouvernement fédéral.

Les revenus du gouvernement fédéral sont constitués de valeur ajoutée produite par les travailleurs, qui est d'abord réalisée (vendue) puis réclamée par le gouvernement. La valeur ajoutée est un produit social qui peut être utilisé comme moyens de consommation, comme la nourriture, ou comme moyens de production, comme les machines.

Quoi qu'il en soit, le budget fédéral et les revenus et dépenses de 200 milliards $ qu'il contient sont un aspect fondamental de l'économie socialisée du Canada. La façon dont ces revenus sont perçus et distribués est l'affaire de tous les Canadiens, pas seulement de la poignée de privilégiés, comme les propriétaires du capital et leurs représentants politiques. La classe ouvrière ne doit pas permettre aux propriétaires du capital et à leurs représentants politiques d'éclipser le rôle décisif et central que jouent les travailleurs dans la production de tous les revenus fédéraux. Les travailleurs sont en réalité les producteurs de tous les revenus du gouvernement et du produit social nécessaire dans la vente au détail, les finances, la culture et les services sociaux.

En tant que facteur humain central et décisif dans l'économie socialisée, les travailleurs ont raison de demander pourquoi eux et leurs alliés ne sont pas également au centre des prises de décision en ce qui concerne la perception et la distribution des revenus fédéraux. C'est évidement une question politique. Cela veut donc dire que les travailleurs doivent s'organiser et constituer une force politique effective. Il est temps de créer des institutions publiques qui donnent à chaque travailleur le temps et les moyens de participer consciemment aux affaires économiques du pays en raison du rôle central et décisif qu'il joue dans la production de toute valeur ajoutée et dans l'apport des services nécessaires dans la vente au détail, les finances, la culture, l'administration et les services sociaux. La classe ouvrière participe alors consciemment aux décisions concernant la richesse collective de la nation et s'assure que les revenus sont utilisés pour garantir le bien-être et les droits de tous.

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Pour combattre la crise économique

Les projets de sauvetage et de stimulation centrés sur le capital partent de la demande des propriétaires du capital les plus puissants qu'on protège et élargisse leur capital durant la crise.

Les projets centrés sur l'être humain partent de la nécessité de réaliser les droits de tous en tant qu'êtres humains et de ce dont l'économie socialisée a besoin pour se remettre de la crise et se renouveler.

Avec la propagande incessante à propos des projets d'infrastructure prêts pour la mise en chantier et autres projets de stimulation de l'économie et de sauvetage des banques, les cercles dominants espèrent créer l'impression qu'on s'occupe de la crise économique et que les actions du gouvernement sont au service du bien commun et dans l'intérêt public.

On dit que l'argent que le gouvernement donne aux banques est nécessaire pour dégeler le crédit et permettre aux banques privées de prêter aux petites entreprises et aux particuliers. Les projets d'infrastructure prêts pour mettre en chantier sont toujours une bonne chose, dit-on, parce qu'ils créent des emplois et améliorent les structures. L'utilisation de 32 milliards $ de fonds publics pour effacer la dette du papier commercial adossé à des actifs des plus grandes institutions financières permettraient de sauver les caisses de retraite et les épargnes des particuliers. La réduction de la contribution des monopoles aux régimes de retraite enregistrés et le rallongement (à 10 ans) du délais qu'ils ont pour assurer la solvabilité des régimes de retraite seraient nécessaires pour permettre aux monopoles d'éviter la faillite et d'investir la valeur ajoutée dans l'expansion (plutôt que de la mettre de côté pour garantir la sécurité des retraités).

Il semblerait que cette même classe dominante qui a plongé le pays dans la crise économique va assurément combattre les problèmes qu'elle a créés et toujours avec les plus nobles intentions. Les politiciens ouvriers ne croient pas à ces contes de fée. Le motif des riches n'est pas ce qu'on prétend. Objectivement, le but des propriétaires du capital est de protéger et d'élargir leur capital le plus possible et le plus vite possible et c'est cela qui est à l'origine de la crise économique. Maintenant qu'il est question de plans de sauvetage des banques et de projets de stimulation de l'économie et de construction d'infrastructures, le but peut-il être différent ? Les propriétaires du capital n'ont pas changé leur but et ne peuvent le changer même si c'était une affaire de choix personnel. Leur motivation est imposée par l'essence même du capital en tant que rapport social inégal. Si certains propriétaires du capital, agissant à contre-nature, décidaient que la valeur accumulée qu'ils ont saisie à titre de propriété privée, grâce au rapport social inégal qu'est le capital, ne sera plus désormais soumis aux caprices de l'expansion du capital par l'exploitation des travailleurs et le vol de la valeur ajoutée qu'ils produisent, leur capital cesserait d'exister et ils perdraient la position privilégiée qu'ils ont à titre de propriétaires du capital dans l'économie capitaliste. D'ailleurs, d'autres propriétaires du capital prendraient vite leur place et en profiteraient pour élargir et consolider leurs empires aux dépens de ceux qui, par altruisme et par miracle interposé, auraient changé leur motif. Ça ne changerait pas le but du système capitaliste et ça ne mènerait pas à l'effondrement du système et à son remplacement par une libre association des travailleurs produisant pour le bien commun, le système appelé socialisme. Jamais une classe dominante n'a renoncé à son but et quitté la scène de l'histoire par bonté de coeur. C'est aux opprimés et à la classe plus moderne de s'organiser indépendamment de la classe dominante et de réaliser la transformation à l'encontre de la classe dominante.

Lorsque, dans les années 1880, il était devenu évident que la vie avait dépassé l'esclavage comme tel pour le remplacer par l'esclavage salarié, le marché des esclaves cédant la place au marché du travail, les propriétaires d'esclaves africains aux États-Unis refusèrent de céder leur privilège raciste et les défendirent avec acharnement dans une guerre civile qui fut un véritable carnage.

Les plans de sauvetage et de stimulation de l'économie centrés sur le capital partent de ce qu'exigent les propriétaires du capital les plus puissants : protéger et élargir leur capital durant la crise. Le budget centré sur le capital ira donc dans le sens de protéger et d'élargir le capital par l'exploitation du travail.

Les projets centrés sur l'être humain partent de ce qui est nécessaire pour réaliser les droits de tous en tant qu'êtres humains et de ce dont l'économie socialisée a besoin pour se remettre de la crise et se renouveler. Le budget centré sur l'être humain irait donc dans le sens de satisfaire les besoins et de garantir les droits de tous et de renforcer l'économie socialisée en retreignant le droit de monopole et en élargissant l'espace de l'entreprise publique, sans le fardeau et les exigences du capital.

Plutôt que de protéger et d'élargir le capital, les projets centrés sur l'être humain satisfont les besoins de la population et reproduisent les moyens de subsistance modernes dans l'entreprise publique, qui est l'opposé des plans de sauvetage et de relance des riches.

Les propriétaires du capital ne voient pas la nécessité de projets centrés sur l'être humain qui sortent les travailleurs, même s'ils sont sans travail, de leur condition social de travail esclavagé dont le but dans la vie est d'élargir le rapport social inégal appelé capital. Les propriétaires du capital s'inquiètent que les projets centrés sur l'être humain libèrent les travailleurs et leur permettent de reproduire leurs propres moyens de subsistance modernes en dehors du contrôle du capital, comme les programmes sociaux pour garantir les droits de tous et l'entreprise publique qui garantir la durabilité de l'économie socialisée et renforcer la société en remettant la valeur ajoutée dans l'économie et en ne permettant pas qu'elle soit accaparée par les riches à titre de capital. Les représentants des propriétaires du capital qui prétendent que leurs demandes vont dans le sens de protéger les plus vulnérables ne sont pas si généreux quand ces demandes empiètent sur les « droits » des propriétaires du capital.

La classe ouvrière ne peut pas croire aux programmes formulés par le gouvernement pour combattre la crise économique. Chaque plan de sauvetage, chaque projet d'infrastructure prêt pour mettre en chantier et chaque projet de simulation de l'économie doit être examiné à fond et soumis à l'analyse critique. Il faut exposer leur nature centrée sur le capital. En cette période de crise, il faut organiser une lutte résolue pour gagner l'espace pour les projets centrés sur l'être humain, pour défendre les droits de tous avec l'augmentation des investissements dans les programmes sociaux et pour construire des moyens de subsistances modernes dans une entreprise privée dégagée du fardeau et des exigences du capital.

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Lettre à la rédaction

La demande de consensus social

Les « dépenses pour stimuler l'économie » et la « réapparition des déficits budgétaires » font l'objet d'une propagande assourdissante. On prétend que les dépenses déficitaires et les dépenses de stimulation sont en soit pro-sociaux ou pour le bien de tous, pour s'occuper des plus vulnérables, etc.

Si vous prenez les dépenses pour payer les riches en faveur des monopoles du pétrole, par exemple, Harper prétend qu'il doit d'abord réussir à convaincre Barack Obama d'acheter notre pétrole. Puis il dit : mais « nous » n'avons pas été très responsables en ce qui concerne l'environnement et « nous » pouvons faire mieux. Comment va-t-il convaincre Obama que le pétrole des sables bitumineux n'est pas un pétrole « sale » ? En remettant des milliards de dollars à l'industrie pétrolière au nom de la réduction des émissions de carbone. Autrement dit, le gouvernement Harper va défendre les intérêts du Canada, il va défendre les intérêts de l'ouest canadien, il va faire quelque chose à propos de l'environnement et faire son mea culpa.

En Alberta, les parasites de l'industrie du pétrole réclament des deniers publics en invoquant les plus grands idéaux. Ceux qui réalisent des profits faramineux par la spéculation sur le prix du pétrole, faisant monter les prix en flèche avec comme conséquence d'accentuer la crise financière, ont maintenant mis au point de nouvelles combines pour voler des milliards de dollars au trésor public. Naturellement, c'est avec les plus nobles intentions du monde.

Le gouvernement albertain a déjà promis 2 milliards $ pour le financement de technologies de réduction du dioxyde de carbone.

L'industrie du pétrole et le gouvernement de l'Alberta veulent d'autres incitatifs pour les technologies de stockage et de captage du carbone dans le budget fédéral. Selon le Globe and Mail, Harper proposera une initiative conjointe à Obama sur ces technologies dites vertes.

Le député conservateur de Calgary, Lee Richardson, a dit qu'il espère que le gouvernement fédéral offrira un incitatif aux « compagnies du pétrole et du gaz naturel qui éprouvent des difficultés ». Greg Stringham, vice-président de l'Association des producteurs de pétrole, a annoncé que son organisation a soumis sa liste de souhaits au gouvernement fédéral.

Le développement des projets de sables bitumineux à une vitesse étourdissante est un élément central de la politique énergétique continentale sous le diktat des monopoles privés. Elle est basée sur l'intérêt étroit des monopoles qui jouissent d'un contrôle privé des ressources énergétiques renouvelables et non renouvelables du Canada. Il fait également partie de ce que les Américains appellent sécurité énergétique, un fondement de la politique étrangère des États-Unis. La garantie de l'accès aux ressources énergétiques par l'intervention militaire ou la menace d'intervention militaire demeure l'élément central de la « sécurité énergétique » des États-Unis mais dernièrement ils parlent surtout d'éliminer leur dépendance par rapport au pétrole du Moyen-Orient et du Venezuela.

Dans ce monde de fantaisie, le Canada n'est pas subordonné à une politique énergétique continentale dictée par les États-Unis suivant leur besoin de garantir leur accès à des sources de pétrole en Amérique du Nord, le Mexique et le Canada étant essentiellement perçus comme des fournisseurs intérieurs.

Dans ce monde de fantaisie, ce ne sont pas les monopoles du pétrole, principalement ceux possédés et contrôlés par les Américains, qui ravagent les sables bitumineux et préparent des calamités naturelles, et à qui le gouvernement donne des milliards de dollars.

Les monopoles réclament un consensus social pour cacher le fait qu'ils n'ont jamais pu développer une économie souveraine basée sur la satisfaction des besoins de la population.

La classe ouvrière est censée se joindre à un consensus social parce que si les États-Unis n'achètent pas le pétrole des sables bitumineux, l'économie de l'Alberta va s'effondrer et cela aura des conséquences pour l'ensemble du Canada.

La discussion se limite au départ à être pour ou contre l'exploitation des sables bitumineux. Puis on entraîne tout le monde dans un débat à savoir quelle est la meilleure façon d'exporter le pétrole aux États-Unis. Puis on doit débattre du montant que le gouvernement devrait remettre aux monopoles du pétrole pour « sauver l'environnement ». C'est une façon d'étouffer l'effort pour organiser autour du vaste mécontentement public en faveur de la propriété publique et du contrôle public, d'une économie souveraine qui suffit à ses besoins, un développement économique qui tient compte des besoins de la terre, des nations autochtones, des travailleurs et de la société.

Une lectrice en Alberta

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À titre d'information

Les dépenses annoncées

Selon les bulletins de nouvelles, le budget du gouvernement Harper prévoit un déficit de 64 milliards $ en deux ans, soit 34 milliards $ la première année et 30 milliards $ la deuxième.

Parmi les autres annonces faites ces derniers jours il y a :

- 1,5 milliard $ pour la formation de travailleurs mis à pied, même s'ils ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi

- 500 millions $ en appui ciblé aux travailleurs âgés

- 1 milliard $ pour la rénovation du logement social

- 600 millions $ pour le logement pour les autochtones qui vivent sur des réserves

- 400 millions $ pour le logement pour les personnes âgées

- 75 millions pour le logement pour les personnes handicapées

- 1 milliards $ en fonds d'ajustement pour les communautés à industrie unique les plus touchées par la crise économique (forêts, mines et agriculture). Ce fonds aurait des critères flexibles pour permettre aux communautés de s'ajuster au climat économique.

- 160 millions $ en nouveaux investissements dans les arts et la culture

- 150 millions $ en aide à l'industrie forestière, dont plus de 100 millions pour le développement de nouvelles utilisations de produits forestiers et 50 millions pour aider à la promotion de l'industrie à l'étranger tout en étant responsable envers l'environnement

- 550 millions pour les agriculteurs, dont un demi-milliard pour les aider à s'ajuster au climat économique et 50 millions $ pour l'expansion des abattoirs.

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